Publié le 05.02.2024 dans le Quotidien l’Expression
L'Expression: (En voiture avec le poète venu nous chercher à l'ancien siège d'APC pour nous rendre au nouveau.) Vous avez remarqué dans quel état est l'ancien siège. Que va-t-on en faire?
Omar Boudjarda: Un musée, probablement. Le désordre que vous avez remarqué est consécutif à l'opération de réhabilitation qu'il subit. Demain, il sera comme neuf. C'est-à-dire comme au temps où, en 1887, il a été construit et conçu pour être un hôtel de ville.
Ce qui veut dire en clair que même si l'Assemblée populaire voudrait revenir ici, elle ne pourrait pas? Quel dommage, un si beau monument.
Raison de plus pour en faire un musée. Il pourrait, en l'occurrence, veiller sur toutes ces pierres et leurs inscriptions romaines, mais assurer aussi sa propre protection.
Ainsi, pourra-t-il conserver son architecture, ses moulures et sa couronne ducale frappées des Armes du duc d'Aumale, dont naguère la ville de Sour El Ghozlane tirait orgueil.
Tout à l'heure, avant que vous veniez m'y retrouver, j'ai visité le chantier, tout couvert de gravats et de poussière et j'ai vu un petit placard sur la porte en bois massif. Il y est écrit que le duc a visité une fois le lieu. Le savez-vous?
C'est en effet vrai. C'est même une des choses si anciennes dont la ville se glorifie.
La ville, comme tu peux voir, est riche d'un passé antique. Il y a eu les Romains qui ont laissé ces pierres, puis les Turcs, qui n'ont rien laissé, puis les Arabes auxquels on doit cette belle mosquée, à gauche de la porte d'Alger et enfin, ces magnifiques bâtiments datant de l'époque coloniale, comme l'ancien hôtel de ville, le siège de la daïra, devenu le nouveau siège d'APC, l'hôpital ou la caserne.
(Et lorsque nous sommes reçus au bureau du P'APC par les deux vice-présidents Ziani et Aoudi, la conversation roulant toujours dans la même direction) On dit que ce n'est pas la seule grande personnalité politique à avoir visité la ville.
(Notre interlocuteur): Non, il y a eu aussi De Gaulle. Il a passé la nuit ici en 1958. En ce temps, la daïra était une sous-préfecture qui s'étendait jusqu'à Médéa. Maison Rouge qui était général aussi et qui, à ce titre, était chargé de la conduite des opérations militaires dans la région, rapporte dans ses Mémoires, la conversation avec le Président français, alors que le général quittait Sour El Ghozlane. «Avec tous les moyens que vous avez, vous n'avez pas réussi à mater la Rébellion», s'était emporté le grand homme. Et le général de Maison Rouge recevait peu après un blâme. Nulle part, la résistance n'était plus forte qu'ici.
Regardez ces hautes murailles, dont nous sommes si fiers. C'est un des moyens mis à la disposition de l'occupant pour se protéger des insurgés. Mais apparemment cela n'a pas suffi.
À propos de vestiges...qu'avez-vous fait pour leur conservation...Surtout pour ces pierres de granit, laissées dehors sous la pluie, le vent, la chaleur et la poussière?
Nous avons fait plus de choses que l'on ne pourrait croire. La muraille circulaire qui fait 3 km de long, les trois portes, celle de Boussaâda, de Sétif, d'Alger et de Médéa, la chambre de Slama, toutes ont été restaurées. L'association porte 37 projets de ce type et d'autres, car il y avait et il y a encore tant à faire ici et ailleurs, comme le théâtre ou la poudrière, près de la porte de Médéa, à réhabiliter. Reste, enfin, ces pierres, dont tu parles. Nous pensons nous en occuper dès que le musée s'ouvrira. Il faudra pour cela faire des démarches. Le wali est d'accord. C'est déjà bon signe.
L'association s'est pourtant fait connaître grâce à son festival sur Auzia. Comment se fait-il que tout à coup, on n'en entende plus parler?
C'est une question de moyens. L'association, depuis sa création en 2002 n'a pas bénéficié de la moindre subvention. Quand nous organisons un festival, nous sommes obligés de mettre la main à la poche. En 2022, si nous n'avons pas manqué ce rendez-vous, c'est grâce à la générosité de l'APW qui a pris en charge le volet financier de ce festival. L'année 2023, notre trésorerie étant à sec, le festival n'a pu avoir lieu. Nous avons l'espoir cette année que le ministère de la Culture auquel nous avons l'habitude de nous adresser sera plus attentif à notre demande.
Vous avez évoqué une fois, la possibilité pour l'association, de prendre financièrement en charge la publication de manuscrits.
C'est un des 37 projets conçus par notre association. Le patrimoine culturel immatériel nous importe tout autant que le reste. Nous n'avons pas envie de passer à côté d'un manuscrit et le laisser retourner au néant dont il est sorti. Surtout quand il s'agit d'un bon manuscrit.
Comme ces pierres qui dorment à côté de nous, en ce moment avec leur secret, juste parce qu'il est dans une langue que nous ne parlons pas.
Juste parce que les fonds manquent. Avec un peu d'argent, on peut fait appel à un bon traducteur et les pierres livreront leur secret, je vous garantis.
Ce colloque consacré à la poésie sur la Palestine est une très bonne idée. Comment avez-vous été amené à y penser?
Le sujet est brûlant d'actualité. Ghaza vit une tragédie. Des femmes et des enfants meurent tous les jours sous les bombes et les missiles israéliens. Ne pas y penser serait monstrueux. Et puis, il y a ce professeur palestinien que tout le monde connaît ici. Et pas seulement parce qu'il a été un bon prof et formé de bons élèves. Mais parce qu'il est un bon poète et un bon militant pour la cause de son pays. En l'honorant, nous pensons honorer ainsi toute la Palestine qui a grand besoin de notre soutien, même moral.
Vous allez honorer aussi Kaddour M'Hamnsadji, un grand écrivain de chez nous.
Naturellement. Son nom figure en tête de notre liste. Il est dans nos coeurs et dans nos pensées. Son oeuvre qui est impérissable le sauve de l'oubli par- delà le temps.
Ali DOUIDI
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Posté Le : 06/02/2024
Posté par : rachids