La traversée de Marseille à Oran est d'environ 50 heures en temps ordinaire. Le panorama du golfe d'Oran s'étendant du camp Ferrat, à l'E., au camp Falcon, à l'O., sans être aussi grandiose que le panorama d'Alger et de ses environs, attirera cependant l'attention des touristes.
De l'ouest à l'est, après le cap Falcon reconnaissable par son phare, vient le petit village maritime d'Aïn-el-Turk. La côte, fort basse jusqu'à cet endroit, se relève et présente une haute muraille de rochers, de laquelle se détache Mers-el-Kebir, avec ses maisons, ses fortifications et son port abandonné désormais par la marine marchande. Les villages de Saint-André et de Sainte-Clotilde, et les bains de la Reine viennent s'échelonner ensuite, entre les falaises et les pentes du Murdjadjo, sur la route de Mers-el-Kebir à Oran.
Le djebel-Murdjadjo porte le fort de Santa-Cruz à son sommet, le fort de San-Gregorio vers son milieu, et le fort de la Moune à sa base, près de la mer.
Oran se montre ensuite, en amphithéâtre comme Alger, mais sur deux versants que sépare l'oued-Rehhi. Au fond, à dr., c'est la vieille Kasba dominant l'ancienne cité espagnole, la Blanca ; plus près c'est le minaret de l'ancienne mosquée d'El-Haouri ; plus près encore, le clocher de la cathédrale Saint-Louis.
- A g., entre le fort Saint-André, couronnant les hauteurs du quartier d'Austerlitz ; et le fort Neuf ou Rosalcazar, surplombant la promenade de Létang et la mer, c'est la ville neuve dont le minaret de la Grande-Mosquée marque le centre. Enfin du fort de la Moune à l'extrémité du fort Neuf, c'est le nouveau port avec sa douane, sa manutention militaire, son moulin sur l'oued-Rehhi, ses quais et sa gare du chemin de fer d'Oran à Alger.
Le ravin d'Aïn-Rouina, tout verdoyant d'arbres et de cultures, sépare à l'E. Oran du faubourg de Kerguenta, reconnaissable à sa caserne de cavalerie, à son parc à fourrages et à ses moulins à vent.
La falaise qui court de Kerguenta à la pointe de Canastel, laisse voir une foule de fermes et de villas qui entourent le village d'Arcole.
Au dessus de Canastel et à l'E. surgit le djebel-Khar, la montagne des Lions ou de Saint-Augustin, qui vue des plaines de Sig et de l'Habra, a un faux air du Vésuve. Entre le djebel Khar et la pointe de l'Aiguille, on aperçoit le petit village espagnol de Christel. La pointe de l'Aiguille termine à l'E. le golfe d'Oran. Plus loin, mais on ne le distingue pas toujours, c'est le cap Ferrat ; derrière est Arzeu.
Â
Â
SITUATION, DIRECTION ET ASPECT GENERAL
Â
Oran, V. de 47 000 hab., dont près de 7000 indigènes, ch-l. du départ. et de la division d'Oran, résidence de tous les chefs supérieurs des différents services administratifs, tant civils que militaires, et d'un évêque suffragant de l'archevêque d'Alger, est située au fond d'une baie, par 35° 44' de latitude N. et de 2° 98' de longit. O. Sa forme générale est celle d'un triangle un peu irrégulier dont la mer forme la base, le Château-Neuf l'angle N.E., le fort de la Moune l'angle N. O. et le fort Saint-André le sommet au S. Oran est bâtie sur les deux flancs d'un ravin auquel elle doit son nom (Ouahran, la coupure) et au fond duquel coule l'oued Rehhi ( la rivière des moulins) recouverte aujourd'hui, à partir de la porte de Tlemcen, par un large tunnel sur lequel s'élèvent le boulevard Malakoff, une partie du boulevard Oudinot et le massif de constructions qui sépare la place Kléber de la place de la Mairie en contre-bas de la promenade de Létang. Le plateau O. comprend l'ancienne ville espagnole, le port et la vieille Kasba. C'est là que les Espagnols qui ont possédé Oran de 1509 à 1708 et de 1732 à 1791, c'est à dire pendant près de deux siècles et demi, ont laissé des traces nombreuses de leur domination, encore visibles malgré le tremblement de terre de 1790. Le Château-Neuf et la nouvelle ville s'élèvent en amphithéâtre sur la partie E. On retrouve plus particulièrement de ce côté les maisons mauresques et juives qui s'étendent de la place de la République au fort de Saint-André, autant toutefois que les alignements ou les constructions françaises ne les ont pas fait disparaître ou remplacées. Mais ce qui appartient bien toujours aux Espagnols, c'est cette formidable ceinture de forts, qui étreignait la ville de tous côtés pour la défendre contre les attaques incessantes des Arabes ou des Turcs.
Oran n'est plus aujourd'hui le bagne de l'Espagne et la ville où tous les seigneurs mécontents et tombés en disgrâce étaient exilés, ce qui ne les empêchait pas d'y mener grand train de vie. La population, d'environ 3000 âmes, a dit F. Mornand, ne se composait que d'Espagnols; il y avait en outre dans la ville six ou sept mille hommes de garnison et un nombre à peu près égal de presidarios, galériens, employés aux travaux de fortification. Un labeur de galérien peut seul expliquer, en effet, une telle débauche de moellons, un pareil luxe de bâtiments. Soldats, forçats et habitants s'entendaient au reste à merveille. Les uns et les autres se faisaient d'ailleurs la vie très douce. Les soldats ne veillaient pas sur les forçats, qui s'en allaient, toutes les fois que la fantaisie leur en prenait, grossir le nombre des renégats espagnols au Maroc, où l'on trouvait des villes entières peuplées de ces réfugiés. Les forçats épargnaient aux soldats toute fonction autre que celle de faire la sieste et de fumer la cigarette. Les bourgeois fraternisaient humainement avec ces deux classes intéressantes de l'ordre social. Cette touchante fusion ne contribuait pas peu à rendre Oran ce qu'elle était, un véritable lieu de délices, s'il faut en croire du moins ce que disent les chroniques contemporaines. Nuit et jour, à ce qu'elles rapportent, ce n'était dans la ville que jeux, collations, danses, comédies, courses de taureaux et sérénades sous les fenêtres. On avait surnommé Oran la corte chica (la petite cour). C'était un bagne de plaisance.... Nous croyons que ce tableau est bien chargé, car les soldats, pour leur compte, eurent autre chose à faire que de songer à leur plaisir, au milieu des siéges des sorties qui leur laissaient peu de loisirs.
Oran, tour à tour arabe, espagnole et turque, est aujourd'hui un ville française bien percée, bien bâtie, bien aérée, dans laquelle la population européenne circule avec l'activité fiévreuse que donne le mouvement de plus en plus grand des affaires commerciales dans. cette partie de notre colonie. On y voit encore défiler comme dans une lanterne magique : les militaires de tous grades et de tout corps, zouaves, turcos, chasseurs à pied et à cheval, spahis et artilleurs ; les Juifs portant le costume de leurs compatriotes du Maroc : la lévite, le pantalon à pied et le bonnet noir ; les Juives splendidement belles, et couvertes de robes damassées d'or et de soie, quand elles ne sont pas laides et sordidement vêtues sous leur châle rouge sang de boeuf ; les Espagnols venus des villes ou des huertas de l'Andalousie, vêtus de grègues blanches, de l'alhamar, couverture de grosse laine rouge, et le mouchoir roulé autour de la tête, costume qui trahit son origine mauresque ; les mañolas gaies, vives, bruyantes, remplissant comme à Alger les fonctions de bonnes d'enfant ou de ménagères, mais n'ayant plus rien de national dans leurs vêtements auxquels elles ont en grande partie substitué la crinoline ; les Maures, insouciants, fatidiques, ne se trouvant pas trop étonnés de circuler au milieu des Européens ; puis, comme dans tous les grands centres de l'Algérie, les différentes races d'indigènes venus de dehors et se partageant tous les petits Métiers. Tel est Oran vu dans son ensemble et d'un premier coup d'oeil.
Â
HISTOIRE
Â
Des médailles appartenant à différentes époques de la.domination romaine ont été trouvées à Oran ; faut-il en conclure que cette ville soit bâtie sur les ruines d'un établissement romain ? Quelque ingénieux que puisse être le système d'investigation dont le résultat serait de démontrer qu'Oran est la Quiza municipium d'Antonin ou la Quiza Xenitana de Pline, nous ne saurions, jusqu'à preuve plus concluante, adopter ce système. D'ailleurs Antonin, dans son itinéraire de la province d'Afrique, place Quiza entre Portos Magnus, Arzeu et Arsenaria, Yer'rum. Voici, du reste, le tronçon compris entre le Flumen Salsum, le Rio-Salado des Espagnols, l'oued-Malah des Arabes et Cartenna, Tenès, deux points bien déterminés aujourd'hui :
Flumen salsum, l'oued-Malah.
