«La colonisation est plus que la domination d'un individu par un autre, d'un peuple par un autre; c'est la domination d'une civilisation par une autre; la destruction des valeurs originales par des valeurs étrangères.» Léopold Sédar Senghor (1906-2001)Je crois bien que mon ami Lounès a raison: je ne vais pas faire subir à des gens qui prennent la peine et le temps de jeter un oeil sur mon écrit, d'insipides cours d'histoire que d'autres, plus qualifiés que moi, ont rapporté chacun à sa manière. C'est pourquoi je ne vais pas, une fois de plus disserter sur le sort du peuple de cette région du Nord de l'Afrique qui a connu tant de vicissitudes. Mais comment expliquer à la génération qui ne pense qu'à aller vivre sous des cieux plus cléments où on dit que le vent de la liberté n'arrête pas de souffler, le formidable effort de résistance de ceux qui ont voulu secouer le joug de l'occupation' Mais avant de parler de la lutte de libération, il faudra aussi parler de l'occupation. Quand les armées d'un Etat franchissent les frontières déclarées inviolables d'un autre Etat, ce n'est jamais dans un but humanitaire. Quand la force était le seul langage entre les gouvernements respectifs des nations, on ne s'embarrassait guère de scrupules. Bien sûr, les envahisseurs brandiront tous les prétextes possibles: les uns interviennent chez les voisins pour garantir leur sécurité, avoir un passage vers la mer, les autres brandissent des prétextes dynastiques, certains veulent réparer un affront, régler un différend commercial... Beaucoup voient dans la colonisation un but civilisateur et celui de transmettre leurs progrès techniques aux peuples arriérés alors que d'autres prétendent transmettre un message divin... Mais, la raison est tout autre: l'agrandissement des royaumes amène un contrôle d'un plus grand nombre de sujets et une exploitation d'une plus grande force de travail. Sans parler des ressources naturelles qui demeurent le principal point d'intérêt des gouvernements cupides. Après avoir balayé l'élite du pays occupé, la puissance étrangère occupante commence, après les lois d'exception en vigueur pendant l'état de guerre, par émettre des lois qui vont lui servir de paravent juridique pour asseoir légalement son occupation. Elle commencera par dépouiller les autochtones des meilleures terres qu'elle redistribuera à ses soldats transformés en colons. Cela s'est aussi bien passé durant la colonisation romaine que durant celle des Français. Elle soumettra le peuple asservi à un régime d'indigénat qui le privera des droits élémentaires dont peut jouir un être humain: il aura seulement le droit de travailler pour un maigre salaire et son statut ne diffèrera pas beaucoup de celui de l'esclave. Beaucoup d'intellectuels européens voyaient dans la colonisation de l'Algérie un avenir meilleur pour les populations qui vivaient là parce que le régime féodal turc avait maintenu cette partie du Nord de l'Afrique dans un état d'arriération incroyable. Mais les lois scélérates des colons français ne vont guère améliorer le sort des vaincus qui vont connaître non seulement une exploitation outrancière, mais aussi un programme de dépersonnalisation totale: changer les repères des individus, les couper de leurs racines est aussi la tâche de longue haleine à laquelle s'attaquent tous les occupants. Transformer l'indigène qui sera dépeint sous les angles les plus négatifs et lui donner une apparence de modernité seront les buts non voilés des occupants. On ne mesure pas le choc violent, après les horreurs de la guerre, que peut subir une communauté à laquelle on demandera, de renoncer à ses anciennes croyances, à sa langue traditionnelle et même à sa façon de s'habiller. En tenant compte des injustices sociales, juridiques, on peut mesurer qu'une occupation quelle qu'elle soit est un viol collectif qui dure.
Posté Le : 26/03/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com