Publié le 22.04.2024 dans le Quotidien l’Expression
«Témoin des mutilations du ciel, fiction et témoignage dans l’œuvre de Mohammed Dib» est le titre du nouveau livre que vient de publier l’écrivain chercheur Hervé Sanson aux éditions APIC d’Alger.
Hervé Sanson offre un nouvel éclairage de l'immense Mohammed Dib, à travers cette recherche, fruit d'un travail de longue haleine. La portée universelle de l'oeuvre de Mohammed Dib est l'élément sur lequel se base Hervé Sanson pour entamer son livre consacré à l'un des plus grands écrivains maghrébins. L'auteur souligne d'emblée que malgré une prise de responsabilité historique de Mohammed Dib, l'accent est mis sur la portée universelle qu'une oeuvre doit posséder. Il explique que Mohammed Dib récuse la littérature de commande mais reste soumis à une tradition qui fait des intellectuels des cheikhs, des guides pour la collectivité «puisqu'il est l'un des rares porte-paroles existants de sa communauté». «L'écrivain algérien ne peut se dérober à son devoir; il doit accompagner la gestation et la naissance de son pays, en être l'un de ses partisans parmi d'autres», souligne Sanson. Ce dernier explique qu'en relisant certaines séquences de son premier roman «La grande maison», nous pourrons constater combien le travail de la forme littéraire et le calcul de la syntaxe participent de cette venue au monde de la nation. Il est également rappelé que la critique a longtemps opéré un découpage arbitraire en période de l'oeuvre de Mohammed Dib: réaliste, fantastique, ésotérique et mystique. Hervé Sanson souligne que la critique fait de l'année 1962 la date charnière d'une conversion radicale de Dib.
Dans son livre, Hervé Sanson a sciemment choisi de centrer sa recherche sur quelques oeuvres qui lui semblent représentatives malgré la disparité de genre ou de style. «J'ai privilégié un livre par décennie afin de mettre en relief la grande cohérence du projet d'ensemble et le fil ténu qui court tout au long de cette oeuvre. Je mets ainsi sciemment de côté certains ouvrages qui mériteraient tout autant une exégèse, notamment la trilogie nordique». Sanson note que cette dernière nécessiterait un essai à elle seule. Il en est de même concernant «Cours sur la rive sauvage» ou encore «Dieu en barbarie» et «Le maître de chasse» dont les paramètres relevant de la mystique soufie pourraient donner lieu à maints travaux.
Le chercheur estime que l'émergence de Mohammed Dib dans le champ littéraire algérien de l'après-Seconde-Guerre-mondiale apparait-elle pour ce qu'elle est: un événement au sens fort du terme. «Elle habilite certes, la littérature en tant que telle sans occulter la réponse que celle-ci doit apporter aux grands enjeux de notre temps», note Sanson en précisant: «On saisira d'autant mieux la position dibienne que d'autres figures, en regard de témoins seront examinées et saisies dans leur spécificité». Et à l'auteur de citer Jean Amrouche, Jean Sénac, Kateb Yacine et Assia Djebar. Hervé Sanson rappelle en outre que Mohammed Dib est certes, un auteur francophone, mais de culture arabophone, et qui utilise, notamment dans un ouvrage «Si diable veut», des paramètres culturels empruntés à la culture berbère.
Hervé Sanson continue de mettre en valeur l'apport de Dib à la littérature en soulignant que l'oeuvre dibienne se révèle être un fabuleux lieu de confrontation des voix, un espace de dialogue intertextuel, une scène d'échanges qui conditionne une perspective comparatiste.
Lire le livre d'Hervé Sanson permet de redécouvrir un immense écrivain. Il met l'eau à la bouche en incitant à reprendre la lecture des romans de l'enfant de Tlemcen et de l'écrivain du monde.
Aomar MOHELLEBI
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Posté Le : 23/04/2024
Posté par : rachids