L'école coloniale
en Algérie représentait fidèlement l'image de l'indigénat, dans toutes ses
dimensions complexant et amoindrissant l'esprit critique, à telle enseigne que
ses maîtres positionnaient les places des élèves selon un ordonnancement de
rangées de tables bien définies d'avance et qu'ils instauraient à partir de
critères de favoritisme flagrant, une ambiance de craintes, diminuant la
capacité d'assimilation des leçons par les «indigènes», leur permettant de
juger injustement et sans états d'âme des résultats scolaires des élèves et,
subséquemment, de leur avenir existentiel.
Le tout, à partir
d'un système de «valeurs» coloniales bien incrustées, par la force des choses,
dans les esprits des uns et des autres, en paroles, actes et comportements
mortifiants ; alors que celles symbolisant la république française définies en
liberté, égalité, fraternité, étaient censées s'appliquer sans discrimination
pour tous puisque elles étaient apprises, par les «indigènes», dans ladite
école et qu'elles ornaient les frontons de certains établissements scolaires.
En réalité, un leurre abject. Et c'est à
partir de cet ordre de valeurs ainsi trompeur, car de typicité coloniale
faut-il le souligner, qu'il puisait profondément sa nature ségrégationniste,
dégradante et inhumaine, malgré les quelques bonnes volontés d'enseignants
français altruistes mais totalement isolés voire considérés, par les ultracolonialistes,
comme des imbéciles et autres pestiférés.
Pour la plupart des scolarisés, ils en
deviennent carrément des cancres avant la fin du cycle primaire ainsi figé
volontairement par une pédagogie abrutissante à l'image d'autres joyeusetés
telle que: «Omar, va à l'école», comme s'il s'agissait d'aller vers la lune,
répété à haute voix matin et soir, en début de scolarité, jusqu'à l'hébétement
voire le crétinisme ; ou encore de recopier à titre de punition souvent
expéditive, cent fois et même plus en fin de cycle primaire l'automutilation
suivante: «je suis un âne», entre autres jolies phrases suggestives
psychologiquement, avec tous les refoulements, en la matière, et impacts
négatifs à long terme sur les caractères ainsi poinçonnés à jamais. Pourtant,
elle avait formé quelques avocats, médecins..., d'extraction caïdale et
assimilés mais ils restent, pour leur plupart, bornés et destinés à obéir les
yeux fermés et douter de leur identité même avec cependant, il faut bien le
reconnaître, quelques exceptions qui ont échappé à cet aplatissement sordide de
la personnalité. Cette typologie caractérielle, nous a été prouvée en maintes
occasions avant et après l'indépendance. Brutalement ! En vérité, cette école a
surtout produit beaucoup de traînards, conditionnés dans cette voie malgré eux,
qui iront grossir, ainsi, les cohortes de déclassés dans les champs aussi bien
agricoles - considérés comme bêtes de trait dans certaines régions du pays -
que de batailles au cours des deux guerres mondiales et régionales du siècle
passé, en tant que chairs à canon ! Cependant, cela avait engendré
paradoxalement une certaine prise de conscience, suivie d'une majestueuse
révolution déclenchée par une génération hors du commun, à l'encontre de cette
damnation telle que définie par le martyr de la liberté: le docteur Frantz
Fanon.
Après
l'indépendance, et dans la foulée de quelques amendements opérés sur les
programmes scolaires de ladite école dans ses différents paliers, et ce, dans
le cadre de la réforme inscrite dans le ténébreux plan de Constantine aux
multiples impacts néfastes car de nature pavlovienne ; le pays se retrouvait en
face à des problèmes et défigurations touchant à partir de la fleur d'âge les
générations d'indépendance, devenues ensuite des traits caractéristiques de
ceux d'adultes dirigeants, dans tous les domaines, avec leurs méfaits et
«bienfaits» ainsi que de soumission aveugle au nouveau diktat d'un certain
paternalisme borné, autiste, et désuet mais pratiqué à ce jour sous d'autres
aspects.
Alors, durant des décennies, deux conceptions
des choses vont s'entrechoquer: l'une considérant la langue française comme un
butin de guerre - dixit le défunt homme de lettres Kateb Yacine - à l'image de
notre belle Mitidja, entre autres fleurons, bâtie par les mains noircies à
cause du dur labeur fourni par nos ancêtres sous la supervision des pieds-noirs
accaparant les meilleures terres et aliénant massivement la population
autochtone rejetée sur les ingrates. Tandis que l'autre vision, elle aspirait à
restaurer celle qui avait régné, plus d'un millénaire, sur la terre d'Algérie
et constituait l'un des fondements de la personnalité nationale revendiquée,
d'ailleurs, par la révolution novembriste.
