En dépit d'un
contexte postélectoral troublé, le président Mahmoud Ahmadinejad a participé au
sommet sur la sécurité régionale de l'Organisation de Coopération de Shanghai
(OCS) en Russie.
Arrivé à
Ekaterinbourg mardi dernier, les chefs d'Etat membres de l'OCS ont accueilli
Mahmoud Ahmadinejad en tant que nouveau président élu de la République
islamique d'Iran. La participation iranienne au sommet de l'OCS traduit bien
l'importance croissante d'une organisation dont l'existence même est une remise
en cause de l'unipolarité américaine. L'Organisation de coopération de Shanghai
créée en 2001, regroupe la Russie, la Chine et quatre anciennes républiques
soviétiques d'Asie centrale. L'Iran y occupe un statut d'observateur tout comme
l'Inde, le Pakistan et l'Afghanistan.
A l'origine, les
fondateurs de l'OCS souhaitaient atténuer les tensions entre les Etats membres
en oeuvrant à la réduction des forces militaires aux frontières et en
garantissant l'intangibilité de ces dernières. Mais, très naturellement, l'OCS
est devenue un forum politique alternatif à l'ordre américain, unipolaire et
hégémonique. Les déploiements stratégiques américains directs ou sous couvert
de l'OTAN, au Moyen-Orient, en Asie Centrale et dans le Caucase inquiètent ce
groupe de pays qui regroupe 42 % de la population mondiale. Cette fois-ci,
c'est sous les sombres auspices de la crise économique globale que se sont
déroulés les travaux du sommet en Russie. Le président Medvedev a ainsi mis en
exergue le caractère structurellement instable d'un ordre mondial dominé par un
centre d'hyperconsommation, soutenu par l'endettement extérieur et disposant du
privilège exorbitant de battre monnaie à sa convenance. La mise en cause
directe des Etats-Unis est l'expression d'un consensus réel, notamment entre
Russes et Chinois, sur la nécessité de sortir, avec le moins de dégâts
possibles, du cercle vicieux de la dollarisation de l'économie mondiale.
L'ordre actuel contraint affectivement les partenaires des Etats-Unis à
soutenir le dollar de crainte que l'effondrement de l'économie américaine
n'entraine la disparition d'une partie substantielle de leurs réserves
libellées en dollars et constituées pour une large part de bons du Trésor US.
OCS et BRIC
Il est significatif
que la fin des travaux de l'OCS ait été suivie d'une réunion des BRIC. La
Russie, l'Inde et la Chine, participant à l'OCS, ont été rejoint par le Brésil
dans une séance de travail consacrée à la crise mondiale. L'idée de la création
d'une monnaie de réserve internationale alternative, défendue par la Russie et
la Chine, ne figure pas dans le communiqué final du groupe des BRIC. Les
membres de ce groupe ne souhaitent pas, à ce stade, provoquer des remous
susceptibles d'affecter des marchés qui restent, dans les meilleurs des cas,
convalescents. Mais dans sa déclaration finale lue en présence des chefs
d'Etat, le président Medvedev a annoncé que des travaux coordonnés au niveau
des experts - les dirigeants des banques centrales - seraient centrés sur la
diversification du système monétaire international. Les Russes ont également
appelé à la création d'un fonds d'épargne multilatéral où une partie des
réserves de change des BRIC serait consacrée à l'achat d'obligation d'Etat des
pays membres. La Russie achetant, par exemple, des obligations brésiliennes,
indiennes ou chinoises. La proposition, qui a porté un coup au billet vert sur
le marché international, n'a pas été publiquement relayée par les autres pays
membres qui ont néanmoins fait savoir, c'est le cas de la Chine, qu'ils
investiraient dans les émissions multilatérales du FMI. En appuyant la position
de l'OCS sur un ordre mondial plus juste, les BRIC revendiquent une influence à
la mesure de leur poids dans l'économie mondiale. Cette position, réaffirmée
avec force à Ekaterinbourg, illustre une certaine impatience face à la
répartition des pouvoirs dans les structures internationales, du FMI au G20 en
passant par l'OMC, qui fait la part trop belle à des pays à l'origine de la
crise et dont la réalité économique ne justifie plus leur domination sur ces
institutions.
Dollar et
militarisme
La grande
prudence dans la formulation des communiqués, attribuée par les médias
occidentaux à des divergences de vue entre Chinois et Russes, illustre l'importance
des enjeux. L'approche « monétaire » graduelle adoptée par les membres de l'OCS
rejoints par le Brésil, qui vise formellement à éviter d'inutiles convulsions
des marchés financiers, a surtout pour objectif de ne pas créer un climat
d'hostilité avec les Etats-Unis. La dé-dollarisation de l'économie
internationale a des conséquences économiques bien entendu, mais surtout des
implications stratégiques fondamentales. Le privilège exorbitant des Américains
à battre monnaie de réserve internationale leur donne les moyens de financer à
perte de vue leurs déficits et leur permet surtout un développement
ininterrompu de leurs capacités militaires globales. L'encerclement du monde
mis en oeuvre sans relâche par les Américains et leurs alliés de l'OTAN est
perçu comme une menace directe par des pays qui contribuent, bien malgré eux,
au renforcement de cet arsenal en mettant en danger dans le même mouvement
leurs réserves financières. Nombre d'experts s'interrogent sur la capacité des
Etats-Unis d'honorer la formidable dette de 4 trillions de dollars due au reste
du monde. Ces mêmes experts observent que le déficit budgétaire américain est
essentiellement comblé par l'épargne internationale à laquelle on ne rend aucun
compte. Dans les faits, le militarisme américain est subventionné par les pays
émergents. Les orientations stratégiques affirmées par l'OCS et le groupe des
BRIC - densification des échanges entre pays membres et utilisation de leurs
monnaies pour le règlement des transactions - s'inscrivent dans une logique de
sortie ordonnée de l'hégémonie du dollar. L'OCS estime que cette approche
combinée à l'instauration progressive d'une monnaie de réserve internationale
est la voie la plus appropriée pour contraindre les Etats-Unis à prendre des
mesures de discipline financière. La réduction des dépenses militaires figure
bien sûr en tête de liste des objectifs stratégiques. Les Américains, qui n'ont
pas été invités à Ekaterinbourg malgré leur demande express, entendront-ils le
message ? Rien n'est moins sûr.
Posté Le : 18/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : K Selim
Source : www.lequotidien-oran.com