Algérie

«On avance pour imposer à vie notre démocratie»


- 48 heures après le vendredi historique, quelles sont vos impressions '
L'important est que pendant un mois, notre peuple, avec toutes ses couleurs et catégories, est descendu dans la rue, a affronté à  mains nues la machine meurtrière du pouvoir policier et balayé son symbole, Ben Ali. Ce peuple, beaucoup croyaient qu'il avait perdu son âme et son intelligence et qu'il s'était résigné. Ce peuple a affronté le feu, donné des martyrs et chassé le symbole de celui qu'il l'a torturé et humilié.
Aujourd'hui, c'est un peuple fier. Les Tunisiens sont debout maintenant. On avancera avec nos comités de défense, avec notre fraternité dans les quartiers et avec nos enfants soldats de l'armée, pour rester dignes et imposer à  vie notre démocratie contre ceux qui prônaient la dictature à  vie.
- Qui est derrière les milices, à votre avis '
Elles sont composées essentiellement de membres du corps de la garde présidentielle dirigée par le général Ali Seriati. C'est un corps très lié à  la répression durant les deux décennies noires de Ben Ali et à  la corruption organisée par le pouvoir ripou. Représentant le noyau dur du pouvoir policier et, en même temps, elles sont liées au capital corrompu représenté essentiellement par les familles Trabelsi, Mabrouk, Ben Ali, etc.
- Dans quel but agissent-elles ainsi '
C'est en quelque sorte une tentative du régime instauré par Ben Ali de déstabiliser le mouvement qui s'inscrit aussi dans une politique de la terre brûlée. Derrière le pillage et les agressions, je sens comme une tentative de marchandage de la part des faucons du RCD et des autres corps de la police, qui savent qu'ils seront appelés à  rendre des comptes devant le peuple.
- Les islamistes ont-ils un poids dans ce mouvement pour pouvoir le récupérer '
Le mouvement du peuple tunisien qui a balayé le ripou Ben Ali est un mouvement d'essence sociale et démocratique, indépendant de tout parti politique. Son slogan principal est «travail, liberté et dignité». Il est clair que sur le plan politique, il n'y avait aucune jonction avec un programme intégriste, d'autant plus que Ennahda  non seulement n'était pas à  la tête du mouvement, mais sa présence était minime. Le mouvement était composé de jeunes et de moins jeunes, issus essentiellement de milieux populaires, avec une forte participation de dirigeants syndicalistes à  tendance sociale et démocratique. Il faut noter aussi la présence d'avocats, surtout les jeunes, et des militants de la société civile et des droits de l'homme. Les organisations féministes ont joué un grand rôle également, à  l'instar de l'Association des femmes démocrates, plaque tournante des réunions organisées par la société civile.
Si nous continuons sur la lancée sociale et démocratique du mouvement, en nous organisant autour d'une plateforme pour un changement populaire, composée par les dirigeants syndicalistes et des militants de la société civile, c'est là qu'il y aura un vrai barrage aux islamistes.
- Quels sont, d'après vous, les scénarios possibles dans les prochains jours '
Nous sommes entrés dans une période très dynamique sur le plan politique. D'un côté, le peuple en mouvement va continuer à  revendiquer ses droits sociaux et politiques et son droit à  une vie digne. D'un autre côté, les antagonistes politiques, y compris les restes du régime Ben Ali, vont tenter chacun de tirer vers lui. Les restes du parti unique et même le pouvoir policier vont chercher, par la terreur et même par des actes criminels, à  garder la main sur le peuple. Et je n'oublie pas les intégristes, notamment Ennahda de Ghannouchi, qui vont tenter de tirer un maximum de profits pour se replacer et tenter de se tailler une part du pouvoir.
 
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