Portus divinus, Mers-el-Kebir.
Portos magnus, Arzeu.
Quiza ?
Arsenaria, Yer'rum.
Cartenna, Tenès.
Pline, de son côté, liv. V, ch. II, place également Quiza Xenitana entre Portus magnus et Arsenaria. Faut-il donc chercher Quiza et Arsenaria au fort de Bal, derrière le cap Mar'oua et à Yer'rum ?
Oran eut pour fondateurs, dit El Bekri (traduction de M. de Slane), Mohammed-ben-Abi-Aoun, Mohammed-ben-Abdoun et une bande de marins andalous qui fréquentaient le port de cet endroit. Ils accomplirent leur. entreprise après avoir obtenu le consentement des Nefza et des Mosguen, tribus qui occupaient cette localité. Les Mosguen faisaient partie de la grande tribu berbère des Azdadja. Ces Andalous fondèrent Oran en l'an 290 (902-903 de J. C.). Ils y séjournèrent jusqu'en l'an 297 ; alors une foule de tribus se présentèrent devant la ville et demandèrent l'extradition des Beni Mosguen. Les Andalous ayant refusé de les livrer, Oran fut saccagée et brûlée, ce qui eut lieu dans le mois de Doul-kada 297 (910 J. C.). Au mois de Châban de l'année suivante, la ville commence à se relever et devient plus belle qu'auparavant ; elle ne cessa de s'agrandir et de prospérer jusqu'à l'an 343 (954 J. C.). A cette époque, Yala-ben-Mohammed-ben-Salah l'Ifrenide s'en empara et transporta sa population dans la ville qu'il venait fonder, connue sous le nom d'Ifgan ou Fekkan, dont M. de Slane signale les ruines à cinq lieues S. S. O. de Maskara, au confluent de l'oued-Hamman. Oran, dévastée et brûlée pour la seconde fois, resta dans un état d'abandon pendant quelques années. Les habitants ayant alors commencé à y rentrer, la ville se releva de nouveau.
Oran est encore enlevée d'assaut en 475 (1082 J. C.) par les troupes almoravides, sous les ordres de Mohammed-ben-Tinamer le Messoufien.
En 479 (1086 J. C.) Youssef-ben-Tachfin, prince almoravide, s'empare de l'Afrique, du Sahara à la Méditerranée. Le pouvoir de ses successeurs va en diminuant, et le dernier, Tachfin-ben-Ali, fuyant devant les cavaliers de 1'Almohade Abd-el-Moumen, périt entre Oran et Mers-el-Kebir.
Abd-el-Moumen, administrateur remarquable, protecteur des lettres et des sciences, meurt en 558 (1163 J. C.), au milieu des préparatifs d'une expédition maritime, organisée en partie à Oran et à Mers-el-Kebir.
A la chute des Almohades, en 667 (1269 J. C.), Oran passe sous l'autorité des Mérinides.
Oran est emportée d'assaut par l'Abd-el-Ouadite-Abou-Hammou sur les Mérinides, qui sont passés au fil de l'épée, en 761 (1380 J. C.).
En moins d'un demi-siècle, dit M. L. Fey, Oran passa neuf fois sous différents pouvoirs.... Ben-Abbad réussit à se maintenir à la tête du gouvernement des Oranais à la condition qu'il se reconnaîtrait vassal du royaume de Tunis (841-1437 J. C.). Oran reçut dans ses murs vers cette époque le célèbre Moulai-Mohammed, surnommé le Gaucher et quinzième roi de Grenade, obligé de fuir devant ses sujets insurgés. Mohammed fixa sa résidence à Oran, afin de correspondre plus facilement avec les membres de son parti. A la mort de Ben-Abbad, Oran obéit aux Beni-Zian de Tlemcen. Sous cette nouvelle domination, Oran jouit d'une grande prospérité ; elle devint l'entrepôt d'un commerce très actif et très étendu. Marmol et Alvarès Gomès en rendent témoignage. L'ivoire, les dépouilles d'autruche, les peaux de bœufs tannées, la poudre d'or, les esclaves noirs, les céréales étaient d'inépuisables sources de richesses pour les habitants, qui excellaient aussi dans la fabrication des étoffes de laine et dans celle des armes blanches. Les Vénitiens, les Pisans, les Génois, les Marseillais et les Catalans achetaient à l'envi ces produits, et écoulaient par contre des étoffes, des verroteries, de la quincaillerie grossière et du fer.
On comptait à Oran, suivant Alvarès Gomès, plus de 6000 maisons, des mosquées splendides, des écoles qui rappelaient les fameux enseignements de Cordoue, de Séville et de Grenade ; de vastes entrepôts sur des quais populeux, des bains renommés et des édifices publics remarquables ajoutaient à l'éclat de cette cité florissante. Malheureusement le luxe et les richesses portèrent les Oranais aux excès les plus condamnables; les moeurs se corrompirent.... Sidi-Mohammed-el-Hâouari, avant visité Oran, frémit à la vue de tant de corruption et s'écria douloureusement
"Oran, ville de l'adultère, voici une prédiction qui s'accomplira : l'étranger viendra dans tes murs jusqu'au jour du renvoi et de la rencontre." (Le jugement dernier.)
La mort d'El-Haouari eut lieu en 843 (1439 J. C.) ; sa prédiction fut accomplie soixante-dix ans après, par l'arrivée des Espagnols à Oran.
Au commencement du XVIe s, les villes maritimes du Mar'reb, épuisées par les fréquentes révolutions dans lesquelles s'abimait l'empire des Arabes et des héritiers de leur ancienne prospérité commerciale, s'adonnaient presque exclusivement à la piraterie. Elles s'étaient recrutées, dans les dernières années du siècle précédent, de tous les Maures chassés d'Espagne, et ceux-ci nourrissaient une double haine contre les ennemis de leur religion, qui les avaient violemment arrachés à leur patrie. Faire les chrétiens esclaves, piller leurs navires, ravager leurs terres, ce n'était à leurs yeux que des représailles légitimes, assez justifiées par le souvenir amer de leurs récentes défaites, l'espoir d'en tirer vengeance et de reconquérir une part des biens dont on les avait dépouillés.
C'est à la nécessité de réprimer ces pirateries qu'il faut attribuer les expéditions qui signalèrent le nom espagnol sur la côte d'Afrique ; elles se rattachaient probablement à un grand projet de croisade en Terre-Sainte, pour lequel Ferdinand d'Espagne, Emmanuel de Portugal et Henri d'Angleterre conclurent un traité d'alliance offensive et défensive au mois de mars 1506. Ce projet dut échouer par la nécessité où se trouvèrent les princes alliés de secourir le Saint-Siége, alors en querelle avec la France.
Dès l'année 1502, Ximenès représentait à son souverain le bien que la religion retirerait d'une guerre entreprise contre les musulmans d'Afrique, et la gloire qui en rejaillirait sur la couronne.
Un tel projet devait tenter l'esprit chevaleresque de Ferdinand, qui s'était déclaré le champion de tous les intérêts de l'Église; mais le cardinal, n'écoutant lui-même que l'ardeur de son zèle apostolique, n'avait pas prévu les difficultés qui l'arrêtèrent dès les premiers pas. L'ignorance où se trouvait alors le gouvernement espagnol sur l'état des contrées d'Afrique, les plus voisines de l'Espagne, le manque de renseignements précis sur la position des villes, sur leurs
forces de terre et de mer, sur leurs ressources de tous genres, et par-dessus tout, la difficulté de les faire explorer, donnaient naissance à de grands embarras. Il fut un instant question de commencer l'attaque par la petite ville d'Honeïn, presque limitrophe, à l'E de l'empire du Maroc. Cette place maritime était peuplée de corsaires, et on présumait qu'elle renfermait beaucoup de richesses enlevées aux chrétiens ; mais des renseignements fort précis donnés par un certain Jérôme Vianelli, marchand vénitien, qui avait longtemps voyagé en Afrique, déterminèrent le gouvernement espagnol à diriger ses premiers efforts contre un autre point de la côte. Ce point était le port de Mers-el-Kebir, qu'on se représentait alors comme la clef de toute l'Afrique.
L'expédition résolue, un obstacle se révéla, qui faillit en ajourner indéfiniment l'exécution : l'argent manquait ; le trésor de l'État avait tellement été appauvri par la dernière guerre contre les Maures d'Espagne, qu'il ne pouvait suffire aux dépenses d'une grande expédition. Ce fut alors que le cardinal Ximénès promit au roi de subvenir lui-même aux frais de la guerre pendant deux mois. Sans plus de retard, il équipa une flotte assez considérable, et réunit une armée formée de tout ce qu'il.y avait de noble et de courageux dans les Espagnes car c'était à qui s'enrôlerait pour la guerre sainte.