En effet, l'appel
du 1er novembre 1954 est, d'essence, libérateur de tout joug de quelque nature
que ce soit. Y compris culturel. C'est cet état d'esprit qui a fait sa force
par l'union de valeurs humaines aussi bien acquises dans le feu du combat
libérateur, que reconquises par l'établissement d'un Etat républicain ouvert
sur son temps. Valeurs apurées, bien évidemment, des survivances et influences
colonialistes négativistes et autres mystifications zaouistes rétrogrades
embrigadant, à tour de bras, des prédisposés au fatalisme et donc au fanatisme
voire le renfermement extrémiste sur soi pour les uns, de gains bien terrestres
pour les autres gourous de tous ordres.
Malheureusement, ce dernier état d'esprit
ressurgit de plus belle de nos jours car encouragé par les ténébreux ennemis de
la clairvoyance, et ce, malgré des débats contradictoires et argumentés,
formels et informels ainsi que des «réformes» malheureusement souvent déviées
par l'obscurantisme déformant le sens même de l'objectif visé, et ce, depuis
1962. Hélas, tous ces efforts n'ont engendré donc que peu de choses en termes
de grandes idées réformatrices courageuses et mises en mouvement
rationnellement, dans la durée, assainissant ce double comportement absurde qui
n'a que trop sévi.
Pire encore, l'on constate dans l'état actuel
des choses que chaque individu, groupes d'intérêts, se sentant menacés ou
déchus de son piédestal, se retrouvant en face d'une adversité souvent
personnifiée, à tort, en ennemie culturelle, de langue..., fait appel à la
solidarité de ses semblables qui sont, de surcroît, ligués dans un cadre de
partisanerie bornée et liée aux ambitions inavouées fréquentant le dogmatique
et les bas intérêts immoraux dont la filouterie politicienne brouillant tout
sur son passage. C'est-à-dire acquérir et s'accrocher, bec et ongles, au
pouvoir, générateur d'intérêts multiples et de position sociale liée, par
toutes sortes de manoeuvres abjectes dont le bulletin de vote traficoté, les
courbettes d'allégeance jusqu'au dégoût des braves gens.
Que des complexés qui, d'une parole et acte
irréfléchi à d'autres, ne font pas seulement de la peine, mais nuisent
sérieusement à la cohésion sociale déjà au sommet de la désagrégation à cause
d'un développement humain non réfléchi rationnellement en face à des enjeux
nationaux et mondiaux bannissant le nombrilisme culturel lié au maraboutisme et
de l'a-peu-près. Un ensemble étouffant l'esprit critique. Ce qui est sidérant,
c'est à partir de quelle assise - permissivité - ces gens-là se donnent libre
cours à leurs lubies sacrifiant, à l'autel de la gabegie, des millions de
jeunes innocents ? Oui, d'où ? Et jusqu'à quand ? Pour le moment, des
opportunistes d'ici et d'ailleurs ont compris ces «étrangetés» et les
exploitent à merveille pour leur profit bien évidemment !
Malgré ces
anomalies récurrentes, citées plus haut, le nombre d'instruits ne cesse de
grandir au fil du temps mais dans un état d'esprit d'indigence intellectuelle
et de tempérament démobilisant, et ravivant les deux syndromes complexant,
parmi d'autres, ci-dessus mentionnés, au début de notre contribution, avec des
manifestations différentes, certes, mais plus dangereuses et touchant de larges
pans d'étudiants et étudiantes à tous les niveaux, et ce, malgré la soi-disant
démocratisation du savoir ainsi prônée mais, hélas, butant au niveau supérieur
de l'enseignement sur toutes sortes d'impasses dont les sorties de promotions
de cadres démotivés car souvent, faut-il le souligner, formées sans être
aiguillonnées afin d'acquérir, dès l'école primaire, l'esprit d'imagination
recentré en autonomisation décisionnelle bâtie sur le revendicatif existentiel
rationnel.
Plus de 25% de la population algérienne ont
regagné cette semaine les bancs d'écoles - dont des centaines de mille pour la
première fois - collèges, lycées. Une actualité chargée de significations
profondes et d'espoirs, pour des meilleurs lendemains, cultivés par les
millions de familles humbles faisant d'immenses sacrifices, à chaque rentrée et
tout au long de l'année scolaire, aussi bien financiers que de temps et
éducationnels.
