«On n'est pas des extra-terrestres»

Préjugé ? «Dans la société on est considéré comme des extra-terrestres,» disent des non-voyants que nous avons rencontrés, dans leur siège de la Casbah.Ils poursuivent : «Les gens doivent comprendre que nous sommes comme eux. On n'est pas fabriqué à partir d'un moulage.» «Est-ce qu'on vous a dit que nous sommes des gens coléreux?'», nous interroge-t-on. Pour savoir ou ils veulent en venir, nous avons répondu par l'affirmative. «Si nous sommes énervés, c'est parce que les gens nous remuent comme une poubelle. Ce n'est pas une mentalité. Ils touchent nos visages... Ils jouent avec nous avec leurs mains. On s'énerve comme tout le monde». Hadjadj, d'un bon niveau d'instruction, s'exprimant en français, dit?: «On souffre comme tous les Algériens. Un peu plus.» Ce qui lui paraît plus grave, «c'est que les non-voyants ont un statut de malades chroniques.» Et de relever une contradiction?«on nous a classés comme handicapés, alors que ces derniers?touchent une aide mensuelle de 4 000 dinars. Nous les non-voyants on ne touche que 3 000 dinars...»?Sur la carte d'handicapé délivrée aux non-voyants, il est précisé la nature de l'handicap?: visuel. Commentant cette carte, Hadjadj ajoute un autre argument pour démontrer la contradiction qu'il a relevée?: «D'une part on est classé comme malades chroniques, d'autre part on a une carte d'handicapé», dit-il. Sur l'ancienne carte, appelée carte d'invalidité, il est mentionné un article qui donne le droit à la gratuité du transport en commun plus une réduction de 40% sur le prix du loyer d'une habitation (Cette dernière réduction a été supprimée dans les nouvelles lois). A Tizi Ouzou, nous fait savoir Hadjadj, les non-voyants et les sourd-muets sont dans la même école. Selon lui, cette situation entraîne «un problème de communication entre les deux catégories de la société.» Dans une anonyme dénonciation, les non-voyants, ont cité une autre aberration. Selon eux, l'ENA (Ecole nationale d'administration) n'admet pas les non-voyants. Et la société?' «On nous considère comme mendiants». Et de raconter une histoire?: «Un non-voyant, un jour, est entré dans un magasin pour se renseigner sur une personne .Une fois le seuil passé, le marchand l'interpelle : ?Allah inoub'» (Dieu vous enrichit).?«Stop?! On n'est pas des mendiants.» crient-ils. Après son recrutement comme standardiste, au niveau d'une mairie , sur sa fiche de paie, l'administration lui a mentionné sur la case réservée à la fonction?: gardien.