Dans le cadre du
cycle de rencontres ramadanesques organisées par l'IDRH (Institut de
Développement des Ressources Humaines), le Professeur Mohamed Senouci, expert
international membre du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l'Evolution du
Climat), a donné une conférence intitulée « Enjeux de la conférence de
Copenhague (Décembre 2009) sur le climat ». Dès la prise de parole, le
conférencier, qui fait partie d'un collège d'experts travaillant pour le compte
des Nations unis, a estimé que son intervention à l'IDRH correspond à « un sens
du devoir ». Parce que la question du climat actuellement, explique-t-il, ne
concerne pas uniquement « un cercle d'initiés » et pose le problème d'un «
nouveau modèle social qu'on subira ou on participera à l'élaboration de son
architecture ». Se référant à l'actualité immédiate, il qualifiera les derniers
incendies d'Athènes et de Californie, l'été au niveau du pourtour de la
Méditerranée, comme des signaux forts nous incitant à accorder de l'intérêt
pour le climat. Le Professeur Senouci citera la dernière déclaration du SG des
Nations unis, le 2 septembre, quand il a constaté de visu l'ampleur de la fonte
des glaces en Norvège « le changement climatique s'accélère et le monde fonce
vers l'abîme ». La gravité de la situation a poussé Ban Ki-moon à convoquer une
conférence des chefs d'Etat sur le Climat pour le 22 septembre prochain et le
président américain Obama a été le premier à y répondre favorablement, fait
remarquer le conférencier.
Le Pr Senouci indiquera que le réchauffement
climatique génère une crise à triple dimension. Presque la moitié de
l'humanité, c'est-à-dire 2,6 milliards de personnes, souffre de la pauvreté
puisqu'elle est privée de soins et d'éducation. Dans le cadre de la lutte
contre le changement climatique, il est demandé, même à ces populations, de
s'inscrire dans une démarche mondiale, consistant à limiter les émissions du
gaz de carbone dans l'atmosphère. Autrement dit, on demande à des pays en quête
de développement d'ériger des freins à leurs ambitions. Le conférencier
rappellera que la question du changement n'est pas une question nouvelle
puisque soulevée par Fourrier, un physicien français, en 1824. En 1950, un
physicien américain met sur pied un premier observatoire sur le climat et 20
ans après, le modèle des changements climatiques qu'il élaborera est déjà
alarmant. « Derrière la question climatique se profile des rapports politiques,
des rapports économiques », note le Pr Senouci. Comme illustration, il avancera
l'attitude des différentes administrations américaines vis-à-vis de cette
question. Cependant, ce qui est nouveau, insistera-t-il, « c'est la rapidité du
changement climatique ». Il a fallu à l'humanité 500.000 ans pour connaître un
réchauffement de l'ordre de 5 °C.
Avec la cadence observée actuellement,
l'humanité peut connaître un changement de la même ampleur en un siècle. Ce
qu'il a appelé « l'effet d'intégration » puisque, désormais, toute la planète
est concernée par ce phénomène, constitue la seconde nouveauté souligne
l'expert international.
La convergence entre la communauté
scientifique et la société civile, relevée depuis une trentaine d'années,
illustre la troisième nouveauté. Le GIEC, mis en place il y a 20 ans et qui a
obtenu le Prix Nobel en 2008, a jusqu'à présent produit quatre rapports. Dans
celui de 2007, le GIEC, regroupant 1.200 experts dont une partie des
indépendants (désignés par leur pair comme c'est le cas du Pr Senouci Mohamed
et non par le gouvernement de leur pays), a jugé que « le changement climatique
est plus que probable ». Le conférencier soulignera que la Conférence de Copenhague
se basera sur le rapport du GIEC de 2007. Cette rencontre n'est que la
quinzième du genre, notera-t-il. Mais ses résolutions risquent d'enterrer
celles de Kyoto qui a eu lieu en 1997 et dont les résolutions devaient rentrer
en vigueur en 2005 avec une possibilité de report jusqu'au en 2012. Ce qui
témoigne des tergiversations des politiques. D'autre part, la conférence de
Kyoto exige une réduction d'émission des gaz uniquement de l'ordre de 5 % au
moment où, la communauté scientifique réclame une réduction de l'ordre de 50 %.
En cas d'absence d'accord entre les pays du Nord et pays du Sud (Chine et
Inde), le GIEC prévoit des scénarios catastrophiques. Le premier : le
réchauffement de la planète atteindra le seuil de 6° C d'ici la fin du siècle,
ce qui se traduira par des catastrophes notamment sur toutes les zones côtières
de la planète. Dans ce cadre, Pr. Senouci remarquera que durant tout le
vingtième siècle le réchauffement climatique n'a pas dépassé 0.6°C. Pour les
scientifiques, la barre de 2°C d'augmentation de la chaleur planétaire est une
barre infranchissable. Pour ce, ils préconisent la réduction de la moitié des
émissions des gaz de carbone au niveau planétaire d'ici 2050. En attendant,
l'humanité doit impérativement réduire ses émissions de carbone de 20 à 40 %
d'ici 2020. L'Union européenne s'est engagée pour atteindre l'objectif de 20 %
d'ici une décade. Quant à la Chine et les USA, à eux seuls, ils produisent 50 %
du carbone libéré dans l'atmosphère, souligne notre expert. Il citera Nicholas
Stern, un économiste de renommée mondiale, qui estime que le coût des
changements climatiques coûtera 20 % du PIB mondial en cas où aucune décision
courageuse n'est prise d'ici 2020. Ce changement coûtera 1 % du PIB mondial en
cas où des mesures efficaces sont appliquées dès maintenant. Cependant,
remarquera le conférencier, 2 Français sur 3 se sont déclarés hostiles à la
taxe sur le carbone proposé par leur gouvernement. Or, estimera-t-il, la
question du changement climatique interpelle aussi bien les individus que les
gouvernants ou les différentes organisations politiques et sociales.
Synthétisant la situation actuelle, il dira que la question du réchauffement
climatique est une cause à défendre sur le plan international mais suscite des
intérêts à préserver sur le plan local. Juste l'effort d'adaptation que doivent
fournir les pays du Sud, il risque de coûter aux pays du Nord quelque 500
milliards de $ par an, indique le conférencier. Désormais, l'humanité se trouve
devant des choix inédits, préfigurant un autre mode d'organisation et de
fonctionnement social et individuel.
Parmi ces choix, doit-on opter pour la
croissance ou la décroissance ? Doit-on songer dès à présent à substituer le
nucléaire au pétrole comme source d'énergie ? Doit-on passer à une gouvernance
mondiale au lieu et en remplacement des pouvoirs nationaux ? Bref, l'humanité
se trouve devant un tournant décisif. Plus grave, son éventail de choix se
limite considérablement. Prendra-t-elle conscience et s'engagera-t-elle
sérieusement sur la voie du salut ? La Conférence de Copenhague nous fournira
les premiers éléments de réponse...
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Posté Le : 14/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com