Algérie

On n'a rien, on a le Brésil



On n'a rien, on a le Brésil
Ce n'est finalement pas si difficile d'aller au Brésil. Il s'agit ici des millions d'Algériens qui fantasment pour un autre pan de ciel, pas de l'Equipe nationale de football. On pensait le visa chimérique, le billet d'avion inaccessible et les autres obstacles qu'on ne connaît pas encore insurmontables.Mais voilà, il suffit d'avoir quarante-cinq millions de centimes à déposer en petites ou grosses coupures devant une caisse enregistreuse de l'Onat, d'un passeport en cours de validité, et le tour est joué. Tout est facile quand il s'agit de foot.Tout est finalement facile puisque la politique squatte le foot, la sélection nationale beaucoup plus que le reste parce qu'elle brasse beaucoup plus large.Des milliers d'Algériens vont ainsi pouvoir se rendre au Brésil comme «supporters de l'Equipe nationale». Quarante-cinq millions de centimes, c'est beaucoup d'argent, bien sûr. Mais c'est aussi une broutille.On connaît les capacités de cette catégorie d'Algériens à se surpasser pour ces «causes-là», elles sont insoupçonnables. Non, ils ne casseront pas leur tirelire, pour la simple et bonne raison qu'ils n'en ont pas.Ils ne se feront pas violence, ils sont violentés tous les jours. Ces Algériens vont se bousculer devant les guichets de l'Onat à la première ouverture, le sac à billets en main, le sac tout court en bandoulière et le passeport froissé dans la poche arrière du pantalon.Pour la plupart, ils n'ont pas une gueule à débourser quarante-cinq millions mais ils ont tous une gueule à aller au Brésil.Ils ont tous une gueule à vouloir partir n'importe où. Le ministre des Sports les a «rassurés», on achètera les billets de stade pour eux. Parce que si le ministère n'achète pas les billets, il faudra qu'ils le fassent eux-mêmes avec? une carte de crédit. Ça tombe bien, ils n'ont pas de carte de crédit.Ils ne savent même pas ce que c'est. Dans l'Algérie de 2014, il n'y a pas encore de cartes de crédit. Mais dans l'Algérie de juin 2014, on enverra des milliers d'Algériens au Brésil.On ne sait pas si le pays a progressé ou on ne perd rien à attendre. M. Tahmi a fait l'annonce de ce voyage tout seul, comme un grand.La dernière fois qu'on a envoyé deux mille algériens à Ouagadougou, il a fallu une conférence de presse de deux ministres, celui des sports et celui du transport, pour nous le dire.On va quand même attendre, Ouagadougou n'est pas Rio. On va encore mobiliser des ministres, deux ou peut-être plus pour obtenir un niveau de solennité digne de l'événement.Pas seulement de l'événement mais aussi, surtout, des disponibilités généreuses de l'Etat et de ses dignes enfants mortellement patriotes qui vont se «sacrifier» pour aller donner de la voix et du mouvement pour que brillent les couleurs nationales.C'est fou ce que c'est paradoxal, un pays qu'on fuit pour que brillent ses couleurs. On n'a rien mais on a quarante-cinq millions au bon moment. Et le bon moment, c'est toujours quand il est possible de partir.En plus, le foot est un si beau prétexte ! C'est l'Equipe nationale qui va retrouver son foot au pas de foot, sur le terreau où il respire, où il donne de l'air à la vie.Le foot est un beau prétexte mais un prétexte quand même. Alors on avertit déjà les belles brésiliennes qui, coupe du monde ou pas coupe du monde, auront du temps pour les plages, la peau couleur de miel et le bikini invisible.Loin de M. Tahmi et de M. Ghoul, à l'abri de M. Raouraoua. On n'a rien mais on a quarante- cinq millions. Que ce soit beaucoup d'argent ou une broutille. Quarante-cinq millions, c'est combien, déjïSlimane Laouari




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