Algérie

Odes à ma patrie ou le rêve blessé, de Chérif Megueddem : La geste de l'imprescriptible



Le fait d'oublier ou d'effacer un crime gigantesque contre l'humanité est un nouveau crime contre le genre humain, et c'est là justement où l'invocation du pardon s'avère contradictoire et des plus absurdes. Ainsi, l'offensive révisionniste, les tentatives de banalisation historique du crime, le retour, ces dernières années, aux procédures politiques du silence et du verrou d'une réconciliation moribonde montrent, entre autres, des signes alarmants que nous n'en avons pas fini avec le « crime insondable » perpétré par les islamistes, ces obscurantistes et monstrueux sicaires. Aussi, l'exigence morale doit-elle rejoindre la clairvoyance politique, ou sinon, elle restera encline à produire indéfiniment, l'altérité, l'irrégularité suprême. Et c'est ce que ces odes élégiaques entendent aussi nous faire comprendre. Plus encore, elles nous montrent qu'il en va ultimement du sens que nous voulons donner à notre histoire, laquelle n'est pas séparable de notre responsabilité permanente à l'égard des victimes. Devoir de mémoire donc, face à une tentative d'idéologisation qui renvoie dos à dos « la haine inexpiée des uns, qui jouissent de l'impunité, et l'innocente terreur des victimes et la déchirante souffrance de leurs proches ».Chérif Megueddem, en médersien aguerri aux fourches caudines et machiavéliques d'un système en déconfiture, ne nous donne aucune explication, ne concède aucune réduction, mais nous dirige droit vers une conclusion qui n'apporte pas de dénouement, mais signale, à juste titre d'ailleurs, l'absence de dénouement même ; n'est-ce pas un retour au silence assourdissant de la mémoire, en ce sens que ses odes sont une complainte douloureuse, à l'accent émouvant, mettant à nu une incommensurable mutilation ' Chronologie de l'horreur qui, précisément ici, n'est nullement inexprimable car l'auteur, en son âme et conscience, et de son plein gré, l'aura décidé. Il réagit au quart de tour et au moindre bruissement de cette horrible actualité, consignant les faits mais surtout les méfaits majeurs qui ont jalonné l'écoulement de celle-ci, plus d'une décennie durant.D'autre part, la rhétorique du discours poétique de l'auteur présente, à notre sens, une pensée critique en mouvement qui séduit par sa rigueur même, tant elle n'accorde aucune prise à un quelconque nihilisme. Elle affiche, face au retentissant branle-bas des valeurs qui fait que « la raison d'Etat bafoue la justice, absout les crimes et négocie la loi, justifie la terreur en invoquant le droit et finit par installer la haine, le mépris mais surtout l'injustice », une mémoire toujours vive des sacrifices consentis par ces jeunes policiers, gendarmes et militaires trucidés au coin de la rue. Mais encore des enfants sauvagement égorgés sur une route qui ne devait pas finir en impasse, des journalistes pointés du doigt, du fusil et même d'un article de loi. En foi de quoi, l'ouvrage de Chérif Megueddem promet aux lecteurs beaucoup d'émoi, il a été pour le moment « artisanalement » imprimé à ses frais en un nombre réduit d'exemplaires.


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