Le 3 septembre 1503 (911 hég.), la flotte partit de Malaga, relâcha le 8 à Almeria, et passa le 11 dans la rade de Mers-el-Kebir. Le siége dura plusieurs jours sans résultat ; mais les assiégés, à la veille d'être. réduits, conclurent une trêve à l'expiration de laquelle ils devaient rendre la ville, si les secours qu'ils attendaient de Tlemcen n'arrivaient pas. En effet, ce secours ayant manqué, ils capitulèrent. C'était le 23 octobre, cinquante jours après le départ de la flotte de Malaga. Les troupes catholiques prirent possession de la place, relevèrent les fortifications qui avaient le plus souffert du siège, et ayant laissé une bonne garnison, remirent à la voile.
Les Espagnols conçurent d'abord une trop haute idée de cette conquête et le général D. Gonzalve de Ayora écrivit à Ximénès : " Nous avons maintenant conquis l'Afrique à moitié" puis il ajoutait qu'on pourrait se contenter de concentrer dans Mers-et-Kebir une garnison respectable, et d'y faire quelques travaux de fortification qui rendraient imprenable une place déjà si bien défendue par la nature : son occupation par les chrétiens en ferait bientôt l'effroi de toute la contrée, et assurerait au loin leur domination. Mais Ximénès, qui entendait quelquefois mieux la guerre que les généraux, ne pensa pas tout à fait ainsi. L'occupation, bornée à Mers-el-Kebir, lui paraissait impuissante : ce n'était, à ses yeux, qu'une trouée faite à la côte d'Afrique, rien de plus. Il songeait à s'emparer d'une place, sinon plus forte militairement, du moins plus à même d'offrir des ressources et des moyens de s'étendre dans le pays. Celle d'Oran lui semblait réunir ces conditions, et une défaite essuyée par la garnison de Mers-el-Kebir dans un engagement avec les Maures de cette ville le 13 juillet 1507 (913 hég.), le décida tout à fait à diriger une expédition de ce côté.
Ici se présentaient de nouveaux obstacles : l'enthousiasme de Ferdinand s'était beaucoup refroidi ; d'un autre côté, le trésor était vide; mais le cardinal ne se découragea pas, et il s'engagea de nouveau à avancer tous les fonds nécessaires, à lacharge par le roi, de lui en faire le remboursement lorsque l'état de ses finances serait amélioré.
Trois années se passèrent dans les préparatifs de cette guerre qui devait appeler sur l'Espagne l'attention de toute l'Europe. Enfin au commencement de mars 1509 (915 hég.), une flotte composée de 80 grands vaisseaux, de 10 galères et de plusieurs centaines de bâtiments de transport, et d'une armée de 15 000 hommes, attendait dans le port de Carthagène le moment favorable pour mettre à la voile. La flotte ne leva l'ancre que le 14 mai, par un bon vent, et fit voile pour Mers-el-Kebir, où elle arriva le soir de la veille de l'Ascension. Le cardinal descendit à terre avec les officiers de sa suite et y passa la nuit. Le lendemain, au point du jour, le signal du débarquement fut donné, et l'année vint se ranger eu bon ordre sur le rivage. Après avoir célébré une messe solennelle, le cardinal donna ses dernières instuctions à ses généraux, et, la croix à la main, il se présenta devant le front de l'armée, qu'il encouragea par de chaleureuses paroles : les soldats y répondirent par d'unanimes acclamations, et l'on se mit en marche. On arriva devant Oran, sans presque avoir rencontré d'obstacles, et, avant la fin de cette journée, la bannière espagnole flottait victorieusement sur la kasba de la ville maure.
Les Espagnols, au rapport de leurs historiens, ne perdirent que 30 hommes dans cette journée ; mais ces vainqueurs venus au nom d'une religion de paix et d'humanité souillèrent leur victoire par des actes d'une barbarie peu chrétienne. Il n'y eut point de quartier pour les infidèles, et plus d'un tiers de la population musulmane fut impitoyablement massacré. Le nombre des prisonniers s'éleva à 6000 ou 8000 ; le butin fut considérable : 60 canons de siège et un grand nombre de machines de guerre tombèrent au pouvoir des Espagnols; les mosquées, tous les édifices publics furent pillés, et on ne respecta pas davantage les maisons particulières. Les richesses énormes que la piraterie y avait accumulées, furent abandonnées à la cupidité des généraux et des soldats : quant à Ximénès, il ne se réserva que quelques manuscrits arabes et certains objets de prix qu'il donna, à son retour en Espagne, à la cathédrale de Tolède et au couvent de Saint-Ildefonse de Madrid.
La prise d'Oran répandit la terreur dans toute la contrée ; on l'apprit à Tlemcen par 80 Maures qui avaient échappé au carnage ; l'effroi fut si grand, que le sultan se renferma dans la citadelle et que les habitants, prenant les armes, se mirent en état de défense. Ils massacrèrent sans pitié ni merci tout ce qu'il y avait de négociants chrétiens dans leur ville, confondant les juifs dans cette boucherie. Les petites villes voisines d'Oran furent abandonnées, et leurs habitants s'enfuirent devant les armes victorieuses des chrétiens ; il y en eut même qui émigrèrent jusque dans le royaume de Fez. La conquête eût pu s'étendre sans obstacle et s'affermir en s'agrandissant, mais les Espagnols ne surent pas profiter des chances que la fortune leur offrait.
Le premier soin du cardinal Ximénès, en prenant possession d'Oran, fut d'y installer sur des bases dignes d'elle cette religion au nom et pour les intérêts de laquelle la conquête avait été entreprise. Les mosquées furent converties en églises, un hôpital fut établi sous le patronage de saint Bernard ; enfin deux couvents de franciscains et de dominicains furent fondés. L'institution d'un tribunal de l'Inquisition vint bientôt compléter tous ces pieux établissements. D'un autre côté, les fortifications de la place furent rétablies sans retard, et ou y ajouta d'autres travaux.
La garnison d'Oran ne fut jamais de plus de 1500 hommes. Ces forces étaient bonnes tout au plus à protéger les lignes espagnoles contre les incursions quotidiennes des tribus ennemies ; mais s'agissait-il d'un siége à soutenir, ou d'une campagne sérieuse à entreprendre, leur insuffisance nécessitait de la part de l'Espagne des envois de troupes considérables. Ces déplacements fréquents et dispendieux étaient une charge d'autant plus lourde, que l'occupation bornée d'Oran ne la compensait par aucun avantage ; d'un autre côté, l'Espagne se trouvant, depuis le commencement du XVIe s., mêlée à tous les grands intérêts qui s'agitaient en Europe, la politique lui faisait un devoir de ménager ses forces déjà trop disséminées, et elle ne pouvait envisager qu'avec crainte toute circonstance qui l'obligerait à dégarnir ses ports et ses provinces. Ces considérations faillirent entraîner, en 1514, l'abandon d'Oran. Mais la mort de Selim II, empereur des Turcs, vint délivrer le gouvernement espagnol des craintes que les préparatifs de la Porte contre l'Espagne, Oran et Mers-el-Kebir, à la suite du combat de Lépante, lui avaient d'abord inspirées. Le projet d'évacuer Oran fut indéfiniment ajourné.
Les Espagnols avaient laissé s'élever, sans obstacle, la puissance des Turcs en Algérie, et ceux-ci les avaient chassés insensiblement de toutes leurs positions de la côte ; Oran seul résistait ; mais Hassen ben-Kheir-ed-Din, à la suite de sa tentative infructueuse contre cette place, en 1563 (970 hég.), comprit que le seul moyen d'affaiblir la puissance espagnole était de créer dans la province, aux portes mêmes d'Oran, une autorité forte et homogène, en état de résister ou d'attaquer par elle-même. C'est pour atteindre ce résultat qu'il réunit les différents pouvoirs indépendants, que les kaïds des diverses villes se partageaient, entre les mains d'un bey dont il fixa la résidence à Mazouna, entre Mostaganem et Tenès, à 60 kilom. au N. du Chelif. Cette nouvelle puissance ne laissait échapper aucune occasion de harceler les chrétiens, de soulever contre eux les tribus qui jusqu'ici étaient restées neutres, et elle obtint, dans plusieurs rencontres, des petits avantages ; mais les premières attaques sérieuses qu'elle tenta ne furent pas couronnées de succès. En 1622 (1032 hég.), les janissaires du Beylik essuyèrent une sanglante défaite dans les plaines de 1'Habra, et lorsque, quelques années après, le bey Châban, sous prétexte de châtier les Beni-Amar qui, pour se soustraire au joug des Turcs, avaient fait alliance avec les Espagnols et s'étaient mis à leur solde, vint assiéger Oran, son armée éprouva une défaite complète, et lui-même fut tué sous les murs de la place.
