Parmi les faits marquants de cette 13e édition du Forum social mondial à Tunis, la participation algérienne. Une présence doublement inédite.D'abord par le nombre. Plus de 1500 participants, dont 1200 au titre de la délégation «officielle» conduite par l'UGTA. L'image de cette longue file de bus de l'ONAT transportant les affidés de quelque 600 associations dépêchées par Alger a fait sourire certains, ici, qui y ont vu un remake à petite échelle de l'expédition d'Oum Dourman.Ensuite par cette dichotomie, justement, entre société civile «autonome » et «société civile officielle». «En 2013, ils nous traitaient de ??khawana''», lâche un militant anti-gaz de schiste d'In Salah, et aujourd'hui les autorités semblent avoir changé d'avis sur ce type d'événements, estimant qu'il ne faudrait pas laisser le champ libre aux forces de l'opposition de présenter un «contre-récit» de la situation en Algérie, comme l'a laissé entendre une députée.Et ce sont deux images diamétralement opposées que donnent à voir les «pro» et les «anti-système», tant au niveau du discours qu'au niveau logistique, la délégation officielle disposant nettement de plus de moyens.Cette même dichotomie, avec les disparités de traitement qu'elle induit, était au c?ur d'un débat sur la physionomie de la société civile en Algérie et la manière dont le pouvoir politique s'est évertué à structurer le champ associatif de façon à phagocyter les mouvements sociaux en usant de la politique de la carotte et le bâton. Et cet écart est fortement symptomatique, in fine, de l'idée que se fait le régime de la gestion de la cité.Dans un atelier organisé par RAJ sous le titre : «Défis et enjeux de l'organisation de la société civile en Algérie»,Messaoud Babadji, universitaire et militant des droits humains, a pointé le premier écueil qui empêche la société civile de réellement se développer et de s'émanciper du pouvoir politique sous nos latitudes, à savoir la loi 12/06 relative aux associations, en vigueur depuis 2012, et sa batterie de contraintes administratives.Si bien que le professeur Babadji la qualifie sans ambages de «loi liberticide» en plaidant ardemment pour son abrogation. «Je suis fier d'appartenir à une ville, Oran, qui a été la première à se soulever contre cette loi. Malheureusement, il n'y a eu qu'une quarantaine d'associations qui nous ont suivis et le rapport de force nous a été défavorable», regrette M. Babadji. «Mais on ne désespère pas de la faire abroger pour la remplacer par une loi plus conforme aux normes d'une société démocratique», dit-il, confiant dans le futur. «Nous devons sortir du corporatisme»Fouad Ouicher de RAJ complète le tableau en dénonçant vigoureusement les restrictions qui entravent l'action citoyenne libre en Algérie. «Le régime a crée, souligne le militant de RAJ, une société civile parallèle à la merci de l'administration» et qui agit comme un comité de soutien du «programme présidentiel». «Au lieu d'aller vers une transition démocratique, l'Etat ferme le jeu politique, réprime toute manifestation, réduit les libertés», martèle Fouad Ouicher.Par-delà ce cadre contraignant, avec toute la charge répressive que fait peser l'administration sur le mouvement associatif qui s'inscrit dans le prolongement de l'opposition, comment inverser ce rapport de force défavorable dont parlait Messaoud Babadji, et construire une société civile autrement plus percutante et qui agisse sur le Réel ' «Nous devons faire un travail de réseau, créer des synergies entre nos organisations, sortir du corporatisme», préconise Fouad Ouicher.«On doit travailler ensemble : jeunes, femmes, chômeurs, syndicats», appuie-t-il, avant de lancer : «On ne peut imaginer un pays se développer sans une société civile forte, autonome et libre.» Idir Achour du Conseil des lycées d'Algérie (CLA), considère, pour sa part, qu'il faut adopter une stratégie autrement plus radicale. «Je ne suis pas là pour appliquer la loi, mais pour changer les lois existantes», précise-t-il d'emblée. Selon lui, le changement n'est pas affaire de nombre.«Ce sont toujours les minorités agissantes qui font le changement par l'action», martèle-t-il. D'après son diagnostic, la société civile algérienne souffre de deux maux : «Elle est rentrée dans le moule de ??l'apparatchisme''. On est tous amoureux de nos sigles. On fait tout pour défendre l'appareil», dissèque le remuant syndicaliste.Deuxième faille : «Nous avons le complexe de la prise du pouvoir. On ne dit jamais : je veux prendre le pouvoir et imposer mes solutions. Or, le peuple ne te suit pas s'il voit que tu n'es pas prêt à aller jusqu'au bout de tes convictions.On doit se décomplexer par rapport à ça.» A la rubrique «solutions», Idir Achour recommande de «laisser le pouvoir agir sans médiation sociale dans la mesure où la médiation fait qu'on empêche ceux qui ont mal de réagir».Par ailleurs, il appelle à la fusion de tous les sigles dans un large mouvement social fédérateur. «Tout mouvement doit avoir le courage de se dissoudre en tant que sigle et aller vers un autre sigle qui va nous regrouper tous», conclut-il.
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Posté Le : 05/04/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mustapha Benfodil
Source : www.elwatan.com