Algérie

Opium du peuple, la discipline autorise tous les délires



Opium du peuple, la discipline autorise tous les délires
A en croire un confrère qui en donnait l'information vendredi dernier, Zoubir Bachi ne ferait plus partie du conseil d'administration de la Société sportive par actions Mouloudia d'Alger. Une information au demeurant ordinaire pour ne pas dire anodine. Qui est désormais Zoubir Bachi après avoir été, alors que le club dont il est membre du conseil d'administration ne peut, lui, souffrir d'aucune irrévérence et pour cause n'est-il pas cette association sportive dont il n'est nullement besoin de parler de palmarès sportif pour la simple raison que c'est autrement vu un élément du patrimoine national en ce que le club charrie de passion, d'émotions, contradictions...Celui qui fut, du temps où le football était à la limite du romantisme, voire de l'art lyrique en football, c'est-à-dire une discipline d'homme, quitte le conseil d'administration du MCA au motif que «...sa présence au MCA dérange» plus qu'elle n'apporterait quelque chose de positif. Si tous les membres des conseils d'administration de SSPA, voire d'entreprises économiques, quittaient pour une telle raison autant dire qu'elles seraient toutes orphelines.Un appel à comprendre ce qu'est la gestion pour les nuls d'un conseil d'administration aiderait sans nul doute les Algériens, notamment ceux qui n'ont rien à voir avec le football ou qui ne se considèrent pas concernés, à savoir où va l'argent du contribuable, autrement dit le leur.Pour s'acquitter honnêtement de sa mission, un conseil d'administration doit : définir la stratégie de l'entreprise, désigner les membres chargés de la gestion de la société, contrôler la gestion, veiller à l'authenticité et à la qualité de l'information fournie aux actionnaires à travers les comptes. Imaginer un tel instant que les clubs de football algériens fonctionnent surce modèle relèverait du domaine de l'outrecuidance et nous en donnons pour preuve les batailles de chiffonniers qui opposent entre eux régulièrement actionnaires de la Sspa et, plus grave encore, de temps à autre la Fédération algérienne de football à l'un de ceux parmi lesquels l'un des présidents, pour une raison ou une autre, ruerait dans les brancards.Le conflit entre la JSK et la FAF en est le meilleur exemple. Après une série de déclarations intempestives faites à l'étranger (Egypte) le président de la JSK est mis à nu à la suite d'un communiqué de la fédération, laquelle s'évertue alors à faire communication du pactole officiellement versé par diverses parties pour la gestion du club et, de façon subliminale, suggère un usage douteux de ce pactole qui s'est élevé pour le début de l'exercice en cours à 22,5 milliards de centimes.Ce qui, a priori, est peu et tout aussi énorme. Peu en raison du train de vie des clubs professionnels qui consacrent 80% de leurs charges à la masse salariale et beaucoup parce que cet apport, dans une société qui fonctionne selon les normes, ce n'est pas à l'Etat ou aux institutions auxquels il force la main pour prendre en charge cet élément de gestion, mais aux actionnaires eux-mêmes à travers bien entendu une gestion orthodoxe pour dire simplement...normale.Mais le citoyen lambda à qui est fournie l'opportunité d'apprendre justement que le président du conseil d'administration de la JSK en fait partie à hauteur de 90 000 dinars, celui-ci (citoyen) ne peut que conclure qu'il y a «...quelque chose de pourrie en terre d'Algérie». Sauf et c'est tout aussi là que tout verse pratiquement à la tragicomédie, les pouvoirs publics le savent et ne manquent plus que de confier les clés du Trésor public aux clubs ou du moins à une partie d'entre eux. Ceux dont les présidents crient fort d'abord et se comportent ensuite comme de petits tsars. Dans ce jeu de dupes et à la lumière de la guéguerre Hannachi-Raouraoua, la précision s'impose parce qu'elle livrecrument un état des lieux déliquescent d'une discipline très influente sur la stabilité sociale, politique et économique. Autant ne pas se voiler la face sur cet aspect précis de la question. Les stades sont garants de la stabilité sociale (ou inversement), les clubs sont de véritables réservoirs à voix lors des élections, les footballeurs gagnent des salaires faramineux qu'ils partagent parfois à l'insu de leur propre gré avec les dirigeants lesquels, soit dit au passage, n'apportent donc rien mais se servent royalement.Dès l'origine, la construction s'est faite de manière bancale, le décret 06-264 déterminant les dispositions applicables aux clubs sportifs professionnels et fixant les statuts types des sociétés sportives commerciales était plutôt approximatif comme dans l'idée selon laquelle l'obligation de professionnaliser le football n'était qu'une vue de l'esprit. D'où la naissance au forceps dudit championnat à partir de 2009 et la démarche empreinte d'un grand amateurisme qui s'en est suivi pour les instances sportives nationales de répondre «présent» aux injonctions de la Fifa.Les clubs de football à la gestion déjà très ésotérique n'ont finalement permis qu'à une faune de dirigeants habitués à une gestion boutiquière de s'engouffrer dans la large brèche qui se présentait à eux et non pas de s'adapter aux nouvelles dispositions mais de faire tout à fait le contraire en adaptantles instances sportives nationales à leur conception de la gestion.Cette démarche ne pouvait évidemment que déboucher sur la situation actuelle. C'est-à-dire l'impasse, un cul-de-sac qui ne fait pas que des malheureux dans la mesure où dirigeants et footballeurs tirent leur épingle du jeu en s'enrichissant à satiété en fournissant en contrepartie un football indigent et sans parvenir à placer de façon indiscutable ne serait-ce qu'un des leurs (footballeurs) au sein de la sélection nationale. Morale de l'histoire : les clubs de football sont de véritables gouffres financiers et logiquement ils sont tous en situation de dépôt de bilan, sauf que les pouvoirs publics continueront à les arroser tant que se confirmera cette profession de foi qui veut que le football demeurera par excellence l'opium du peuple.A. L




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