Algérie

Omar Demouche, président de la Chambre de l'agriculture de Bouira, à L'Expression «L'année céréalière n'est pas compromise»



Omar Demouche, président de la Chambre de l'agriculture de Bouira, à L'Expression «L'année céréalière n'est pas compromise»
Publié le 09.02.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par Ali Douidi

Devant l'ampleur de la tension régnant depuis quelque temps sur la filière lait et les craintes qu'elle suscite chez le consommateur, nous avons sollicité le président de la Chambre de l'agriculture, Omar Demouche, pour en savoir un peu plus sur cette crise. Il en parle à L'Expression.
L'Expression: Monsieur le Président, vous n'êtes pas sans savoir que la situation qui prévaut au niveau de la filière lait est grave et qu'elle a rendu le sachet de lait, un produit subventionné par l'État, quasi introuvable sur le marché. Comment expliquez-vous cette pénurie qui persiste depuis quelques semaines?
Omar Demouche: Cette situation a son origine dans la sécheresse qui sévit depuis quatre ans dans notre pays. Les champs et les près fournissent moins de fourrage. Ce qui a influé sur la production de ce produit alimentaire de première nécessité. Mais l'État qui est informé de cette situation a pris les mesures nécessaires et celle-ci se stabilise déjà.
Quelles sont ces mesures? Et de quand datent-elles?
Ces mesures sont nouvelles, la crise étant elle-même nouvelle. Elles sont entrées en vigueur depuis un an. Et elles sont de deux sortes: l'achat de ces boules de foin qu'on appelle je crois encyclage qui sont vendues par les producteurs.
La contribution de l'État à cet effort est de 5000 DA. Cette amélioration de la nourriture du bétail va dans le sens de l'amélioration de la production. La seconde mesure, concerne cette production. L'État consacre sous forme de soutien une importante enveloppe pour l'achat de l'aliment concentré entrant dans la composition du lait que nous consommons. Les producteurs (fabricants) n'ont besoin pour accéder à ce soutien que d'une simple autorisation auprès de l'Onab. Ces deux importantes mesures ont largement contribué à la stabilisation de la situation dans cette filière. Il est temps, car les ménages pallient le manque de ce produit de première nécessité par l'achat du lait en boite comme Candia qui fait cinq fois le prix de du sachet de lait.
Où en est-on de ce projet de création d'une usine Giplait à Haïzer si nos souvenirs sont bons? Cela devrait couvrir les besoins de toute la population en matière d'approvisionnement de ce produit..
Vous vous en souvenez? Il était en effet question de réaliser une usine de Giplait. Depuis, le projet a beaucoup avancé. Il sera bientôt mis en service. Je pense, dans deux mois, si aucun obstacle ne vient entraver la mise en service. Alors, oui, ce sera la fin de toute pénurie de ce genre. Mais vous savez que la sécheresse n'a pas eu que des conséquences négatives sur cette filière. Il y en a d'autres qu'elle a impactées tout aussi fortement.
Vous pensez à la céréaliculture? Avouez que la situation est tout aussi préoccupante...
Je ne le nie pas. Mais elle est loin d'être ce que l'on pourrait croire. Les dernières précipitations nous ont tirés de ce mauvais pas. Certes, le déficit en pluie reste important. Il s'estime autour de 400 mm, mais, l'année n'est pas pour autant compromise. Une bonne pluviométrie, bien répartie entre mars et avril pourrait définitivement renverser la donne. Il est vrai qu'en raison de ce stress hydrique, le rendement à l'hectare est passé de 25 à 17 quintaux. Mais, moi, ce qui me frappe surtout, ce sont les cultures maraîchères. La superficie qui leur est réservée ne cesse, à la manière d'une peau de chagrin, de se rétrécir. Par suite de cette sécheresse, devenue chronique depuis qu'elle a commencé en 2018, de 5000 ha, le maraîchage dans notre wilaya est retombé à 2000 ha. D'où la volatilité des prix des légumes.