En d'autres
termes, l'espoir réside dans l'apparition massive de fortes personnalités
professorales et estudiantines intergénérationnelles fondatrices d'élites
d'avenir, génératrices d'un enseignement laborieux et efficace lié au bien-être
socioculturel de la population. En effet, le grand danger menaçant notre
jeunesse, dans son ensemble, c'est celui de l'assèchement de cet état d'esprit
pourtant encouragé dans d'autres pays, les conduisant ainsi à plus de progrès
humain. Aujourd'hui, pour le motif d'une soi-disant qualité, certes profitable
à plus d'un titre, mais justifiant certaines lacunes des méthodes
d'enseignement en vigueur et, donc, sans objectifs clairs pour le développement
multivalent du pays, l'on assiste à une charcuterie «popularisée» insidieusement,
comme une fatalité, à tous les niveaux notamment en début et fin de parcours
universitaire, et ce, malgré tous les débouchés en présence insuffisants,
certes, mais pourraient constituer un piédestal à d'autres plus conséquents.
D'après un sondage effectué, l'année
précédente, par le CREAD au sein des jeunes, il ressort que près de 70% des
consultés dans les deux sexes ne font aucune illusion sur l'issue de leur
parcours éducationnel et, encore moins, sur celui professionnel. Un indicateur
des plus inquiétants ! En principe, les enjeux majeurs de ce siècle seraient
assurément d'ordre de développement humain en terme culturel dans le sens
élargi du terme, en plus des menaces naturelles et existentielles, de toutes
sortes, se profilant aux horizons pour les retardataires. Par conséquent
l'éducation de la jeunesse serait le creuset déterminant dans lequel
s'affronteront ces défis d'une façon accentuée que par le passé.
Un ministre aussi ancien dans le secteur,
d'autant plus que ses connaissances, en la matière, sont établies de par son
expérience, ne devrait pas hésiter à promouvoir - ou du moins proposer avec
panache sinon démissionner le cas échéant comme l'avait fait un de ses
prédécesseurs - une réforme de fond en comble de la mission combien noble dont
il a la charge. De longues années d'expériences dans le département du savoir,
c'est historique pour un «responsable politique», d'autant plus qu'il a reconnu
que: «l'école était sinistrée et qu'aujourd'hui elle est devenue classique»
(1). Alors qu'il finisse sa carrière dans l'apothéose. Et qu'on finisse enfin,
nous aussi, avec les derniers soubresauts d'une école formant de plus en plus
des cancres et autres écervelés avec ou sans bac voire de niveau universitaire.
Pourtant des sommités sont issues de cette dernière notamment pour ceux qui ont
migré ailleurs trouvant ainsi une autre ambiance totalement différente de celle
des laudateurs dans le sens complet et «dénudé» du terme !
C'est là où se trouve la priorité des
priorités du pays et de son avenir, et non à comment investir rapidement
l'argent issu des hydrocarbures, et autres chinoiseries d'immédiateté
conjoncturelle voire politicienne et clientéliste car à quoi sert de construire
des cités habitées par des déclassés et des exclus de ladite école et de la
société en général ? Les différentes instances de l'Etat le savent, le
déplorent et qu'elles aspirent, malgré tout, à faire changer les choses du
simple fait que ce secteur, prioritaire en tout point de vue, absorbe plus de
40% du budget de l'Etat pour des résultats mitigés traduits, clairement, en
chiffres et impacts souvent authentifiés voire avoués par ledit secteur.
En effet, l'école ne s'apprécie pas seulement
en battisses architecturales impressionnantes, de programmes éducationnels
alourdis par des phraséologies et images rafistolées, d'horaires allongés
jusqu'à l'hébétude aussi bien du corps enseignant que des élèves, ou bien en
cohortes d'enseignants fussent-ils licenciés, etc. mais bel et bien par une
volonté, émanant de tous les niveaux de la société afin d'inculquer le sens
persuasif et critiquant, au sein des étudiants, dès les premiers paliers de
l'enseignement général relevé ensuite judicieusement au niveau universitaire.
Enfin, il est grand temps d'enclencher une
démocratisation du savoir lié à la liberté de pensée et d'expression
revendicative et constructive au sein des jeunes dans leur ensemble. En fait,
il s'agit de tout un programme, multidimensionnel, qui reste à imaginer avec
pertinence tout en tenant compte des leçons du passé et des enjeux internes et
externes de demain. Ceux-ci seraient totalement opposés à ceux qui ont présidé
à ce jour l'école et prendraient fatalement le dessus sur ceux-la mêmes faisant
le lit à l'obscurantisme et autres extrémismes bornés. Par contre, le savoir a
horreur du vide et de la pénombre. Il est le chemin menant vers la lumière !
Notes:
(1) Propos
rapportés par El Watan du 13 septembre 2009
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Posté Le : 17/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Brahimi
Source : www.lequotidien-oran.com