Il n'y avait pas
de suspense. La défaite du Parti démocrate américain lors des élections de
mi-mandat était programmée depuis plusieurs mois. On pourrait même relever que
la seule surprise du scrutin est que les démocrates, qui ont été balayés à la
Chambre des représentants, ont tout de même réussi à garder la majorité de la
chambre haute du Congrès. L'assurance de pouvoir continuer à contrôler le Sénat
est une petite satisfaction pour le camp de Barack Obama mais cela ne gomme en
rien l'ampleur de sa défaite électorale.
Pourtant, rien ne dit qu'Obama ne sera pas
réélu en novembre 2012. De nombreux présidents américains avant lui ont perdu
les « mid-term » avant de décrocher un second mandat. Ce fut le cas notamment
de Bill Clinton, élu en 1992, donné pour mort politiquement en 1994 après la
déferlante républicaine à mi-mandat, puis triomphalement réélu en 1996. Ce pas
de deux électoral est une spécificité de la vie politique américaine et il est
parfois préférable de ne pas trop s'attarder sur le résultat des élections intermédiaires.
Pour autant, les enseignements du scrutin de
mardi dernier ne sont pas à négliger. L'un d'eux confirme la force grandissante
des médias conservateurs aux Etats-Unis. On pensait pourtant que l'influence de
ces derniers avait atteint son apogée après les attentats du 11 septembre 2001
et durant la période qui a précédé l'invasion de l'Irak en mars 2003. On se
trompait. Pour qui a suivi de près la campagne électorale - laquelle a commencé
au printemps dernier - il est évident que la défaite d'Obama doit beaucoup au
déchaînement de Fox News.
Cette télévision, relayée par des centaines
de chaînes régionales et locales sans oublier une multitude d'émissions
radiophoniques - des talk-shows ultraconservateurs dont la violence verbale à
l'égard d'Obama et des démocrates est à peine imaginable - a offert une
formidable caisse de résonance pour les thèses du Parti républicain mais aussi
pour celle du fameux Tea Party, ce mouvement populiste qui est en train de
redessiner la carte politique américaine.
Il y a plusieurs exemples concrets à propos
de l'impact de ces médias. L'un d'eux concerne la crise économique. Les
républicains et les partisans du Tea Party ont réussi à convaincre une majorité
d'électeurs de la responsabilité des démocrates dans l'augmentation du chômage
et de l'atonie de la croissance. Oubliées donc les politiques dispendieuses de
George W. Bush et ses baisses d'impôts successives qui ont creusé le déficit
budgétaire et privé l'Etat fédéral de précieuses ressources financières au
moment où il fallait soutenir l'économie. Oublié, aussi, le fait que Bush est
le seul président américain à avoir baissé les impôts en temps de guerre - un
acte irresponsable quand on sait que le coût de la seule guerre en Irak
atteindrait les 5.000 milliards de dollars !
De même, la propagande républicaine et
ultraconservatrice a réussi à diffuser l'idée que la crise des subprimes est le
résultat de la connivence entre le Parti démocrate et Wall Street. C'est ainsi
que les nombreuses saisies de maisons décidées par les banques - très souvent
de manière illégale - sont apparues comme une conséquence de la politique
laxiste d'Obama à l'égard de l'industrie bancaire et financière. Cela vaut
aussi pour le creusement des inégalités et de la paupérisation d'une partie de
la classe moyenne américaine.
Bien entendu, le parti-pris et l'influence de
nombreux médias n'expliquent pas à eux seuls la défaite des démocrates à la
Chambre des représentants. En fait, le vrai problème réside dans la manière
dont le président américain a gouverné depuis sa prestation de serment du 22
janvier 2009. Le constat est simple. Obama n'a été élu que parce que la gauche
américaine s'est mobilisée pour lui. Or, comme c'est souvent le cas dans
pareille configuration, le président américain a ensuite plutôt gouverné au
centre, multipliant les concessions à l'égard de la droite comme en témoigne sa
timide réforme de la santé (ce qui n'a pas empêché ses adversaires de la
diaboliser).
Si les démocrates ont perdu le contrôle de la
Chambre des représentants, c'est avant tout parce qu'ils n'ont pas réussi à
faire le plein des voix dans leur propre camp. De nombreux électeurs qui
avaient voté pour Obama en novembre 2008 se sont sentis trahis par le manque de
pugnacité de la politique suivie par la Maison-Blanche. Ils n'attendaient
peut-être pas des miracles, mais au moins une action à la Roosevelt notamment à
l'encontre de Wall Street et des banques responsables du désastre de septembre
2008. Au lieu de cela, Obama a préféré ménager la chèvre et le chou, tout en se
refusant de rappeler à ses concitoyens, et autant de fois qu'il le fallait, que
la responsabilité de la crise économique incombe surtout aux républicains.
En somme, Obama a été trahi par ce qui a fait
son succès lorsque il était élu local puis Sénateur de l'Illinois. Longtemps,
sa recherche du consensus - les Français diraient son approche « radsoc » pour
radical-socialiste - a été son principal atout. Cela lui a permis de
neutraliser ses adversaires politiques et de gagner des soutiens hors du camp
démocrate. Mais la méthode a trouvé ses limites. Depuis son arrivée à la
Maison-Blanche, il a multiplié les concessions inutiles car elles n'ont guère
calmé ses adversaires, bien au contraire. Dès lors, on peut se demander si le
président américain va donner une barre à gauche dans la perspective de
l'élection présidentielle de 2012. Rien n'est moins sûr. Le blocage annoncé de
la vie politique américaine au cours des vingt-quatre prochains mois risque de
l'inciter à l'attentisme. Ce qui est loin de garantir sa réélection...
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Posté Le : 04/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Akram Belkaid : Paris
Source : www.lequotidien-oran.com