«Mech hanemchi, houwa
yemchi». Place At-Tahrir, à un militaire qui leur
demandait de quitter les lieux pour préserver l'Egypte, la réponse des
manifestants a été puissante: c'est à Moubarak de partir !
Le raïs, après avoir été à la tête de l'Egypte pendant trente ans, bloque toujours son nouveau
départ. Ses amis occidentaux s'impatientent. Au douzième jour, au lendemain
d'un «vendredi du départ» massivement suivi, les Egyptiens ont continué leur
mouvement pour un changement du régime qui commence pour eux par le départ
immédiat de Hosni Moubarak. Sur la place At-Tahrir, le cÅ“ur battant de la
révolution, et dans d'autres villes du pays, les contestataires maintenaient la
pression et ont décidé une nouvelle marche du million baptisée le «dimanche des
martyrs». La nouveauté dans cette douzième journée de protestation populaire
est un attentat visant le terminal gazier de Cheikh Zouwayed, dans le Sinaï,
près de la bande de Gaza, qui approvisionne Israël, selon l'Etat hébreu. Hosni
Moubarak qui s'accroche au pouvoir devient un abcès de fixation qui empêche le
début de sortie de crise et l'entrée dans la transition. Les Américains, qui
craignent une «tempête» sur le Proche-Orient, exercent de fortes pressions pour
hâter le processus. Le président égyptien a donné l'impression de
ne pas tenir compte des ces pressions. Il a rencontré hier, comme s'il
s'agissait d'une réunion ordinaire, des ministres en charge des questions
économiques, dont le Premier ministre Ahmed Chafik, le ministre des Finances,
ceux du Pétrole, du Commerce et de l'Industrie, ainsi que le gouverneur de la
Banque centrale… Les banques devraient reprendre demain dans une tentative
d'entamer le retour à la normale. Dans l'après-midi, le commandant de la région
centre de l'armée égyptienne est allé à la place At-Tahrir pour essayer de
convaincre les manifestants de la quitter et de «préserver ce qui reste de
l'Egypte».
Une réponse enflammée
La place At-Tahrir s'est alors enflammée sur un slogan repris avec force
«Mech hanemchi, houwa yemchi!». «Nous ne partons pas, c'est lui qui part !». La
clameur de la place At-Tahrir montrait clairement que les tentatives de sauver
la face au président Moubarak n'ont pratiquement aucune chance d'être
acceptées. Une situation d'impasse. Alors que le vice-président désigné
récemment, Omar Souleïman, consulte en vue de l'organisation d'une transition,
le président égyptien s'accroche à sa volonté d'aller jusqu'au bout de son
mandat. Il crée ainsi une situation volatile, alors que les gros bras mobilisés
par les pontes du parti au pouvoir n'ont pas désarmé et ont élargi leur cible à
la presse. Un journaliste égyptien, Mohammed Mahmoud, blessé d'une balle à la tête
le 29 janvier alors qu'il filmait les manifestations depuis un balcon pour le
quotidien Al Ahram, proche du gouvernement, a succombé samedi à ses blessures.
L'armée, dont l'attitude reste scrutée, n'a pas encore lâché Moubarak et les
discussions que mènent Souleïmane se limitent à la composition d'un
gouvernement de transition.
Confusion
Une certaine confusion règne, par ailleurs, sur les acteurs de la
négociation. Des membres du mouvement de jeunes à l'origine des manifestations
ont nié l'existence d'un accord avec un «comité de sages» qui a annoncé qu'il
entamerait des négociations avec les autorités après que Moubarak délègue ses
prérogatives à son vice-président Omar Souleïmane. Une option qui
permettrait à Moubarak de rester formellement à la tête de l'Etat et qui est
rejetée par les jeunes et de nombreux acteurs de l'opposition. Mais cette
option a été exclue par le Premier ministre Ahmad Chafic.
Mohamed ElBaradei, prix Nobel de
la Paix, a indiqué pour sa part qu'il souhaitait s'adresser directement à
l'armée pour «organiser une transition sans effusion de sang». Il a de nouveau
appelé Moubarak à se retirer du pays. «Il y aura sans doute bien un pays arabe
pour l'accueillir. J'ai entendu parler du Bahreïn», a-t-il précisé. Les
Américains continuent à inciter leur vieil allié de prendre la « bonne décision
», pour reprendre la formule de Barack Obama. «L'avenir de l'Egypte sera décidé
par son peuple», a dit le président américain lors d'une conférence de presse
commune avec le Premier ministre canadien, Stephen Harper. «Ayant accompli
cette rupture psychologique, ayant pris la décision de ne pas se représenter,
je pense que la chose la plus importante qu'il doit à présent se demander,
c'est comment rendre cette transition efficace, durable et légitime», a
souligné Obama à l'adresse de Hosni Moubarak.
Tempête sur la région
Le Premier ministre britannique, David Cameron, a souligné de son côté
que «plus on attend, plus il est probable qu'on risque d'avoir un jour affaire
à une Egypte qui ne nous plaira pas». Discours alarmiste systématisé à
l'ensemble de la région du Moyen-Orient - dans la conception américaine, il
inclut le Maghreb - par Mme Hillary Clinton. Pour elle, la région est frappée
d'une «véritable tempête» qui commande aux régimes de mettre rapidement des
réformes démocratiques. «La région est frappée par une véritable tempête de
courants puissants. C'est ce qui pousse les manifestants dans les rues de
Tunis, du Caire et d'autres villes dans toute la région. Le statu quo est tout
simplement intenable».
La théorie des régimes «remparts» contre l'islamisme n'a pas tout à fait
vécu mais elle est considérablement ébréchée par l'entrée en scène des
sociétés. «Ce n'est pas seulement une question d'idéalisme. C'est une nécessité
stratégique. Sans progrès authentiques vers des systèmes politiques
responsables et ouverts, le fossé entre les peuples et leurs gouvernements va
grandir et l'instabilité ne fera que s'accroître. L'ensemble de nos intérêts
serait en péril».
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Posté Le : 06/02/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com