Algérie

Oran: Condamné pour séquestration d'une femme



En ce mercredi 10 août 2016, Redouane, transporteur de marchandises, rentre d'Alger à bord de son Master et aperçoit une femme près de la mosquée Maghraoua, dans le quartier des Castors où il réside. Il est près de trois heures du matin et la présence de cette femme, seule, l'intrigue. On ne sait qui des deux approche l'autre mais il est certain que la femme grimpe dans le fourgon de Redouane : «Elle était en pleurs et m'a demandé de l'aider à trouver un hôtel. Elle m'a montré sa carte professionnelle qui m'a appris qu'elle travaillait comme secrétaire dans une entreprise de Hassi Messaoud», racontera le transporteur de 33 ans. Plus tard, la femme en question portera plainte contre lui pour agression sexuelle, violence et séquestration. Après avoir fait le tour d'Oran sans trouver un hôtel qui daignât accueillir la jeune femme, Redouane lui propose de passer ce qui reste de la nuit chez lui : «Je lui ai d'abord demandé de la conduire chez la police mais elle a refusé, préférant ma proposition de l'héberger», continuera l'homme dans sa déposition à la police et devant le magistrat instructeur. Il l'invite à rentrer dans une maison des Castors et lui apporte des draps et oreillers pour faire son lit : «A ce moment, elle m'a demandé de lui chercher une tasse de café. Je suis sorti en tirant la porte, marché jusqu'au café en face qui venait d'ouvrir et, en revenant, je l'ai vue qui gisait par terre. Elle venait de sauter de la fenêtre», affirmera-t-il.«J'ai le Sida !»
Quand le jeune homme fait cette déposition devant la 10ème sûreté urbaine dont dépend le quartier des Castors, la jeune femme se trouve à l'hôpital avec un poignet fracturé et une blessure à la hanche qui lui vaudront une incapacité de 25 jours. Elle venait de l'accuser de l'avoir abusée et de l'avoir emmenée chez lui pour la violer. «Il était ivre, il a menacé de me séquestrer pendant dix jours.» Dans sa déposition, G. Amel, 41 ans, a raconté qu'elle venait de Hassi Messaoud où elle réside pour récupérer ses deux enfants, qui étaient en vacances chez son ex-mari avec qui elle partageait la garde. Ayant transité par Alger, elle est arrivée tard la nuit et quand elle a frappé à la porte de la maison de son ex-mari, celui-ci l'a informée que les enfants dormaient avant de la chasser brutalement. En désespoir de cause, elle s'est assise à proximité de la mosquée Maghraoua quand un fourgon blanc s'est arrêté à sa hauteur : «J'ai eu peur mais le conducteur a réussi à me rassurer et m'a proposé son aide. Il m'a même acheté des fruits. Ma peur s'est apaisée et je lui ai demandé de m'aider à trouver un hôtel». Après une recherche infructueuse, la jeune femme a accepté le gîte offert par Redouane et l'a accompagné chez lui : «Mais une fois à l'intérieur, j'ai compris qu'il m'avait piégée, que ses intentions étaient mauvaises. Il m'a menacée et violée et j'ai dû lui dire que j'avais le Sida pour qu'il s'éloigne. Après, il est sorti apporter du café et c'est là que, voyant que la porte était verrouillée, j'ai sauté d'une petite fenêtre…»
Lors de l'instruction, et alors que Amel retourne chez elle à Hassi Messaoud, l'accusation de viol est écartée et Redouane bénéficie du non-lieu. Le juge d'instruction estimera néanmoins qu'il existe suffisamment de preuves permettant des poursuites pour les chefs d'inculpation d'enlèvement et séquestration, selon l'article 291 du Code pénal, et de violences sur personne enlevée, suivant l'article 293. O. Redouane sera écroué en attendant son jugement.
«J'ai voulu aider une femme désespérée»
A la barre, Redouane a maintenu ses déclarations, jurant qu'il n'a jamais touché la jeune femme, qu'il n'était pas ivre et que sa seule intention était d'apporter son aide à une femme, seule, qui s'était dressée devant son véhicule en pleurant et en implorant son assistance. Durant tout l'interrogatoire conduit par la présidente d'audience, il aura les même réponses, même s'il admet ne pas comprendre pourquoi G. Amel lui a dit qu'elle avait le Sida ni pourquoi elle a sauté par la fenêtre : «En allant chercher le café, je n'avais pas verrouillé la porte et j'étais extrêmement surpris de voir qu'elle était passée par la fenêtre», dira-t-il. Par ailleurs, expliquera-t-il encore, «s'il y a avait des problèmes, des bruits, les voisins auraient tout entendu et intervenu». Sans même plaider, le représentant du ministère public dira que les faits sont établis et requerra 20 ans de réclusion criminelle contre l'accusé figé dans son box.
Dans une longue plaidoirie, l'avocate de la défense commencera par s'interroger sur le mobile supposé de son client : «Puisque le motif du viol a été écarté par le non-lieu, quel a été le mobile de mon client ' Qu'est-ce qui justifie la séquestration '», s'interrogera-t-elle avant de s'atteler à démonter les accusations de la victime en soulignant les incohérences de ses déclarations et de son comportement : «Elle dit que mon client l'a séquestrée, pourquoi n'a-t-elle pas crié, n'a pas appelé à l'aide, ce qui aurait réveillé tous les voisins, notamment un commissaire habitant à proximité '»
Victime à la personnalité instable '
«Elle dit qu'elle a téléphoné à son ex-mari pour le prévenir de son arrivée mais celui-ci a démenti et affirmé qu'il n'était pas au courant de sa venue. Nous avons demandé une reconstitution du crime mais, malgré les convocations du juge, elle n'est pas venue», égrènera l'avocate dans le but de fragiliser les accusations de la victime présumée. Pour la défense, l'explication à ces incohérences pourrait se trouver dans la «personnalité instable» de la jeune femme : «Son ex-mari a témoigné du changement du comportement de son ex-femme depuis qu'il s'est remarié, la jugeant trop agitée. Nous avons demandé une expertise psychiatrique mais là aussi, la jeune femme n'a pas répondu aux convocations de la justice», ajoutera l'avocate qui évoquera un scénario montée par Amel pour éviter le scandale d'avoir été retrouvée par la protection civile et la police, au bas de la maison d'un inconnu.
La défense plaidera l'acquittement de son client mais après délibérations, le tribunal criminel retiendra les charges d'enlèvement et séquestration, et condamnera O. Redouane à trois ans de prison ferme.


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