Algérie

On meurt pour ses idées


Toutes les consciences sont interpellées par le tragique décès de Kamel Eddine Fekhar, militant des droits de l'homme, des suites d'une longue grève de la faim. Ce n'était ni un terroriste ni un bandit de grands chemins, mais un respectable médecin du M'zab, engagé pour des idées politiques, en principe protégé pour cela par tous les textes fondamentaux du pays. Bien d'autres militants, personnalités civiles ou militaires, simples citoyens également ont connu le même sort funeste, citons parmi eux le journaliste Mohamed Tamalt, âgé de 42 ans, qui, le 11 décembre 2016, est mort après avoir refusé de s'alimenter en protestation contre sa détention préventive.A chaque fois, les avocats et les familles avaient tenté de prévenir l'issue fatale en alertant constamment les autorités judiciaires et les instances politiques. En vain. Le général Benhadid, autre victime de la détention abusive, risque lui aussi de perdre la vie, si aucune mesure de libération n'est prise par les autorités judiciaires.
Qu'est-ce qui a donc rendu possibles cet engrenage et cette absence totale d'humanité ' Sans aucun doute le dérèglement de la machine judiciaire algérienne, maintes et maintes fois dénoncé ? depuis l'indépendance du pays même ? mais jamais réparé. Au c?ur du problème, les textes et les hommes, c'est-à-dire les magistrats et les juges. En constant décalage par rapport à l'évolution rapide et complexe de la société algérienne, les textes qui régissent la justice n'ont répondu qu'aux exigences des pouvoirs politiques en place. Illégitimes la plupart du temps, basés sur l'autoritarisme, les régimes qui se sont succédé à la tête du pays ont mis en place une structure et une chaîne judiciaires au sein desquelles la priorité était conférée à la puissance publique. C'est elle qui guide et conduit la décision judiciaire.
C'est la justice du téléphone et de l'instruction. L'intervention personnelle du juge et du magistrat, c'est-à-dire sa conscience, a été limitée au strict minimum, quand elle n'était pas tout simplement interdite. Ceux qui ont tenté de braver cette ligne rouge n'ont pas fait long feu, les autres réduits à une justice du verdict imposé d'en haut avant procès et de l'humiliation du justiciable par le recours abusif au mandat de dépôt. Au lieu d'être exceptionnelle, la détention dite préventive a brisé des vies et, de ce fait, a éloigné la recherche de la vérité, raison d'être de la justice.
Lorsque la victime du mandat de dépôt abusif tente de faire valoir ses droits relatifs à la présomption d'innocence et à un procès rapide et équitable et qu'elle recourt à la seule arme dont elle dispose, la grève de la faim, elle s'expose à de dramatiques conséquences, parmi elles le décès. Cette justice donc, aux tares multiples, n'est pas et n'a jamais été dans son rôle de rempart de la société et des citoyens ; elle a fini par devenir plus qu'un obstacle, un danger pour la cohésion nationale. Et cela en raison de l'illégitimité des pouvoirs politiques et de l'absence totale de m?urs démocratiques. La justice ne retrouvera sa mission et son honneur que dans un nouvel ordre politique, fondé sur la légitimité des urnes et adossé à un Etat de droit. Un nouvel ordre politique auquel appellent tous les Algériens depuis le 22 février dans de grandioses manifestations qui ont déjà à leur actif le démantèlement d'une part importante de l'ancien système politico- judiciaire. Une justice refondée et sereine donc, un véritable contre-pouvoir conduit par des juges guidés par la droiture, la compétence et le sens de l'équité. Les professionnels (avocats et magistrats) ont commencé à se mobiliser pour cette nouvelle justice au sein du mouvement populaire, et c'est prometteur.
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