Algérie

Nouvelles de l’infra-monde de Mohamed El Keurti Frissons glacés


Publié le 05.12.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie

Dix nouvelles qui nous propulsent dans une dimension parallèle aux accents de science-fiction. Un univers mystérieux et fantastique qui nous rappelle les histoires palpitantes d’Edgar Allan Poe.
C’est la première publication de Mohamed El Keurti, ancien professeur d’anglais à la retraite : Nouvelles de l’infra-monde est un recueil de nouvelles paru récemment chez Casbah Editions.

Dans une ambiance surréaliste, on retrouve les personnages de «Covidum». Dans la ville, des patrouilles armées sillonnent les artères et tirent sur quiconque se hasarde à mettre le nez dehors.

La crise sanitaire de Covid-19 oblige les autorités à imposer un confinement strict aux habitants, ou du moins à ceux qui ont échappé à la grande faucheuse.

La narratrice vient de recevoir un étrange pot en plastique par les services communaux. Non, ce n’est pas de la margarine comme l’indique l’emballage. Ce sont les cendres de sa mère qui vient d’être incinérée. La règle est la même pour tout le monde : pas d’inhumation des corps mais des crémations. Tension, psychose !

«J’ai quand même été sidérée lorsqu’on a sonné à ma porte, trois jours après qu’on eut emporté maman. J’ouvris et eus un mouvement de recul : un grand escogriffe était devant moi, entièrement revêtu d’une combinaison grise, capuche comprise, masque couvrant le nez, la bouche et le menton et grosses lunettes, genre soudeur, sur les yeux : pas un millimètre de peau à l’air libre.»

Tête brûlée, la narratrice va franchir le Rubicon en traversant la rue pour rejoindre l’immeuble où habitent son cousin Mehdi et deux autres étranges voisins. Elle n’oublie pas d’emporter avec elle son pot de kentia. La suite de l’histoire vous donnera la chair de poule et vous fera dresser les cheveux sur la tête.
Intrigues et énigmes à gogo dans ce livre. Il y en a aussi dans « Décalage horreur ». Par un temps glacial, un voyageur marche vers le nord. Quand la nuit le surprend à mi-chemin, il décide de trouver un endroit où dormir. Une force incontrôlable guide ses pas vers une mystérieuse lumière. «Pourquoi lui avait-il semblé qu’il était en train de revivre des scènes déjà vécues auparavant ? Quelle était cette bizarre impression qui lui faisait croire que ce qu’il entreprenait, loin d’obéir à sa propre volonté, lui était dicté par une force extérieure ?»

Cédant à la fatigue, le voyageur ferme les yeux. Pas pour longtemps, toutefois. Un étrange manège le tire de son sommeil : «Des individus étranges, chétifs, à la peau tannée et luisante de sueur, tiraient péniblement derrière eux de grossières charrettes en bois à deux roues. Ils étaient vêtus de longues tuniques noires sans manche, laissant entrevoir des bras décharnés. Leurs yeux ternes et sans vie dans de profondes orbites. Ils ne faisaient apparemment aucun cas de sa présence. Poussé par une inexplicable impulsion, il s’approcha pour voir ce que contenaient les charrettes qui passaient à proximité. Des cadavres ! Il crut défaillir.»

«Mais alors qui ?» c’est le titre d’une mini-nouvelle de deux pages à peine. Imaginez un homme qui se réveille un matin, après un horrible cauchemar, auprès d’une femme supposée être son épouse. M’hamed est célibataire et il se souvient s’être couché seul la veille. Alors, qui est cette créature qui dort dans son lit ? Mystère et boule de gomme !

Avec les Nouvelles de l’infra-monde de Mohamed El Keurti, le royaume des morts s’invite dans celui des vivants. Dans «La zaouia», on enfourche la machine à remonter le temps pour débarquer en 1944, dans une région du Nord, où le thermomètre grelotte. Le narrateur est de retour au pays après avoir été soldat. «Deux années à jouer au troufion dans cette maudite armée de ces maudits Français dans une guerre qui n’était pas la nôtre. Les Boches ne nous avaient rien fait à nous. Bien au contraire, on les admirait secrètement : ils avaient humilié ces Français arrogants en occupant leur pays en un rien de temps, et nous avaient fait découvrir les pieds d’argile du colosse colonialiste.»

Encore loin de son village natal, où il a hâte d’arriver afin de retrouver les siens, le voyageur décide de passer la nuit dans le mausolée du cimetière. Un cadavre recouvert d’un linceul gît au milieu de la zaouia.

«Une assiette de couscous, bien garnie, se trouvait près du mort, éclairée par une bougie. A côté, un petit brasero en argile allumé tentait de réchauffer le lieu. Tenaillé par la faim, il se jette sur un plat de couscous et enfourne de grosses cuillères dans sa bouche. Il s’étend ensuite pour dormir. Mais de drôles de bruits vont le réveiller en sursaut !»

D’autres nouvelles, aussi surprenantes les unes que les autres, vous tiendront en haleine : «Le costume», «Une femme pour mon fils», «Le rendez-vous», «Papaver Rhoeas» ... Mohamed El Keurti a enseigné la langue anglaise de 1979 à 1989. Féru de littérature, de bande dessinée et de cinéma, il préside à Mascara une association culturelle qui anime le plus ancien ciné-club d’Algérie, créé en 1987.
Meriem Guemache
Nouvelles de l’infra-monde. Mohamed El Keurti. Casbah éditions. 2023.
MERIEM GUEMACHE

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