Algérie

Nouvel An 1810/1811, 1910/1911...



La nouvelle année et le passage 2010/2011 sont la traditionnelle occasion du « regard en arrière et perspectives ». Mais que se passait-il, aux mêmes glissements annuels, il y a un siècle ou deux ?

Quand la chronique tombe aussi près du dernier jour de l'année, on est bien tenté de tirer le bilan de celle-ci. Une pensée vagabonde et certainement inopportune a plutôt mené à remémorer les débuts des 2èmes décennies des deux siècles précédents. Sur le plan de la méthode historique, cela ne vaut évidemment pas un pet-de-lapin. Mais la mise en parallèle montre parfois la coexistence de changements rapides et la persistance de pesanteurs longues.

1810 : le sommet de l'empire napoléonien

En ce début de siècle, le monde avait une capitale, Paris, et un nom hantait tous les pays, Napoléon Bonaparte. A dates régulières, un individu (Alexandre, César, Gengis Khan, Tamerlan, Charlemagne, Napoléon, Hitler…), porté par les événements, les opportunités et sa propre ambition, se met à conquérir la planète.

 En général, si l'on met de côté la Rome impériale qui a su durer quelques siècles, l'aventure tourne court très vite. Porté par la Révolution française, Napoléon s'est mis à conquérir et à occuper les deux tiers de l'Europe, à la grande colère de ses voisins qui se sont tous, à quelques exceptions, ligués contre lui.

En 1809, l'éclatante victoire de Wagram, sur le Danube, contre les forces autrichiennes, voit l'échec de la Vème coalition anti-napoléonienne.

1810 fut donc une année plutôt calme, avec un Empire au mieux de sa forme.

Napoléon réussit même à dissocier la Suède du front de ses ennemis en achetant sa neutralité par le «Traité de Paris». Faute d'avoir conquis l'Angleterre par un débarquement de ses troupes, il maintient l'embargo des importations/exportations anglaises avec l'Europe, par sa politique de «Blocus continental». En Espagne occupée depuis 1808, les Français rentrent le 1er février dans Séville.

 La position dominante de la France sur l'Europe lui rapporte de substantiels tributs financiers et économiques, mais la guerre et l'occupation, l'entretien de l'armée la plus puissante du monde coûtent très cher. Tiens, tiens, cela rappelle le poids du budget militaire américain…

Par ailleurs, l'ancienne république est devenue une quasi-dictature. Dès 1807, la dernière trace du pouvoir représentatif a disparu, une «noblesse d'empire» est apparue. En 1810, Napoléon rétablit la censure et invente un concept nouveau, la «prison d'Etat» où sont parqués des individus présumés coupables mais qu'on ne peut pas décemment déférer devant des tribunaux. N'est-ce pas sans nous rappeler l'actuelle Guantanamo ?

Toujours est-il que la pensée juridique napoléonienne a la vie longue. En 1810, paraît le 1er Code civil français qui perdurera… jusqu'en 1944 !

Poursuivant cette idée, en décembre de la même année, l'empereur fait passer le territoire national de 98 départements à 130, sur des territoires pris à ses voisins et proprement annexés : après la Hollande, le Piémont, la Ligurie, le Valais et les Etats pontificaux en Italie, deviennent départements français. Rome n'est plus que le chef-lieu de l'un de ces 130 départements et le Pape ramené à un vague poste de sous-préfet.

 Pour contrer le trafic commercial anglais dans la mer Baltique, Napoléon annexe également le Hanovre, au Nord de l'Allemagne.

 Les ports de Brême, Hambourg et Lubeck se voient doter de douaniers français. Ce qui va déclencher la colère du voisin russe. Le tzar Alexandre 1er ouvre ses ports aux navires américains, pleins à ras bord de marchandises anglaises. Et une chose entraînant l'autre, cela déboucha sur la guerre avec la Russie, 1ère cause de la chute de Napoléon. En attendant, la France s'étale de la Baltique à la Méditerranée, de l'Adriatique à l'océan Atlantique. Elle compte 42 millions d'habitants.

1811 : que viva Bolivar, el Libertador !

