Algérie

On a boudé l'Alliance, on a voté l'Entente



Tout le monde a perdu dans la journée de jeudi, les participants aux élections,le ministre de l'Intérieur, M. Saïd Bouchaïr, surveillant politique desélections, qui dénonce puis se rétracte... Seule l'Entente de Sétif a vraimentgagné.  C'est le message d'au moins lesdeux-tiers des Algériens qui se sont abstenus d'aller aux bureaux de vote,davantage si l'on ajoute ceux qui, pour des raisons diverses (plus de 900.000),y sont allés pour mettre des bulletins nuls. L'Algérie a tourné le dos àl'Alliance, elle a voté pour l'Entente. Quand on a entendu jeudi des klaxons etdes «on a gagné» dans la rue, ce n'était ni pour saluer la «victoire» du FLN,ni pour exprimer une allégresse civique, mais juste pour dire merci à uneéquipe de foot qui est allée à Amman, ramener la Coupe arabe. Les Algériensprennent-ils plus au sérieux le foot que les élections ? La réponse est «oui».Pourquoi ? La réponse est dans le foot: une compétition où il y a des règles,ou l'on peut perdre comme gagner, où l'on peut se préparer en attendant lematch décisif car les joueurs ont accès au terrain tout le long de l'année pours'entraîner. Bref, il y avait des possibilités réelles couplées à une grandeincertitude pour l'équipe de Sétif et c'est ce qui donne sa magie et sa gloireà la victoire. Quel rapport avec les élections ? Les règles toujours. Pourquoitant d'Algériens n'ont-ils pas daigné s'intéresser aux élections de jeudi, laréponse est qu'ils n'en attendent rien, qu'ils ne voient aucune compétitionsérieuse (contrairement au foot !) entre des partis qui disent la même chose enétant dans l'Alliance ou en faisant semblant de faire de l'opposition, que lescandidats politiques ne s'entraînent pas sur un terrain qui se ferme pendantlongtemps pour ne s'ouvrir que durant les intermèdes électoraux. Ainsi, si onapprend au fil des jours et des semaines à connaître les joueurs de l'Entente,les candidats qui viennent s'afficher une fois tous les cinq ans paraissentvenir de la lune... On pourrait continuer longtemps cette comparaison entrel'Entente réelle avec ses joueurs, ses supporteurs de toujours et sessupporters d'occasion (jeudi toute l'Algérie était sétifienne) et l'Alliance,fictive et lointaine...  Mais allons à l'essentiel: lesAlgériens dans leur majorité ne sont pas contre la politique (même le ministrede l'Intérieur est contraint de reconnaître leur maturité), ils sont contrel'ersatz de politique que le système leur offre. Ils veulent de vrais matchsavec des équipes clairement constituées et avec de vrais enjeux et non desélections qui ne changent rien et qui servent à entretenir le statu quo.  Effet bulle Cette gigantesqueabstention, qu'il ne sert à rien de comparer avec celles qui ont lieu auxEtats-Unis ou en Italie, est un message au système en place: cessezd'infantiliser les Algériens, ils sont en avance. Ils sont demandeurs de ladémocratie pas de sa contrefaçon; ils ont clairement saisi qu'un scrutinpouvait être techniquement correct (encore que la lettre de Bouchaïr au chef del'Etat a semé le doute), mais que cela ne signifie pas que l'on est endémocratie. L'abstention, c'est tout simplement l'Algérie qui refuse de secontenter de la façade. Ceux qui ont, de manière inconsidérée, essayé de créerune concomitance entre le scrutin de jeudi et le rejet du terrorisme n'ont paspris la mesure d'une société qui observe avec effroi les turpitudes d'unsystème de fonctionnement inefficace qui a donné naissance à l'affaire Khalifaet à tant d'autres...  Il fallait en effet vivre dansune bulle pour ne pas avoir saisi que les révélations, même cadrées, du procèsKhalifa mettaient en cause l'ensemble du système. Il faut être toujours dans unbulle pour ne pas saisir que les Algériens ont, de manière pacifique etcivilisée, sans envahissement du terrain, pour rester dans les catégoriesfootballistiques, dit qu'ils veulent un changement de système politique. Qu'ilsveulent que la politique, au sens réel du terme et non cet ersatz qu'on leurimpose, reprenne sa place et qu'elle s'intéresse aux problèmes des Algériens aulieu de s'occuper de ceux du système. Qu'ils sont plus mûrs que le régime.C'est pour tout cela que la majorité des Algériens a signifié au système enplace son refus d'assister au match électoral en lui préférant onze gars deshauts plateaux engagés dans une compétition où ils pouvaient perdre et où ilsont crânement gagné...


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