Un tee-shirt à 100 DA, une robe à 200 DA et un pantalon à 50 DA, les familles oranaises, toutes franges sociales confondues, se rabattent sur la friperie
Acculés par les dépenses d’été, et appréhendant une rentrée scolaire qui n’est pas de tout repos, les Oranais prévoient le pire. Sachant aussi qu’ils vont encore puiser dans leurs maigres économies déjà minées par la cherté de la vie, les dépenses en fournitures scolaires, en vêtements neufs, en frais d’inscription, sans oublier bien entendu, les sempiternelles charges et autres impôts, tels des malheurs qui n’arrivent jamais seuls.
Une situation qui pousse les familles oranaises, toutes franges sociales confondues, à se rabattre sur la friperie. Une petite virée dans les deux principales plaques tournantes, à savoir celle d’El Hamri et de la Ville Nouvelle, a été plus que nécessaire afin de se faire une petite idée.
El Hamri, 9 heures du matin, et l’on se croirait à la veille de l’Aïd Es-Seghir. Hommes, femmes et enfants se mêlent dans un véritable bain de couleurs, de sons et de sueur, de bousculade aussi, sous un soleil de plomb. C’est ici, que l’on trouve le premier choix, à l’inverse des autres souks, à l’instar de celui de la Ville Nouvelle, du côté des anciens moulins, ou de deuxième choix, à Petit Lac et dans d’autres quartiers pendant les marchés hebdomadaires.
Mais, à El Hamri, c’est exceptionnel. Ce n’est pas cher payé. Un tee-shirt à 100 DA, une robe de nuit à 200 DA ou une peluche à 100 DA. On peut même trouver des babioles à 10 DA. Il est très difficile de résister à des prix aussi alléchants. Une vraie aubaine pour petits et grands. A chaque pas, un étal différent accueille le visiteur. Ces stands métalliques, démontables ont une superficie d’à peine 2 mètres carrés et sont disposés en rangées parallèles, au milieu desquelles, curieux et clients errent, en quête d’une «affaire». Chaque vendeur achalande son étal selon sa préférence. Une table, soulignons-le, louée par la municipalité. Ici, c’est chez Brahim qui vend des stores et autres rideaux de bonne qualité mais surtout, à bon prix. C’est qu’il excelle dans l’art de l’accueil des clients. Djamel, est l’un de ceux-là. Fonctionnaire dans l’administration publique, ce quadragénaire, avoue qu’il est là pour découvrir ce qui se vend ici et est surtout poussé par la curiosité. Et d’ajouter «c’est un véritable fourre-tout et j’espère trouver quelque chose qui puisse intéresser ma petite princesse.»
Les riches aussi adorent «el bala»
A l’évidence, les plus aisés, au vu de leurs véhicules flambant neufs, garés du côté du parc d’attractions, connaissent mieux la friperie que tout autre et «savent s’y faire en matière de fouille pour dénicher les bonnes occases», de l’aveu de Meriam, praticienne au CHUO qui lance, sans détours : «Je suis une habituée des lieux de ce genre. C’est mieux d’acheter ici, des produits de qualité, à bas prix, que d’aller en ville acquérir le même truc, pour le payer plus cher !». Sa cousine Kamar, qui l’accompagne, vient de découvrir un chemisier, bien à son goût, cédé à 200 DA. Elle jubile et estime qu’«on ne peut trouver mieux». Toutefois, la praticienne ne s’offusque pas de donner des conseils aux «non-connaisseurs» et propose son diagnostic. «Il faut désinfecter les habits qui ne sont pas de couleur, à l’eau de javel, avant de passer au repassage.»
Même les branchés de «fringues» essaient, tant bien que mal, de suivre la tendance lourde en matière de mode, en s’adaptant à une consommation, non pas de fortune mais, de circonstance. On les voit se faufiler, sapés qu’ils sont, à l’Américaine ou à l’Anglaise, un œil rivé à tout ce qui peut constituer un vêtement «In».
Tout aussi curieuse, Amel, est d’Alger. Sac banane à la ceinture, elle avoue : «C’est la première fois que je visite ce type de marché». Visiblement, gênée par nos questions, cette petite brunette, ne supportant pas qu’on la surprenne ici, lance à son amie qui l’accompagne : «Viens, on descend en ville, on trouvera peut-être quelque chose de plus convenable».
Un peu plus loin, on rencontre Malika, la trentaine à peine, qui vient acheter des vêtements pour sa fille âgée de deux ans. «J’achète toujours ici, explique-t-elle. Les habits que j’achète ici résistent beaucoup mieux à l’usure du temps», tente de convaincre la jeune dame. La satisfaction, s’affiche clairement sur son visage et semble être totale. Elle a déjà dépensé 1.000 DA après une heure de visite. La raison principale de sa préférence pour le marché de friperie, c’est qu’ «on y trouve des choses rares». «Jamais les mêmes produits chez les vendeurs, ce qui laisse pour le client un éventail de choix très varié», ajoute-t-elle.
C’est qu’ici, on ne se gène nullement, on se sert à sa guise, pas de chichi, ni de manière, tout le monde se côtoie dans une ambiance bon enfant et sans complexe.
Chose que l’on peut remarquer, c’est aussi la chaleur humaine qui caractérise les différents échanges lors de la conclusion d’une vente. A la fermeté sur le prix, adoptée par les vendeurs, s’ensuit une négociation à l’amiable.
Certains facteurs renforcent encore plus cette rencontre entre l’offre et la demande. K.O est une tante qui aime gâter ses neveux et nièces. En cette fin de vacances, la dame veut leur offrir des cadeaux. Jusque-là, celle qui négociait difficilement les six petits «nounours» qu’elle voulait prendre à 100DA l’unité, vient de découvrir que son vis-à-vis, qui a décliné son identité, est de la même région (l’Est) qu’elle. Surprise, elle s’éclate. «C’est fini. Je prends tout ce que je veux», se réjouit-elle. Cet enthousiasme et cette découverte confortée par la présence d’un journaliste, se conclut par un accord tacite de vente des peluches très appréciées des enfants.
Le seul hic dans tout cela, reste que les ballots de friperie défaits, les fils de fer qui leur ont servi pour les emballer, sont jetés sur la chaussée. Attitudes qui créent la fausse note de cette harmonie du marché.
Notons enfin qu’à défaut d’informations fiables, on ignore totalement dans quelles conditions est importée cette marchandise, ni comment elle est traitée ou combien de temps demeure-t-elle emmagasinée au niveau des ports. Et si cela doit constituer un risque pour la santé de la population.
Certains n’hésitent pas à soulever l’hypothèse que la friperie risque d’être un facteur favorisant la transmission de maladies épidermiques, telle que la gale ?
Depuis l’ouverture de nos frontières à l’importation, favorisant l’entrée en force de la friperie, ce marché mobilise une foule nombreuse et diversifiée d’agents économiques auxquels il est assuré un emploi, donc un moyen de vivre. Par ailleurs, ce marché, met à la disposition de l’écrasante majorité des Oranais, ruraux soient-il ou citadins, une gamme étendue de vêtements, à des prix imbattables, à la portée de leur bourse.
Certes, les circuits commerciaux empruntés en sont complexes et pas toujours légaux. Mais, une suppression de ce marché, comme certains s’évertuent à le déclarer, aurait des conséquences désastreuses pour beaucoup de personnes.
Posté Le : 29/08/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Rachid Mahi
Source : www.echo-oran.com