Pour Napoléon, c'est la dernière année tranquille. Il continue à mettre au pas le Pape. En France, les récoltes sont mauvaises mais les vendanges sont d'exception, elles restent dans les mémoires comme les «vendanges de la comète», du fait d'un astéroïde passant cette année-là dans le ciel. Le 1er empereur a un fils, Napoléon II, de sa seconde épouse, Marie Louise, fille de l'empereur d'Autriche. Ce bambin, «Roi de Rome» devint même Napoléon II, le second empereur des Français pendant 20 jours en 1815.

 Mais l'important se passe cette année-là en Amérique du Sud. La République du Venezuela est proclamée le 5 juillet 1810 ! Cette indépendance, la 1ère de l'Amérique latine, fut une conséquence inattendue des guerres napoléoniennes. L'invasion de l'Espagne par la France avait affaibli le pouvoir royal des Bourbons et fit se distendre les liens entre la «mère-patrie» et ses colonies, mais si ce terme dans son acception traditionnelle ne convient pas tout à fait à ces dernières.

 La personnalité à l'initiative de cette émancipation qui peut-être plus que l'Indépendance américaine, inaugura le vaste mouvement historique de l'anticolonialisme ? Simon Bolivar qui mena une longue guerre d'indépendance contre la tutelle espagnole au Venezuela mais qui contribua également de manière décisive à la libération de la Bolivie, de la Colombie, de l'Equateur, du Panama, du Pérou. Héritant du titre «d'el Libertador», il donna son nom à l'actuelle Bolivie, indépendante en 1825. Ayant séjourné en France au début de ce siècle, il fut influencé par la Révolution française et ne cachait pas être un fervent admirateur de Napoléon. D'où son goût pour les campagnes militaires et une certaine propension à l'autoritarisme. En 1826, il proposa aux anciennes colonies espagnoles de s'unifier, à l'exemple des Etats-Unis, sur un mode de fédération dont il serait le 1er président. L'affaire fit long feu, confrontée à la géographie du continent et aux intérêts particuliers.

 Rapidement constituées sur les ruines de l'empire espagnol, avec, comme souvent en Afrique actuellement, des frontières dessinées à la hâte, les jeunes républiques d'Amérique latine restèrent longtemps des démocraties fragiles où l'on ne comptait plus les coups d'Etat et les phases dictatoriales. Les guerres civiles ou les guerres entres Etats sont nombreuses : «grande guerre» en Uruguay, guerre péruano-équatorienne de 1858, guerre fédérale au Venezuela, guerre de la Triple Alliance, guerre du Pacifique, guerre civile chilienne de 1891, Guerre du «Chaco» entre la Bolivie et le Paraguay entre 1932 et 1935… La normalisation politique actuelle a dû attendre la fin du XX° siècle avec la chute des dictatures en Amérique centrale, en Argentine et au Chili.

 Dans ces années-là, la région qui constitue actuellement la République algérienne, était sous vague domination ottomane. Alger, comme les ports de Tripoli et de Tunis, abritait des opérations de pirateries de biens et de personnes, le «corso».

 Ce fut l'occasion et le prétexte de l'intervention des puissances européennes : les expéditions américaine de 1801 et 1815 (pour libérer quelques compatriote pris comme esclaves ; à compter de cette date, une escadre américaine mouillera en Méditerranée en permanence !), britano-hollandaise de Lord Exmouth en 1816 précédèrent l'invasion du pays par les Français en 1830 dont le piratage fut l'une des raisons officielles.

1910 : la République française adopte la retraite à 65 ans !

Le 12 février 1910, les députés adoptent en 1ère lecture la loi sur la retraite à 65 ans. Combats-phares du mouvement syndical dès son origine, la retraite à un âge décent comme la journée de huit heures, furent deux revendications continues. L'institution de la caisse nationale des retraites pour la vieillesse (1850), l'allocation de subventions aux sociétés de secours mutuels assurant des retraites à leurs membres, l'organisation en 1905 de l'assistance aux vieillards et aux infirmes furent autant de précédents de la loi du 5 avril 1910. Cette loi fut définitivement adoptée par 280 votants contre 3.