Cependant le divan d'Alger épiait avec une incroyable persistance le moment de tomber sur les chrétiens d'Oran, et de rejeter ces hôtes incommodes au delà de la mer, lorsqu'en 1708 (1119 hég. ), des circonstances propres à seconder l'exécution de ce dessein se présentèrent. Philippe V venait de succéder sur le trône d'Espagne au dernier descendant de Charles-Quint. L'Espagne divisée, affaiblie, absorbée par des intérêts plus prochains, n'accordait qu'une attention bien faible à sa possession africaine.
C'est alors que Moustafa-bou-Chelar'em, bey de la province d'Oran, qui avait depuis peu transporté le siége de Beylik à Maskara, reçut du dey d'Alger l'ordre de rassembler toutes ses troupes et d'aller mettre le siège devant Oran. Philippe V était cependant parvenu à réunir assez de bâtiments, de troupes et de munitions, pour faire quelque temps face à l'ennemi; malheureusement la trahison du comte de la Vera-Cruz livra à l'archiduc Charles les forces destinées à la défense d'Oran. En l'absence des secours qu'elle attendait, la place, qui n'offrait pas grande résistance, se défendit bravement ; mais elle fut enfin obligée de capituler. Oran devint le chef-lieu du gouvernement de l'Ouest et la résidence ordinaire du bey.
Ainsi finit, par le délaissement de la dernière ville qu'ils tenaient sans aucun profit pour eux, l'occupation des Espagnols dans l'ancienne régence d'Alger. Après 250 ans, remplis sans doute de luttes glorieuses, mais employés à s'assurer seulement la possession du littoral, ils furent fatalement conduits à l'abandon d'Oran.
Les Turcs, maîtres de cette ville, s'empressèrent de démolir les constructions qui avaient coûté tant de peine à leurs prédécesseurs. Ce fut un élan général pour détruire tout ce qui existait ; il fallut changer ces demeures, faites pour les usages de la civilisation, en maisons de boue, en galeries étroites, ne prenant jour que dans l'intérieur, et destinées à cet autre ordre de moeurs et d'idées.
Les beys se succédèrent, succombant généralement à des intrigues, parce qu'ils devaient leur élévation à des intrigues. Gouverner, pour eux, c'était tirer du pays le plus de revenus à leur profit et à celui du dey. Ils étaient aidés à cet effet par un khralifa et deux aghas. Le bey et le khralifa se partageaient la province, pour aller tous les ans chercher l'impôt, qui n'était guère payé qu'à la condition de plus d'un combat. Le tribut était porté à Alger par le khralifa ; le bey n'y allait en personne que tous les trois ans.
Voici un rapide aperçu sur les beys de l'Ouest. Nous avons déjà dit que Hassen-ben-Kheir-ed-Din, ayant échoué dans ses tentatives sur Oran, créa dans la province dont cette ville ne fut que plus tard la capitale, une autorité forte et homogène, capable d 'attaquer comme de se défendre, et qu'il remit cette autorité à un bey nommé Bou Khredidja, qui fixa sa résidence à Mazouna, entre Mostaganem et Tenès (971-1563). L'administration de ce bey, douce envers les populations paisibles, fut impitoyable, pour les tribus turbulentes.
Souâg, son successeur, eut à réprimer les insurrections suscitées par un agitateur, Mohammed-ben-Ali qu'il fit décapiter. Souâgg mourut empoisonné par sa femme.
Seïah, originaire de Mazouna même, mourut après avoir exercé le pouvoir pendant onze ans ; il combattit l'insurrection sans pouvoir la réprimer.
Saad, 4è bey, ramena les populations insurgées sous la domination turque.
De Saad à Mohammed-ben-Aissa, la chronique compte dix beys dont, jusqu'à plus amples investigations, on ignore les noms et les actions.
Mohammed-ben-Aïssa, 15° bey, porte ses armes jusqu'au désert d'Angad, pour y châtier les tribus nomades.
Chaban, 16è bey, meurt sous les murs d'Oran, en dirigeant une attaque contre la Kasba (1098-1686).
Moustafa-bou-Chelar'en, l'homme à la moustache, 17è bey, s'empara d'Oran en 1119 (1708); il résida dans cette ville jusqu'à sa reprise par le duc de Montemar en 1145 (1732). Moustafa battit alors en retraite sur Mostaganem ; ses diverses tentatives pour reprendre Oran échouèrent ; il mourut d'hydropysie en 1149 (1737). C'est Mohammed qui transféra le premier le siège du beylik à Maskara, point beaucoup plus central que Mazouna.
Yussef, 18è bey, fils du précédent, meurt de la peste à Tlemcen, après avoir gouverné pendant un an (1151-1738).
Moustafa-el-Hamar, le rouge, 19è bey, mourut empoisonné, après un règne tranquille de dix années (116l-1748).
Kaid-ed-Deheb, d'or, à cause de ses largesses quand il entra au pouvoir, 20è bey, gouverna trois ans et se réfugia au bout de ce temps d'abord chez les Espagnols d'Oran et plus tard à Tunis, pour échapper aux intrigues de la famille de Bou-Chelar'em.
Mohammed-el-Hédjâmi, 21° bey, fut assassiné neuf mois après son entrée au pouvoir, en 1166 (1752). Ce règne si court fit donner à Mohammed le nom de Ed-djedda, le petit d'un animal qui n'a pas encore atteint l'âge d'un an.
Othman, 22° bey, reprit Tlemcen, insurgée sous Yussef, et mourut à Maskara, où il fut enterré après avoir gouverné pendant neuf ans, en 1185 (1771).
Hassent, 23è bey, de 1186 à 1188 (1772 à 1774). Il se réfugia à Constantinople, puis au Caire, pour échapper au ressentiment du pacha d'Alger.
Ibrahim-el-Miliani, 24è bey, contribua, avec un contingent de 10.000 hommes, à la défaite d'O'Reilly, sur la plage d'Hussein-Dey, en 1189(1775). Il mourut, l'année suivante, à Maskara.
Hadj-Khrelil, 25è bey, trouvé mort dans sa tente, en allant soumettre Tlemcen, encore une fois en révolte, en 1194 (1779).
Mohammed- Lekahal, le noir, plus connu sous le surnom d'El-Kebir, le grand, 26è bey ; il reprit Oran aux Espagnols, et fit son entrée en 1206 (1791). Mort en 1214 (1799).
Othman-ben-Mohammed, fils du précédent, 27è bey. Déposé au bout de trois ans, il fut exilé à Blida, puis envoyé comme bey à Constantine. Il périt chez les Kabiles de l'oued-ez-Zeltour, dans une expédition contre Ben Arach, marabout Derkaoui (révolté).
Moustafa-el- Manzali, 28° bey, gouverna une première fois, de 1216 à 1219 (1802 à 1805), et fut déposé pour n'avoir pas su repousser les attaques de Ben-Cherif et de Ben-Arach.
Mohammad Mokallech, 29è bey, comprima la rébellion des tribus soulevées par Ben-Cherif et Beun-Arach ; mais la paix fit de cet homme énergique un débauché sanguinaire et un dilapidateur. Ahmed, pacha d'Alger, le fit étrangler, après toutefois qu'on lui eut appliqué sur la tête une calotte en fer rougie au feu, en 1221 (1807).
Moustafa-el-Manzali, 30è bey, revint au pouvoir; il remit si bien l'ordre dans les finances du beylik, que le pacha le rappela à Alger, au bout d'un an, pour en faire son khraznadji, ministre des finances, en 1221 (1807).
Mohammed-el-Rekid, le menu, et encore Bou-Kabous, l'homme au pistolet, et El Meslour, l'écorché, 31è bey, comprima les tribus révoltées et battit leur chef Bou-Terfas, à Nedroma. Il méconnut l'autorité du pacha, et ce dernier envoya l'ordre de le tuer. Mohammed eut la figure écorchée vive, le ventre ouvert, et fut accroché par le milieu du dos à un croc en fer, en 1226 (1812).
Ali-Kara-Bar'li, 32è bey, administrateur habile, excita la jalousie du pacha Omar, qui le fit étrangler au pont du Chelif, comme il revenait d'Alger, où il était allé porter le denouch ou impôt de la province, en 1232 (1817),
Hassen, 33è bey, eut à repousser ou à prévenir la révolte des Arabes, entre autres de Mahi-ed-Din, père d'Abd-el-Kader. Il fut impitoyable, mène pour les siens, et confondit souvent les innocents avec les coupables. Quand Alger fut prise, Hassen voulut abandonner Otan, et sollicita la protection de l'autorité française. Notre armée entra dans Oran le 4 janvier 1831; trois jours après, le bey faisait route pour Alger, puis pour Alexandrie, et enfin pour la Mekke, où il mourait au bout du quelques mois.
