Algérie

Oran: Des émeutes à Mers El Hadjadj



En fin de matinée, heure de notre arrivée sur les lieux, la localité de Mers El Hadjadj, à l'est de Béthioua, wilaya d'Oran, était pratiquement une ville morte.

Tous les rideaux étaient baissés. Le marché de la commune, en bas de la rue qui mène vers le siège de la mairie, était lui aussi, fermé. Dans les rues, des grappes de jeunes, dont certains cagoulés. Bon nombre d'entre eux portaient dans la main une bouteille de vinaigre, histoire de se protéger les yeux contre les effets des bombes lacrymogènes. Dans plusieurs rues, on relève les traces d'escarmouches entre les jeunes et les forces de la gendarmerie. Partout, des blocs de pierre sur la chaussée. Des jeunes palabrent entre eux. Des fois, leurs discussions frôlent l'irréparable. Vers 13h, tous les jeunes qui occupaient les ruelles du centre de la commune n'avaient qu'une seule revendication : la libération de la dizaine de jeunes interpellés le matin. Une jeune dame, assurant les bons offices, a abordé sans la moindre crainte un groupe occupant la chaussée pas loin du marché. «Dispersez-vous et tout le monde sera libéré». On entame une discussion où les mêmes arguments ressurgissent «comment se fait-il que sur les 380 recrutements au niveau d'AOA, seuls 10 sont de Mers El Hadjadj ?». Autour de cette question, il y a une sorte de consentement. Certains, face au chef de daïra de Béthioua, qui s'est déplacé sur les lieux pour calmer les esprits, crient haut et fort que «les certificats de résidence sont vendus pour des gens d'ailleurs pour pouvoir travailler à AOA» On sert le même argument à l'officier de la gendarmerie, qui lui aussi n'a apparemment pas peiné pour ouvrir le dialogue avec ces jeunes, dont certains ne cachent pas leur apparat d'émeutier : espadrilles, survêtements, débardeurs et foulards pouvant servir de cagoules. Visiblement, tout le monde a quelque chose à dire et a envie de dire quelque chose. Un quadragénaire, à voix haute, exigera une réponse de l'officier : «trouvez-vous normal que même le jardinier est recruté d'ailleurs ?» Un autre enchaîne : «et les effets de l'azote pour nous ?»

Comment a éclaté l'émeute d'hier ? Nos interlocuteurs nous expliquent qu'il y a plus d'une quinzaine de jours, ils ont pris attache avec le président de l'APC qui leur a demandé de patienter une dizaine de jours. Les mêmes promesses leur ont été tenues par le chef de daïra, souligne un autre. Passé ce délai, ils ont eu une réponse qui a mis le feu aux poudres. Le maire prétend, selon les dires d'un homme d'âge mûr, que l'examen des dossiers a confirmé que tous ceux qui ont eu la chance d'obtenir un emploi sont originaires de la commune. Non satisfaits de cette explication, les jeunes ont tenu un double sit-in dans la matinée d'hier : un devant le siège de la mairie et le second devant le siège de l'entreprise AOA. Nos interlocuteurs reconnaissent qu'ils ont empêché les travailleurs, notamment étrangers, d'accéder à leur travail. Mais ils affirment que leur action était pacifique. «C'est l'intervention musclée de la gendarmerie qui a causé le débordement», souligne plus d'un témoin. Il s'en est suivi un échange de projectiles et de jets de pierres. Mais on n'a pas noté de dégâts matériels ou de casse de biens publics ou privés. «Nous aimons notre commune et notre pays», tonne un jeune homme, qui a précisé qu'il a été aux USA et au Canada mais qu'il a préféré revenir s'établir chez lui. Un parent s'est plaint à nous en indiquant «on a jeté des bombes lacrymogènes à l'école, ce qui a poussé le directeur de cet établissement à libérer les élèves au moment des escarmouches». Et d'ajouter «le chef d'établissement va établir un rapport pour sa tutelle». Dans cette ambiance inhabituelle, une note gaie mérite d'être relevée. Au début de l'après-midi, la canicule a eu raison de la fougue des jeunes émeutiers. Tous étaient adossés à des murs à la recherche du moindre carré d'ombre. Tous attendent un geste d'apaisement de la part de la force publique. Mais tous se déclarent décidés de revenir à la charge jusqu'à ce que le wali prenne en charge ce dossier. Pour eux, le contrat de confiance avec le président de l'APC et le chef de daïra est irrémédiablement rompu.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)