Les patrons d'entreprises ne s'y attendaient pas. Dans l'article 69 de la loi de finances complémentaire 2009, publiée dans le Journal officiel mercredi dernier, il est clairement stipulé que « les paiements des importations s'effectuent obligatoirement au moyen du seul crédit documentaire ». Effective dès hier, il n'est plus possible donc aux patrons algériens, producteurs et importateurs, de s'acquitter des frais des importations avec les anciens modes de paiement, à savoir le transfert libre et la remise documentaire. Si les pouvoirs publics font montre de la volonté d'assainir les opérations de commerce extérieur et d'arrêter le transfert des devises, la mesure laisse toutefois perplexe de par son caractère bureaucratique. Aussitôt annoncée, la disposition en question suscite une tempête de colère auprès des patrons d'entreprises, des importateurs et des producteurs.
« Cette mesure est contraignante pour les entreprises », juge un patron d'une société nationale qui a requis l'anonymat. « Auparavant, nous avions un régime de paiement favorable. Plus maintenant, puisque nous devons renégocier le régime de paiement. Ceci alors que nos produits sont bloqués au port. Cette situation est contraignante », ajoute-t-il, non sans avouer sa crainte sur les retombées d'une telle décision sur son entreprise. Même son de cloche chez Slim Othmani, président-directeur général de la Nouvelle conserverie algérienne (NCA) et membre du Forum des chefs d'entreprises. « Avec cette mesure nous devons avoir des trésoreries monumentales pour financer nos entreprises. La lettre de crédit a un coût. Elle va affecter nos trésoreries », regrette-t-il. Et d'ajouter : « L'Algérie est en train de financer les autres pays », à travers cette disposition. Plus critique encore, M. Othmani qualifie de « message absurde » l'idée colportée par l'entourage du Président et selon laquelle, « le boom des importations justifie ces mesures draconiennes ». « Le chef de l'Etat a accepté ces mesures. C'est grave », s'inquiète-t-il.Outré par autant de restrictions, M. Othmani doute même de l'existence de « garde-fous » et de « compétences » parmi l'entourage présidentiel « qui peuvent alerter le Président sur les répercussions de ces mesures sur l'économie nationale ». Considérant « normal » que tous les pays du monde s'inquiètent de la hausse de la facture de leurs importations, notre interlocuteur dit, en revanche, être « sidéré » devant la manière avec laquelle le gouvernement s'est comporté. « Cela s'est passé dans l'opacité. Ils n'ont même pas pris le soin de discuter avec nous (') Voter des choses aussi graves, c'est du jamais vu depuis l'indépendance. Même un enfant de 10 ans ne prendra pas de telles décisions », fulmine-t-il. En tous les cas, M. Othmani s'est montré abattu par ces nouveaux coups de semonce. Il n'est pas le seul à désapprouver cette mesure. « Les facilités de paiement acquises depuis plusieurs années vont disparaître. Le seul paiement des importations au moyen du crédit documentaire favorise les fournisseurs étrangers et pénalise les sociétés importatrices et les producteurs de produits ou de services », affirme le représentant d'un fournisseur français, sous le couvert de l'anonymat. Expliquant le caractère « pénalisant » de ladite mesure, il dira que les entreprises importatrices « devront immobiliser des sommes importantes pour le paiement et attendre au minimum 3 mois pour avoir leurs marchandises, d'autant plus que de nombreux produits importés parviennent des USA, du Canada, d'Amérique latine... » Avec l'entrée en vigueur de ce nouveau mode de paiement des importations, notre interlocuteur prédit « la disparition des petits importateurs, notamment dans l'agroalimentaire ».En somme, ce responsable considère que « ce n'est pas la bonne manière pour freiner le transfert de devises ». Par ailleurs, la LFC 2009 a décidé en outre l'annulation de la procuration dans les opérations d'importation. « La réalisation d'opérations d'importation ne peut être effectuée au moyen de procuration », est-il mentionné dans le texte de la LFC 2009. Dorénavant, seul le titulaire du registre du commerce ou le gérant de la société sont habilités à effectuer les opérations d'importation. A propos de cette disposition, M. Othmani lance également une volée de bois vert. « C'est une aberration ! C'est choquant ! », s'emporte-t-il. Et comme pour démontrer « l'inanité » d'une telle disposition, il ironise : « Elle devait être appliquée à tout le monde. On aimerait voir Mohamed Meziane, PDG de Sonatrach, venir faire la queue devant les guichets. » Le patron d'une entreprise « a beaucoup de préoccupations à faire que de venir payer lui-même les frais des opérations d'importation », conclut-il.
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Posté Le : 03/08/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hocine Lamriben
Source : www.elwatan.com