Vous avez parlé de filières. Faut-il inclure aussi l'oléiculture? Jusque-là, la production n'a pas connu de contraintes notables liées à ce stress hydrique que vous évoquez et qui met à mal la filière laitière et la filière céréalière.
Détrompez-vous. Quand ce fléau du ciel frappe, il n'épargne aucune partie de ce secteur vital de notre économie. La production oléicole subit de plein fouet les effets de cette sécheresse. Elle a baissé de près de la moitié. De 22 litres par quintal elle est ramenée à 12.
Tout est donc lié. On a un climat trop sec qui réduit la pluviométrie à la portion congrue et assèche les nappes phréatiques, et c'est une cascade de soucis qui s'abat sur la tête de l'agriculteur qui n'en peut mais...
Et même de l'éleveur. Savez-vous que l'élevage bovin et ovin peine à décoller malgré les encouragements consentis? Comment voulez-vous que les prix des produits restent stables quand notre climat est si instable? Evidemment, il y a des efforts, de par et d'autre. Il y a l'agriculteur, de quelque statut qu'il se revendique, qui espère et travaille. Il y a l'État qui voit ces efforts et tient compte des conditions climatiques en intervenant ponctuellement pour corriger sa trajectoire, laquelle, comme chacun sait, ce qu'elle comporte de défectueux, et dans l'ensemble, tout se passe assez bien, même dans les pires moments comme celui-ci.
Parlons un peu des engrais et des produits phytosanitaires, qui sont des produits subventionnés eux aussi par l'État et qui influent considérablement sur la productivité dans les différentes filières.
Evidemment. Les engrais sont si importants dans le parcours technique de l'agriculteur qui commence avec la campagne labour-semailles et s'achève avec celle de la moisson. Et les autorités concernées, lors de la dernière campagne agricole, ont eu beau jeu d'insister sur le suivi pendant tout ce parcours. L'utilisation à bon escient des engrais et des phytosanitaires, pour rendre une terre plus féconde et lutter contre les mauvaises herbes et les maladies cryptogamiques est indispensable, car, ces atouts mis à la disposition de nos agriculteurs pour arriver à bon port, comme on dit. Il n'y a pas que la sécheresse qui soit un facteur défavorable. Une connaissance de la terre est nécessaire pour réussir une bonne année agricole. C'est en fonction de cette connaissance si essentielle que se reconnaît le vrai professionnel par rapport à l'amateur.
Une agriculture moderne passe obligatoirement par une vraie professionnalisation.
Effectivement. Et c'est sur quoi insistent tant les responsables du secteur. Un vrai professionnel est celui dont le métier n'a aucun secret. C'est pourquoi l'objectif pour l'État a toujours été d'investir dans les ressources humaines dans tous les domaines. La modernisation du secteur, après sa mécanisation, passe par là.
Nous avons évoqué le volet des engrais. Les agriculteurs disposent-ils de toutes les facilités pour s'approvisionner en ces intrants? Certaines années ont été marquées par certaines difficultés.
ll y a la question de la cherté. Les engrais coûtent cher, cela, on ne saurait l'occulter. Mais encore une fois, l'État veille au grain et met la main à la poche. Nous avons deux sortes d'engrais. L'engrais de couverture et l'engrais de fond. Le premier et le seul fournisseur de l'engrais de couverture est la Russie. Et pour ce fournisseur, nous n'avons aucun problème. Mais il y a l'autre, l'engrais de fond. Et celui-là, les choses ne sont pas aussi simples. Il nous vient du Maroc.
Nous ne pouvons pas le fabriquer chez nous?
Il contient du soufre. À cause de cela, il est fabriqué là-bas.
Et les produits phytosanitaires? Ils doivent eux aussi être importés comme les engrais.
-Oui, hélas. Ce qui explique leur cherté aussi. Ils nous viennent d'Allemagne, d'Espagne, de Suisse et de Chine, surtout de Chine. À cause du transport, leur prix de revient, ils sont chers. Mais, heureusement, l'État est présent et intervient comme pour les engrais pour en atténuer la cherté.



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