Le maréchal Clauzel, dans l'appréhension d'une guerre continentale, afferma, moyennant un million de redevance annuelle, le beylik d'Oran à Sidi-Ahmed, de Tunis ; ce dernier envoya à Oran son khralifa Kheir-ed-Din, dont l'autorité, méconnue par les indigènes, pouvait nous donner de sérieux embarras : mais le traité du maréchal Clauzel n'ayant pas été approuvé par le gouvernement français, le général de Faudoas vint prendre possession définitive d'Oran, le 17 août 1831.
Â
Les généraux qui se sont succédé, depuis le général de Faudoas, au commandement de la division d'Oran, sont :
1831, le général Boyer.
1833, le général Desmichels.
1835, le général Trézel.
1836, le général de Létang.
1837, le général de Brossard.
1838, le général Guéhéneuc.
1840, le général de Lamoricière
1848, le général Cavaignac.
1848, le général Pélissier.
1854, la général de Montauban.
1857, le général de Martimprey.
1860, le général Walsin-Esterhazy.
1861, le général Deligny.
1869, le général de Wimpffen.
1870, le général Walsin-Esterhazy.
1870, le général Saurin.
1870, le général de Mésanges.
1871, le général Osmont
Â
Â
DESCRIPTION
Â
Nous avons consulté, pour l'histoire des agrandissements successifs d'Oran, d'anciens plans en notre possession, les voyages de Shaw, l'ouvrage de M. L. Fey, et un manuscrit espagnol, n° 2880, de la Bibliothèque nationale, manuscrit sans titre, mais parlant exclusivement d'Oran, et dont l'auteur n'est autre que Don Eugenio de Alvaredo e Saavedra Martinès de Lerma, commandant général de la place d'Oran, de 1772 à 1790. Ce manuscrit, qui fut achevé le 16 mai 1773, pourrait bien être une première copie de l'original portant la date du 31 déc.1772, déposé au ministère de la guerre, à Madrid et dont M. L. Fey a eu connaissance par une seconde copie.
A la prise d'Oran par les Espagnols, en 1509, la ville, loin d'offrir, selon les récits souvent exagérés des musulmans, les quais, les places, les bazars, les mosquées aux minarets étincelants d'une cité riche et heureuse, se composait d'habitations lourdes, mal construites, entassées dans un périmètre fort restreint sur le plateau appelé plus tard la Blanca, Successivement, mais plus tard, la ville forma trois quartiers séparés les uns des autres par des remparts : la Marine, la Blanca et la Kasba. Sur un plan relatif à l'attaque d'Oran, par Bou-Chelar'em en 1708, la ville forme un massif compact sur la g. de l'oued-Rehhi ; elle est un peu éloignée de la mer et comprend la Kasba. Au-dessus de cette dernière, on voit le village d'Iffri, abandonné par les Maures, alliés des Espagnols. Quant au port ou rivage, aucun établissement n'y figure, soit par oubli du dessinateur, soit parce qu'il n'y en avait pas encore à cette époque. Sur la rive dr. de l'oued Rehhi, sont échelonnés le fort Saint-Philippe, le fort Saint-André et le château de Rossacalper (sic) ou château-Neuf, reliés par les tours Gourde et Madrigal. La tour de la Zuguïa, le fort Saint-Grégoire et le fort Sainte-Croix complètent, du côté O., la défense d'Oran, qui comptait alors 500 maisons particulières. Bou-Chelar'em resta maître d'Oran jusqu'en 1732. Shaw, qui visita cette ville en 1730, la décrit ainsi : Oran est une ville fortifiée, qui a près de 800 toises de circuit. Elle est bâtie sur le penchant et au pied d'une haute montagne qui s'élève au N. N. O., et du sommet de laquelle deux châteaux commandent la place. On voit sur le bord de la mer, à quelques centaines de toises, Mers-el-Sr'ir, le petit port.... A une très-petite distance, à l'O. de la montagne dont il vient d'être question, il y en a une autre appelée, je crois, Mazetta, le plateau du Marabout, qui est plus élevée que la première. Elles sont d'ailleurs séparées par une vallée, ce qui fait que leurs sommets paraissent entièrement isolés, et servent de point de direction aux navires en mer. Au S. et au S. E., sont deux autres châteaux bâtis au niveau de la partie inférieure de la ville, mais entre lesquels serpente aussi une vallée profonde qui forme comme un fossé naturel dans la partie méridionale de la place. Au haut de cette vallée, en passant sous les murs, se trouve une source d'eau excellente, qui a plus d'un pied de diamètre. Le ruisseau qui en sort suit les sinuosités de la vallée et alimente abondamment les fontaines de la ville. Toute cette vallée offre une multitude d'objets pittoresques, tels que des plantations d'orangers, des chutes, des cascades, dont les eaux coulent à travers des bosquets d'une délicieuse fraîcheur. Près de la source, il y a un autre château qui défend la ville et les matamores ou fossés, où les Arabes conservent leur blé. (La description de cette vallée, par Shaw, est toujours aussi vraie.)
La ville d'Oran n'a que deux portes, qui sont toutes deux du côté de la campagne. Celle qui est appelée la porte de Mer, parce qu'elle est la plus voisine du port, est surmontée d'une grande tour carrée que l'on pourrait armer en cas de besoin. Près de l'autre, appelée porte de Tlemcen, on a élevé une batterie. La Kasba ou citadelle est située au N. O., dans la partie la plus élevée de la place. Le côté opposé, c'est-à-dire vers Mers-el-Sr'ir, est défendu par un bastion régulier. On peut juger par ce qui précède, qu'Oran est une place fort importante, et que sans la panique qui s'empara des habitants, lors du débarquement des Espagnols, ils auraient pu opposer une sérieuse résistance. Durant que les Espagnols restèrent maîtres d'Oran, ils y bâtirent plusieurs belles églises et édifices publics, dans le goût des anciens Romains, mais avec moins de solidité. ils ont aussi imité les Romains, en plaçant dans les frises et autres parties de leurs bâtiments des inscriptions en leur langue, qui donnent une médiocre idée de leur style lapidaire.
Une vue cavalière d'Oran, datée de sept. 1732, nous montre cette ville quelques mois après sa reprise par le duc de Montemar. Le dessin est grossier d'exécution et inexact dans ses proportions, mais sa légende offre des renseignements précieux pour la reconstitution d'Oran à cette époque. Les forts qui la défendent sont toujours ceux. qu'on a cités plus haut ; des jardins l'entourent à l'E.; ses portes sont celles de Tlemcen au S. E., de Canastel au N. E. et de Malorca à l'O.; les monuments religieux sont : l'église de Sainte-Marie, les couvents de NotreDame de la Merci, de Saint-Dominique et de Saint-François, les ermitages de Notre-Dame de Carmen, de Saint-Roch et de Saint-Sébastien ; les moulins tournent sur l'oued-Rehhi, près de la mer : on voit enfin sur le port, avec ces moulins et ces trois ermitages, un grand bâtiment, la corrale de las barras, espèce de chantier et d'abri pour les barques ou petits navires.
A cette époque, la ville s'étendit au dehors et franchit le ravin, d'une manière timide à la vérité.
En 1720, Oran compte 532 maisons particulières et 42 édifices publics.
Quand Mohammed-el-Kebir eut fait son entrée dans Oran, en 1791, il s'occupa de repeupler la ville. Le pacha Hassen y dirigea d'Alger quelques-uns de ses protégés et plusieurs personnages influents qui lui étaient suspects. Un appel fut fait à Medéa, Miliana, Tlemcen, Maskara, et aux autres villes de l'intérieur ; il en vint d'Ouchda et même de Fez. Quelques chefs des Beni-Ameur, des Rarabas, des Smelas et des Douairs, s'y fixèrent. Afin de donner de l'élan au commerce, le bey distribua à vil prix des terrains situés entre le Château-Neuf et le fort Saint-André, à la seule condition d'y bâtir sur des alignements donnés, et les livra à des juifs accourus de Nedroma, de Mostaganem et de Maskara. Ce quartier, régulièrement percé aujourd'hui, est construit sur la crête du ravin E. de l'oued-Rehhi, et forme, avec la partie qui s'étend jusqu'à la nouvelle rue des Jardins, ce qu'on appelle la ville neuve pour la distinguer de la. ville espagnole ou vieille ville. Cette dernière n'était guère, quand nous prîmes possession d'Oran, qu'un amas de décombres. Tous les travaux neufs ou de restauration qui firent la ville française actuelle sont l'objet de la description suivante.
Â
Le port.
