Algérie

Novembre, les impostures et les imposteurs



Ce sont les accommodements mensongers, les travestissements criminels, les récupérations éhontées, les exclusions injustes et les banalisations folkloriques qui ont conduit peu à peu à cette impression de vide mémorielle où le patrimoine le plus précieux de notre histoire est orphelin de l'ancrage populaire sans lequel sa sauvegarde et sa transmission seraient sérieusement compromises. Avec les élites politiques ou scientifiques, les témoins privilégiés et les acteurs directement impliqués dans l'entreprise de libération, Novembre devait trouver dans l'implication citoyenne un autre gardien de ses vérités, de son esprit et de son projet. Ce n'est pas facile à admettre, encore moins à dire, mais ce sont toutes les impostures citées plus haut qui ont fini par s'imposer jusque-là. Vaincus, marginalisés, résignés ou corrompus, ceux qui devaient porter la contradiction au discours officiel sur le passé récent du pays se sont fait rarement attendre, y compris chez ceux dont les Algériens étaient en droit d'attendre plus de clairvoyance, plus d'audace, plus de vérité et tout ce que cela peut supposer comme projections. Il faut dire qu'une fois que le perfide été 62 a livré ses intentions quant à la trajectoire décidée pour le pays, il n'y avait plus rien à espérer des «autres», à moins de se nourrir (encore) d'illusions. Ceux-là, ils ne pouvaient pas détourner un long et coûteux combat, déliter une merveilleuse entreprise humaine pour s'accaparer le Pouvoir qu'ils ne lâcheront plus jamais et en même temps livrer la vérité sur ce qui s'est passé dans le feu de l'action et à (ses) périphéries. D'abord, ce n'est pas sûr qu'ils en connaissent toutes les péripéties, ensuite ils n'ont pas vraiment l'habitude de se faire violence. Ce sont donc toutes les impostures historiques, politiques et morales qui ont fini par banaliser le mensonge qui, plus est, n'a jamais couru le risque d'être sanctionné. Ce sont ces «assurances tous risques» de ne jamais payer des fabulations, y compris quand elles se rapprochent du criminel, qui ont fait que de maussades planqués aient osé s'inventer des destins de héros, se faire condamner à mort, scénariser des batailles gagnées sans avoir jamais été livrées. Et comme pour donner du crédit au mensonge, on va le... démocratiser. Il faut une assise populaire à la récupération de Novembre. Alors, on a eu les célèbres batailles où tout le monde est mort sauf ceux qui racontaient leur déroulement. Et puis celles-là que le génie populaire a parfois romancées dans des termes particulièrement crus ! Il est heureux que depuis l'insurrection populaire du 22 février 2019, le pays se réapproprie aussi son patrimoine historique. Encore plus heureux que désormais, il n'y aura plus grand-monde pour se faire condamner à mort. Plus grand-monde pour... raconter des histoires.S. L.


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