Algérie

"On aurait aimé que les spécialistes soient consultés"



Une année après sa mise au placard, le projet de loi sur la santé sera prochainement soumis au Parlement. Qu'est-ce qui a été changé depuis' Les lacunes révélées à l'époque par les spécialistes ont-elles été prises en charge' Nous avons interrogé le docteur Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil national de l'Ordre des médecins qui nous fait un diagnostic de la situation. Appréciez- plutôt...L'Expression: La nouvelle loi sur la santé devrait bientôt être votée par les députés. Y a-t-il eu des améliorations par rapport à la mouture qui a été rendue publique l'année dernière'
Le docteur Mohamed Bekkat Berkani: D'abord il faut rappeler que l'adoption d'une nouvelle loi sanitaire est des plus urgentes après que la vieille loi de 1985 n'est plus adaptée à la réalité du terrain. Néanmoins, la loi sanitaire qui va être présentée au Parlement pour adoption, demeure incomplète. C'est le même projet de loi qui a été élaboré l'an dernier sans la consultation des spécialistes. Nous espérions vraiment que sa mise «au placard» soit une occasion pour lui apporter une seconde lecture avec la collaboration de tous les acteurs du domaine. Mais à notre grand regret, ce ne fut pas le cas. Les professionnels qui travaillent sur le terrain ont été écartés pour nous donner une loi élaborée entre quatre murs par deux ou trois personnes. Ce qui fait que les «lacunes» que nous avions déjà pointées du doigt à l'époque soient encore là!
Justement, queles sont les points négatifs que vous avez relevés'
Le texte proposé n'est pas complètement négatif. Je dirais même qu'il comporte beaucoup de points positifs à l'exemple de la décentralisation avec la création d'agences régionales de la santé pour la prise de décision locale ou encore la création du conseil national de la santé. Les idées sont donc bonnes. Mais il faut leur donner une liberté d'action. Si on les met sous tutelle directe du ministère de la Santé, on ne fera que créer des directions de la «santé-bis». Je déplore toutefois que le texte de loi n'ait pas prévu un organisme national de prévention contre certaines maladies telles que le cancer ou le diabète. Ces organismes de prévention permettraient de sauver beaucoup de vies et en même temps faire beaucoup au Trésor public. Je vous donne l'exemple de certains cancers qui peuvent être traités par la chirurgie s'ils sont précocement diagnostiqués. On évitera de lourds traitements aux patients qui coûtent très cher. Je regrette également la minimisation du rôle des conseils de l'Ordre médicaux. Les articles y afférents, ont été bâclés, minimisant leur rôle qui doit être non seulement celui de tribunaux pour les spécialistes mais également des forces de proposition.
Est-il alors question de la suppression des conseils de l'Ordre'
Non, non. On ne parle pas de leur suppression mais de la minimisation de leur rôle. Par exemple, il y a un article qui n'oblige pas les praticiens du secteur public à s'inscrire au conseil de l'Ordre, alors que l'obligation doit en principe concerner tous les médecins. Je dénonce aussi certaines dispositions de cette loi qui font d'elle plus un Code pénal pour les patriciens de la santé q'une loi sanitaire. Nous sommes dans un Etat de droit, la loi pénale est au-dessus de toutes les lois civiles. Par conséquent, on ne peut faire un Code pénal bis pour les médecins et autres patriciens de la santé. La médecine n'est pas une science exacte, le médecin n'est pas responsable des résultats, mais des dommages. S'il y a une erreur constatée, il sera condamné au niveau pénal. Il y a des lois pour cela.
Certains partis estiment qu'à travers cette loi, les autorités veulent mettre fin à la gratuité des soins. Que répondez-vous'
La gratuité des soins n'est pas remise en cause, mais il y a une reformulation de l'article qui traite de cette question. On passe de la «gratuité des soins» à «l'amélioration de l'accès aux soins». Il faut souligner que les finances actuelles du pays ne permettent plus au système de santé de fonctionner de la même façon. L'Etat doit impérativement compter ses sous. On est face à une crise financière mais aussi matérielle et surtout humaine. Pour la pérennité de notre système de santé les choses doivent changer. Il y a un problème de complémentarité entre la sécurité sociale et les établissements de santé. Je ne comprends toujours pas comment cet organisme stratégique pour tout le système sanitaire ne dépend pas du ministère de la Santé' Pourtant, il est impératif que les organismes de sécurité sociale puissent faire ce que l'on appelle la contractualisation dans les hôpitaux publics pour une utilisation appropriée et efficace des ressources financières.


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