Il est certain que le port d'Oran a eu quelque importance au temps des Arabes, alors que Marseille, Barcelone et les républiques marchandes de l'Italie avaient des comptoirs sur les côtes Barbaresques. On n'en saurait dire de même tant qu'Oran appartint aux Espagnols : le port ne servait alors que de point de relâche pour les troupes et les vivres qu'on amenait dans la place. Les indications suivantes compléteront celles que nous avons déjà données plus haut sur la topographie de cette partie d'Oran jusqu'à notre arrivée.
Si l'on abordait en face de la ville, on rencontrait, à droite : le corps de garde du Môle, détruit pour l'élargissement du quai , la batterie du Môle, la Toppanat-bou-Alem des Turcs, construite en 1748 et démantelée en1832 ; la petite douane ; les chapelles de Notre-Dame de Carmen, de Saint-Roch et de Saint-Sebastien, toutes trois disparues, la première dans les bâtiments de la douane, la seconde dans la rue d'Orléans, la troisième dans les magasins de l'Arsenal ; et avec cette dernière disparurent également la Tuilerie du roi, le magasin au charbon et le magasin à l'orge.
Revenant sur la gauche, on voyait les magasins voûtés, taillés dans le roc, de 1786 à 1788, et servant d'abri aux barques pendant la tempête ; au-dessus de ces magasins, la Caserne, construite en 1746 et démolie pour l'ouverture de la rue Charles-Quint ; plus à gauche encore, le beau bâtiment dit de Sainte-Marie, élevé en 1764 et affecté alors, comme aujourd'hui au service des subsistances militaires ; les bâtiments qui lui font suite servaient de greniers à sel.
Derrière Sainte-Marie était le quartier des Mineurs, et à droite de ce dernier, dans la rue actuelle de l'Arsenal, les Maures de paix, Moros de paz, ou cavaliers indigènes au service de l'Espagne, avaient leurs gourbis renfermés dans des murailles et formant ainsi un quartier à part.
Les quatre moulins du roi s'échelonnaient le long de l'oued-Rehhi, de la mer à la porte de Canastel. Le premier, dit Petit-Moulin, à l'embouchure du ruisseau, a complètement disparu ; le second, ou Grand-Moulin, a été recouvert par les remblais de la rue Charles-Quint ; le troisième, dit Moulin du ravin, tourne toujours ainsi que le quatrième, dit Moulin de Canastel ; mais ce dernier, aujourd'hui Moulin Caussanel, se trouve dans les caves de l'Hôtel de la Paix, par suite des remblais faits sur l'oued-Rehhi.
Le quartier de la Marine, avant 1812, était donc peu considérable : une douane, une manutention, des hangars, des ateliers pour la marine, l'artillerie et le train des équipages y ont été construits par l'État ; les particuliers, le haut commerce surtout, y ont fait bâtir des maisons et de vastes magasins pour entrepôts. Là où n'existait qu'un mauvais village de pécheurs, s'est élevée une ville tout entière.
Aussitôt après son installation dans Oran, le service des ponts et chaussées fit restaurer et curer un petit bassin de refuge existant dans la rade et qui, n'ayant pas été entretenu depuis longtemps par les Espagnols, était entièrement obstrué par les sables. Un des éboulements de la montagne qui surplombe le port, combla de nouveau le bassin en 1835. Rétabli depuis, il servit à abriter les barques et les chalands pendant les grosses mers. Plus tard on commença un bassin dont la superficie de quatre hectares est renfermée par le quai Sainte-Marie et des jetées. L'une d'elles remplace en partie celle que les Espagnols avaient poussée, en 1736, dans la même direction de l'O. à l'E., et qui fut emportée deux ans après par une effroyable tempête.
Cependant Oran est devenue une ville importante qui se développera beaucoup plus encore par la suite. Placée comme elle l'est, un grand avenir lui est réservé en raison de sa situation. A quelques lieues des côtes d'Espagne, elle deviendra le centre du commerce et des échanges de ce pays avec une partie de l'Algérie. Quand le réseau espagnol aboutira à Carthagène, qui est à quelques heures de la mer d'Oran, et se rattachera aux chemins de fer français du côté des Pyrénées, il se trouvera être la route obligée des voyageurs qui voudront éviter une longue traversée. Le nouveau port d'Oran, qui supprime désormais le port de Mers-el-Kebir, réservé à la marine militaire, est venu donner satisfaction aux intérêts du commerce. Ce port a été créé au moyen d'une jetée de 1000 mèt., partant à l'O. du fort de la Moune et formant avec deux jetées transversales un bassin de 24 hect. au fond duquel, toujours à l'O., est renfermée la darse de 4 hect. Un terre-plein bordé de quais, sur lesquels est établie à l'E., au-dessus du Château-Neuf, la gare du chemin de fer, complète l'ensemble du nouveau port d'Oran.
Â
Les remparts.
Un des premiers soins du cardinal Ximénès, après la prise d'Oran, fut d'en faire relever les fortifications ; l'enceinte en pisé des Arabes fut remplacée par de solides murailles en pierre commandées au S. par la Kasba et au N. E. par le fort qui est devenu aujourd'hui le Château-Neuf. D'autres forts isolés, nécessités pour les besoins de la défense d'Oran, sans cesse bloqués ou attaqués, furent successivement ajoutés aux précédents.
" Construite, dit M. L. Fey, d'une manière très-irrégulière sous le rapport du tracé, parce qu'il était absolument nécessaire qu'elle se pliât aux inégalités et aux exigences du terrain, l'enceinte avait 2557 mètres de développement. A partir de la porte de Tlemcen, elle suivait les promenades publiques, ombragées de peupliers, où est situé aujourd'hui le boulevard Oudinot, contournait, pour faire face à la marine, le plateau où est l'hôpital ; rentrait un peu pour soutenir les terres à pic sur lesquelles repose l'église Saint-Louis, et venait enfin aboutir à la porte du Santon, d'où elle formait encore un angle rentrant pour venir s'appuyer à l'O. au bastion de Sainte-Isabelle, ainsi qu'au bastion nommé la garde des lions, dépendance de la Kasba ; comme sa contre-partie, elle avait son point de départ à l'E. de cette forteresse. Prenant pour base la porte de Tlemcen, par où l'on arrivait de l'intérieur, nous trouverons aussitôt : le bastion de Saint-François, immédiatement après avoir dépassé l'abreuvoir ; la tour Saint-Dominique, qui est parfaitement visible à l'angle S. du boulevard Oudinot; son intérieur et ses dépendances sont affectés au service des militaires ; le bastion des bains : l'ancienne salle des morts de l'hôpital, il est sur son emplacement, dans le rentrant de l'enceinte au milieu du boulevard Oudinot ; la tour de Saint-Roch, qui a disparu presque entièrement pour faire place au bastion que l'on construisit en 1852, afin de prévenir les éboulements des terres sous lesquelles repose l'aile N. de l'hôpital neuf ; la guérite des Escaliers, qui a disparu également. ainsi que les escaliers ; la guérite des Sept-Vents, qui était située sur le bord de l'escarpement avoisinant la maison d'éducation des sœurs Trinitaires ; le conduit royal, dit de la Vieille-Mère ; ce conduit, s'appuyant à la Kasba, près de l'entrée de la rue Tagliamento, achève l'enceinte de la Ciudad d'Oran.
Après l'occupation définitive d'Oran, en 1831, on dut songer à en faire une place assez forte pour qu'elle fût en rapport avec son importance. Une muraille crénelée reliant d'abord le Chateau-Neuf avec le fort Saint-André, a été, dans ces derniers temps, reportée au delà des faubourgs Karguenta, Saint-Michel, Saint-Antoine et du village nègre, tandis qu'à l'O. on a conservé les anciens remparts espagnols au moyen de nouveaux travaux de restauration. Tous les forts et ouvrages avancés dont on parlera plus bas furent également, dès cette époque, remis en état de défense. La nouvelle enceinte enferme une surperficie de 600 hect.
Â
Les portes.
Oran n'eut longtemps que deux portes, la porte de Tleincen ou du Ravin, au pied et à PE. de la vieille Kasba, aujourd'hui disparue, et la porte de Canastel ou de la Mer, qui n'est autre que la voûte de la place Kléher, sous laquelle s'engage la rue par laquelle on monte à l'hôpital militaire et à l'église Saint-Louis.
Une troisième porte, celle d'El-Santo, fut ouverte plus tard à l'O.; le chemin de Mers-el-Kebir, passant sous le fort de Saint-Grégoire, y aboutissait; l'inscription gravée audessus de cette porte " AÑO D.1754 ", pourrait faire supposer qu'elle n'a été construite qu'à cette époque, sous le gouvernement de Louis-Philippe d'Arcos; mais nous avons tout lieu de croire que la porte d'El-Santo est celle de Malorca, indiquée sur un plan d'Oran portant la date de septembre 1732.
