Le 1er Novembre est la date de notre naissance à la liberté. Chez les
chrétiens, il correspond à la Toussaint, ou fête des morts. Les cimetières sont
fleuris et les enfants ravivent le souvenir des disparus en se déguisant en
vampires, sorciers et revenants.
Ils sont nombreux, les enfants déguisés en vampires, monstres, sorciers
et revenants en cette veille du 1er novembre à Bruxelles. Çà et là, des bougies
installent l'effet de l'au-delà. Des citrouilles décorées, taillées en têtes de
morts, jonchent quelques seuils de maisons. C'est Halloween, la fête des morts,
celle de la Toussaint, 1er novembre sur le calendrier julien. Ainsi, les morts
ont eux aussi leur fête en Occident. Ce sont les enfants qui rappellent leur
mémoire et continuent leur souvenir. Depuis quelques jours déjà, les fleuristes
se sont installés à l'entrée des cimetières. Chrysanthèmes, tulipes, roses,
lavandes, bégonias dégagent un parfum doux, discret. Un réconfort pour cette
nature morte de saison. Enfants et adultes conjurent le sort triste de
l'automne à son annonce. Ils fleurissent l'ultime demeure des vivants : le
cimetière. Je cherche les miens, là-bas, à flanc de montagne et des terrains
esseulés. Vaguement, un carré blanc, au bord d'une route, entre deux villages,
dans un décor nu, surgit une grande «Histoire» : Novembre et ce qu'il m'en
reste. Un cimetière ! Sur la route qui le borde, les voitures ne s'arrêtent
jamais. Un drapeau national flottait autrefois à l'entrée du cimetière. Il n'y
est plus. Enfants, les adultes ne nous ont jamais invités pour une visite en
ces lieux un 1er Novembre.
Le soir, la télévision nous
montrait des gens «importants», en majorité de vieux adultes, déposer des
gerbes de fleurs au milieu de ce cimetière des martyrs. C'est le seul souvenir
que ces gens «importants» nous évoquaient, à nous les enfants, une fois par an,
chaque 1er Novembre. Le reste de l'année, le cimetière des martyrs
disparaissait des mémoires et du souvenir des enfants et des adultes. Le
silence, la nudité et la solitude s'emparaient de ces carrés blancs.
Demeuraient les récits et
légendes que nous contaient nos professeurs à l'école : la bravoure, le
courage, la foi et le sacrifice de ces hommes et femmes nous sont cités comme
ce qu'il y a de plus important dans ce monde et celui après la mort. Novembre
éternel ! Novembre, chant de la liberté ! Novembre, notre date de naissance en
ce monde !
Mais que s'est-il passé depuis ?
Les fleurs ne poussent plus dans nos vallées et les fleuristes sont si rares.
Les adultes qui ont été compagnons des martyrs ne nous parlent plus et les
jeunes ne les écoutent plus. Les jeunes pensent que Novembre est une légende
inventée par les vieux. Il était une fois… au nom de la dignité, de la liberté
et de la justice… Arrêtez ! Nous avons faim, crient les jeunes ! Faim de
liberté, de justice, de dignité ! Faim de notre pays et de son présent ! Les
vallées ne fleurissent plus et les montagnes sont nues ! Nos villes sont la
proie de sorciers, de vampires et de vrais monstres, pas ceux que les enfants
imitent ailleurs en déguisements chaque 1er novembre. Les nôtres sont vrais,
vivants, adultes, responsables de notre destinée et c'est pour cela que ce
n'est plus un jeu pour les enfants. Ils en ont peur. Vers minuit, des coups
répétés sur la porte d'entrée. J'ouvre. «Bonne fête ! Joyeux anniversaire à
tous ceux qui vous manquent !», vocifèrent une bande de gamins de 12 à 14 ans.
La tradition oblige à leur offrir quelques sucreries et bombons, sinon… ils
vous jettent un sort : celui d'être malheureux et de perdre la mémoire jusqu'au
prochain… 1er novembre.
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Posté Le : 01/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com