 Cette butée des 65 ans alors qu'à l'époque de son adoption, l'espérance de vie était inférieure, a été, sous pression sociale, réduite progressivement à 60 ans, voire à 55 ou 50 ans pour certaines fonctions ou métiers difficiles.

 Un siècle plus tard, le 14 septembre 2010, exactement un siècle plus tard, la même Assemblée nationale revient à la norme de la «conquête sociale» de 1910, c'est-à-dire la retraite à 65 ans ! L'Assemblée nationale adopte ce jour-là, malgré neuf mois de mobilisations et de manifestations monstres en France, le projet de loi de réforme sarkozyste des retraites dans une ambiance survoltée. Le texte a recueilli 329 voix pour (UMP et Nouveau centre) et 233 voix contre (opposition de gauche). C'est quelque chose, le progrès social, non ?

 Si la France domina le tournant du siècle précédent, Londres est vraiment la capitale du Monde depuis la fin du XIXème. Certes au début des années 1910, l'Angleterre n'assume que 14% de la production industrielle de la planète (contre 36% par les USA, 16% l'Allemagne et 6% la France), mais elle reste leader des échanges mondiaux avec une part de 30% des échanges (contre 41% en 1880).

 L'empire britannique, sur lequel «le soleil ne se couche jamais !»), s'étend sur 32 millions de km² peuplés de 450 millions d'habitants. L'Angleterre développe l'habitat social, les council flats, et un Anglais sur deux se rend régulièrement aux bains de mer ! Quand on connaît les plages anglaises néanmoins, cela ne manque pas d'un certain courage…

 Le 31 mai 1910, naît «L'Union sud-africaine». Le 31 mai également, naît Maurice Allais, le seul prix Nobel français en économie qui décède le 9 octobre 2010. Ce vieil économiste, ronchon et abrupt, a été l'un des très rares à prévoir l'inéluctabilité de la crise économique actuelle. «Ce qui doit arriver, arrive» expliquait-il en pure perte depuis 1998…

1911 : Sun Yat-Sen et la république chinoise

En juin 1910 se tiennent au Mexique des élections qui donnent la majorité au général conservateur Porfirio Diaz au détriment du réformateur Francisco Madero. La contestation des résultats et l'aspiration de nombreux Mexicains à une reforme agraire et à une plus grande démocratie aboutirent en février 1911 au démarrage de la «Révolution mexicaine». Malgré le départ de Diaz en mai, le Mexique connaîtra une guerre civile où s'illustreront Diego Rivera, Emiliano Zappata ou le journaliste anarchiste Ricard Magon. Cette sanglante guerre civile fit entre 500 000 et 1 million de morts sur une population de 16 millions.

 A l'époque, le Maroc intéresse les puissances occidentales, au 1er rang desquelles l'Espagne, l'Allemagne et la France. L'Angleterre, alliée de cette dernière dans l'Entente cordiale, lui laisse les mains libres au Maroc. En 1905, Guillaume II courroucé débarque en grande pompe à Tanger pour rencontrer le Sultan Abd Alem-Aziz. C'est le 1er incident sérieux, dit «le coup de Tanger».

 En 1911, rebelote, c'est la crise d'Agadir ! En juillet 1911, l'Allemagne provoque un incident militaire et diplomatique avec la France, en envoyant une canonnière de sa Kaiserliche Marine dans la baie d'Agadir. Aux termes d'âpres négociations et en échange de territoires en Afrique équatoriale, un traité franco-allemand est signé le 4 novembre 1911. On n'est pas passé très loin du conflit armé ! Mais la Guerre de 14 se rapproche très vite…

 Mais la date la plus importante de 1911 (si l'on exclut le 6 février, date de la naissance de Ronald Reagan !), reste le 14 décembre en Chine, lorsqu'un gouvernement républicain, à la suite d'une révolte dans la région de Wuchang en octobre, décrète une république provisoire, mettant fin à une dynastie vieille de deux millénaires, les Mandchous. Rentré d'exil des Etats-Unis, Sun Yat-Sen, réformateur et auteur d'un coup d'Etat manqué en 1895, est nommé président provisoire de la République de Chine. Curieusement, les préparatifs de cet anniversaire républicain semblent mieux engagés à Taiwan qu'à Pékin...








Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)