On compte aujourd'hui : la porte précédente, par laquelle on va à Santa-Cruz ; la porte de la Kasba, audessus de la porte d'El-Santo, et la porte du fort de la Moune, par laquelle on entre en venant de Mers-el-Kebir; la porte de Tlemcen, la porte de Maskara, entre le village nègre et le faubourg Saint-Michel, et la porte d'Arzeu ou de Karguenta. La porte Napoléon et la porte Saint-André ont disparu avec le reculement de la muraille crénelée ; la porte Napoléon était l'ancienne barrière de Rosalcasar défendue par un corps de garde construit, en 1140, sous D. José Avallejo. La porte Saint-André, en face de la Mosquée, était comme la précédente commandée par un corps de garde fortifié, bâti au temps des Espagnols.
Â
Â
Les forts.
Les forts d'Oran sont, par ordre d'ancienneté :
La vieille Kasba, 903 ; reconstruite en 1509 ;
Le Château-Neuf, 1331 ;
La Mouna, 1509;
Sainte-Thérèse, 1557;
Saint-Philippe, 1563;
Saint-Grégoire, 1589;
Saint-André, 1693;
Santa-Cruz, 1698 à 1708 ;
Sainte-Barbe, 1739.
Voici l'ordre dans lequel ils se présentent en commençant par l'angle N. E. d'Oran :
Sainte-Thérèse.
En remontant au S. O.
Le Château-Neuf ;
Sainte-Barbe ;
Saint-André ;
Saint-Philippe, à l'extrémité S. O.
Au N. O. de Saint-Philippe, et de l'autre côté de l'oued-Rehhi
La vieille Kasba.
Et, échelonnés du sommet du Mourdjadjo à la mer, dans la direction S. O. à N. E. :
Santa-Cruz ;
Saint-Grégoire ;
Et enfin la Moune.
C'est dans cet ordre que nous allons faire l'historique des forts d'Oran.
Le fort Saint-Thérèse, situé au N. E. du Château-Neuf et surveillant la plage de Kerguenta, aurait été bâti par le comte d'Alcaudète en 1557-1558. Il a été reconstruit de 1737 à 1738 par don José de Vallejo. C'est dans ce fort que Othman-ben-Mohammed, 27è bey, et fils de Mohammed-el-Kebir, déposait toutes ses richesses lorsque, pour échapper à la mort, il voulait prendre la fuite par mer. Othman, devenu plus tard bey de Constantine, périssait chez les Kabiles de l'oued-Zehour.
La batterie du Petit-Maure, el Morillo, ou de Santa-Anna, placée au-dessous de la promenade du Château-Neuf et armée de quelques pièces de canon pour la défense de la côte, a été élevée de 1740 à 1741 sous don José Vallejo.
Le Château-Neuf. Les trois grosses tours reliées entre elles que l'on voit encore dans la partie ouest du Château-Neuf, constituaient, avant l'expédition de Ximénès, le seul ouvrage commandant Oran, sur la rive dr. de l'oued-Rehhi. On a attribué leur fondation aux Vénitiens, qui, venant trafiquer avec les États barbaresques, avaient besoin de sauvegarder leurs intérêts comme leurs personnes, dans les nombreuses révolutions qui agitaient le Mar'reb au moyen âge. D'autres historiens prétendent que ces tours furent construites par une commanderie maltaise de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, autorisée à s'établir sur ce point de la côte, ce qui paraît peu probable. Un ouvrage arabe, intitulé l'Halfaouïa,dit enfin qu'elles furent élevées en même temps que le Bordj-el-Mersa ou Mers-el-Kebir, par le sultan merinite Aboul-Hassen, qui régnait de 731 à 739 (1331 à 1339). Toujours est-il que l'ensemble de ces travaux était connu sous le nom de Bordj-el-Mehal, le fort des Cigognes, et Bordj-el-Ahmar, le fort Rouge, dont les Espagnols firent Rosas-Cajas, les maisons rouges devenues Rosalcazar, Rosalcaper, etc.
Le premier gouverneur espagnol établit son quartier à Bordj-el-Ahmar ; d'autres travaux d'agrandissement, commencés en 1563, après la retraite du pacha Hassen-ben-Kheir-ed-Din, furent continués jusqu'en 1701 ; cette dernière date est consacrée par une inscription surmontée de l'écusson royal d'Espagne, portant les noms de Philippe V et du marquis de Casasola ; cette inscription est placée sur la face droite du demi-bastion de gauche , dans le front qui longe le ravin.
Bordj-el-Ahmar était devenu par ces travaux le Château-Neuf ; sa prise par les Turcs en Chouâl 1119 (1708) suivait de près celle d'Oran, et les cinq cents hommes qui le défendaient étaient faits esclaves.
Une inscription placée sur la porte d'entrée du Château-Neuf rappelle que, "sous le règne de Charles III et sous le commandement de don Juan Martin Zermeno, on fit cette porte, on construisit les voûtes pour le logement de la garnison, et l'on réédifia le château en ce qui concerne la partie qui regarde la mer."
Une deuxième inscription en arabe, placée au-dessus de la précédente, donne l'année de la reddition d'Oran par les Espagnols en 1206 (1791), sous le pachalik d'Hassen, reddition obtenue par le bey Mohammed-ben-Othman, plus connu sous le nom de Mohammed-el-Kebir.
Le Château-Neuf devint la résidence des beys d'Oran. La partie qu'ils occupaient était une délicieuse demeure, moins fantastique que celle d'Ahmed, bey de Constantine, mais plus confortable. Le pavillon destiné au harem était un séjour aérien, situé au point culminant du château et d'où l'on jouissait d'une vue ravissante. Le bey, du haut de ce joli kiosque, plongeait son regard dans toutes les maisons placées sous ses pieds et étendait ainsi sur la ville son invisible surveillance. Un jardin de roses et de jasmins séparait ce pavillon du corps du palais, dans l'intérieur duquel étaient deux parties bien distinctes : l'une, l'habitation du bey, l'autre, palais proprement dit, où il trônait en souverain absolu. Une galerie couverte mettait l'une et l'autre partie en communication. Le génie militaire a détruit toute la beauté de ce séjour ; mais en dépoétisant ce palais, destiné à un seul homme, il l'a par compensation transformé en une immense caserne où demeurent non seulement des troupes, mais presque tous les chefs des services militaires. Le général commandant la division occupe le logement des beys.
Le général de Fitz-James et le colonel Lefol, du 21è régiment de ligne, reposent dans le bastion du Château-Neuf, qui porte le nom du colonel.
Le fort San-Miguel, qu'il ne faut pas confondre avec le fort du même nom, situé au-dessus de Mers-el-Kebir et ruiné par Hassen-ben-Kheir-ed-Din, commandait le ravin qui sépare Oran de Kerguenta, à l'est du Château-Neuf, Le fort San-Miguel, qu'on appelait encore Bordj-el-Francès, bâti en 1740, a été démoli par Mohammed-el-Kebir, en 1791.
Le réduit Sainte-Barbe, placé à l'angle que fait le mur d'enceinte entre le Château-Neuf et le fort Saint-André, c'est-à-dire à 400 mèt. de l'un et de l'autre, a été construit en 1734, sous le gouvernement de D. José Vallejo ; il a probablement remplacé un autre ouvrage que nous voyons désigné sous le nom de Tour Gourde, sur le plan de 1707. Le réduit de Sainte-Barbe servait de prison préventive pour les indigènes.
Le fort Saint-André , Bordj-ed-Djedid, le Fort-Neuf, Bordj-es-Sbahihia, le fort des Spahis, est situé à l'E., entre le fort Saint-Philippe et le Château-Neuf. Il a été construit en 1693. Nous le voyons figurer sur le plan portant le millésime de 1707, placé entre le fort Saint-Philippe et la Tour Gourde, il domine le village d'Yffri ou Yfre, où demeuraient les Maures de paix, dont il était séparé par l'oued-Rehhi : son armement était alors de 36 canons, tandis que le ChâteauNeuf n'en avait que 30, le fort Saint-Philippe 6, le fort Santa-Cruz 15, et le fort Saint-Grégoire 8 ; cet armement n'étonnera pas quand on saura que le fort Saint-André commandait tous les abords d'Oran à l'E. Il n'a donc point été bâti en 1733 par le duc de Cansano, successeur du comte de Montemar, mais tout au plus restauré, un an après la reprise d'Oran par les Espagnols. Une explosion de poudre fit sauter le fort Saint-André le 4 mai 1769 ; trois compagnies du régiment de Zamora y périrent.
Le fort Saint-André a été remis en état de défense après 1831, pendant le commandement du général Boyer.
Le fortin ou lunette Saint-Louis, à dr. de la route de Tlemcen, et à 200 mèt. du fort Saint-André, a été construit en 1736, sous le règne de Philippe V, par D. José Vallejo, ainsi que le constate la longue inscription latine que l'on peut lire sur la porte d'entrée de cet ouvrage.
Le fort Saint-Philippe, ou fort des Beni-Zeroual, situé au S. O. d'Oran, au-dessus du ravin de Ras-el-Aïoun, la tête des sources, a été construit sur l'emplacement du château des Saints, Castillo de los Santon ; élevé par le marquis de Comarès, après la prise d'Oran, sur un des points culminants des mamelons ravinés qui entourent Oran, et dont la prise par Hassen-Corse, en l556 (963 hég.), et la destruction par Hassen-ben-Kheir-ed-Din, en 1563 (970 hég.), avaient démontré la nécessité d'un ouvrage moins exigu ou moins vulnérable.
La prise d'Oran en 1708 dut entraîner celle du fort Saint-Philippe.
Bou-Chelar'em, chassé d'Oran en 1732, revint à la fin de cette année pour reprendre la capitale de son beylik ; son attaque se porta principalement sur Saint-Philippe, mais il dut se retirer devant le courage des défenseurs.
Les assauts de Mohammed-el-Kebir, repoussés en 1791 par les gardes wallones au fort Saint-Philippe, ont rendu célèbre le nom du chevalier de Torcy. A l'attaque du 18 septembre 1791, le contingent des Beni-Zaroual du Dahra, fut presque anéanti dans une lutte entre le bey de Maskara et les Espagnols, et c'est depuis ce combat que le fort de Saint Philippe ou Ras-e1-Aïn reçut le nom de Bordj-Beni-Zeroual, qu'il conserve encore chez les indigènes. " (L. Fey.)
Le chevalier de Torcy est décédé le 6 juillet 1852, à l'âge de 82 ans.
Le fort Saint-Philippe, démantelé par ordre du pacha d'Alger, après la capitulation d'Oran, a été réparé depuis notre occupation.
Les ruines du fort que l'on trouve en avant de Saint-Philippe, sont celles de San-Fernando ou Bordj-Bou-Benika, nommé également Bordj Ras-el-Aïn. Il avait été construit par le comte d'Alcaudète, de 1557 à 1558, après l'expédition d'Hassen-Corse, et fut détruit lors de la prise d'Oran, en 1708.
La vieille Kasba ou Castillo Viejo, où sont installés le conseil de guerre, la prison militaire et une caserne, domine du S. au S. O : la Blanca et la Marine. Aucune inscription, aucun vestige d'architecture remontant à une époque reculée, ne peuvent faire assigner une date certaine à la fondation primitive de cette forteresse. On affirmerait presque, cependant, qu'elle a été construite en même temps que la ville de Mohammed-ben-Abi-Aoun et de Mohammed-ben-Abdoun. Oran devait, en effet, comme toutes les autres villes du Mar'reb, être protégée par des travaux de défense dont la Kasha était le couronnement.
Voici par ordre chronologique tous les faits relatifs à la Kasba.
Quand Oran était pris par les troupes de Ximénès, en 1509, le gouverneur, retiré dans la Kasba, dont il ne pouvait plus longtemps prolonger la défense, ne remettait les clefs de cette citadelle qu'au cardinal en personne.
Quelque temps après, la Kasba était complétement rasée pour être réédifiée.
Il fut un instant question, à 1a suite des attaques d'Oran par Hassen-Kaïd, en 1556, et Hassen-Pacha ben-Kheir-ed-Din, en 1563, d'abandonner cette ville c'était, du moins l'avis de la commission envoyée d'Espagne à Oran; mais Philippe II en ayant décidé autrement :on augmenta les travaux de fortification et ceux de la Kasba prirent un grand développement; il paraît même que ce fut avec une économie dont le secret est perdu aujourd'hui. L'inscription suivante placée à l'entrée E. de la Kasba en fait foi :
EN EL ANO D. 1589 SIN COSTAR A SU MAGESTAD MAS QUE EL
VALOR DE LAS MADÈRAS HIZO ESTA OBRA DON PEDRO DE
PADILLA SU CAPITAN GENERAL I JUSTICIA MAYOR DE ESTAS
PLAZAS POR SU DILIGENCIA I BUENOS MEDIOS
"L'an du Seigneur 1589, don Pedro de Padilla, capitaine général et, grand justicier de ces places, fit construire cet édifice sans autres frais pour Sa Majesté que la valeur des bois."
Un des bastions N. de la Kasba regardant la ville, le bastion des artilleurs, baluarte de los artilleros, aujourd'hui démantelé, porte engagée dans sa maçonnerie une longue inscription tronquée par les balles turques et sur laquelle on lit le nom de Charles II et celui de Requesens, baron de Castel-Viros, gouverneur d'Oran de 1665 à 1682, qui fit construire les remparts de la Kasba, du côté de la ville.
A la prise d'Oran en 1708 (1119 heg.) par Moustafa-ben-Yussef, plus connu sous le nom de Bou-Chelar'em, le gouverneur de la Kasba se rendit à la condition que la garnison (560 hommes) aurait la vie sauve.
Bou-Chelar'em habita la Kasba pendant 24 ans, c'est-à-dire jusqu'en 1732. Trois inscriptions, placées dans trois cours différentes, mentionnent les travaux qu'il fit exécuter pour la construction de deux bains et d'un magasin. La Kasba se divisait alors en deux parties bien
distinctes : le palais proprement dit, demeure des gouverneurs espagnols, habité également par Bou-Chelar'em, situé dans la partie haute et comprenant des hôtels, une chapelle, une ménagerie; la partie inférieure renfermait le casernement militaire et civil, l'arsenal et la poudrière ; la partie centrale, dont le local est affecté au conseil de guerre, était occupée par les femmes du bey.
Bou-Chelar'em dut abandonner Oran et la Kasba, où il avait vécu si tranquille et si heureux, devant les troupes du comte-duc de Montemar, en 1732 (1145hég.)
Dans la nuit du 8 au 9 oct. 1790 (1207 hég.), la haute Kasba, ébranlée par le tremblement de terre, croula de toutes parts, effondrant de ses débris une partie de la ville. Mohammed-el-Kébir accourut alors de Maskara pour prendre Oran et tenta vainement de s'emparer de la Kasba ; ce n'était qu'à la suite de négociations qu'il entrait plus tard dans la ville et dans les forts.
Après 1831, la vieille Kasba a servi et sert encore de caserne à une partie de nos troupes ; mais le palais des gouverneurs espagnols et de Bou-Chelar'em n'a pas été relevé.
La Kasba communique avec la ville au moyen de deux portes dont l'une correspond à l'ancienne voirie et l'autre à une rue carrossable ouverte par le génie.
On voit au S. O. de la Kasba, les ruines d'une redoute connue sous le nom de la Campana, la Cloche ; et au N. O. en montant au Santa-Cruz, d'autres ruines appartenant également à une redoute et lunette, qui, avec la précédente et les autres beaucoup plus rapprochées : de la barrera, la barrière, de Saint-Pierre, de Santa-Isabel, de la Guardia de los leones, la garde des lions (cette dernière probablement située près de l'ancienne ménagerie du palais), complétaient le système de défense de la Kasba.
Le fort de Santa-Cruz, couronnant le sommet du pic d'Aidour, à 400 mèt. au-dessus de la mer, et auquel on arrive en sortant d'Oran par la porte d'El-Santo, a pris le non du gouverneur D. Alvarès de Bazan y Sylva, marquis de Santa-Cruz, qui la fit construire de 1698 à 1708. Les indigènes l'appellent Bord-ed-djebel, le fort de la montagne, ou bien encore Bord-el-Mourdjadjo, du nom de cette montagne.
Il fut pris d'assaut après deux jours de siége, le 27 djoumad-et-tani (1119-1708), et sa petite garnison, 106 hommes et 6 femmes, fut faite prisonnière.
Attaqué en 1145 (fin de 1732), par Bou-Chelar'em, qui en fit sauter une partie au moyen de la mine, le fort Santa-Cruz tint bon, et Bou-Chelar'em dut renoncer à ses projets de reprendre Oran, et battre en retraite sur Mostaganem. Rasé en 1735, à l'exception du ravelin ou demi-lune que l'on voit encore aujourd'hui, le fort fut complétement reconstruit, et terminé en 1738, sous José Avallejo.
Mohammed-el-Kebir le fit miner sans résultat en 1790, et n'en devint maître que par la reddition d'Oran. Il le fit démanteler par ordre du pacha d'Alger, qui redoutait la puissance de son lieutenant.
Santa Cruz a été restauré dans ces derniers temps, de 1856 à 1860.
Le fort Sainte-Croix, dit M. F. Mornand, est juché à l'O. de la ville, sur
Posté Le : 27/07/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Louis Piesse 1874, Collection des guides Joanne