Le nouveau siège de l'état civil de la commune d'Oran n'a rien apporté de
nouveau. Certes, la grande salle «grignotée» de l'espace des expositions de
l'EMEC, est spacieuse, mais les citoyens sont encore confrontés aux
perpétuelles tracasseries bureaucratiques. Rien n'a changé ou presque pour le
citoyen lambda contraint de se ruer dans des chaînes interminables. Les jeunes
filles doivent en particulier user de patience pour endurer les bousculades
inconvenantes. Dès l'accès à ce nouveau service on se croirait dans un souk. Un
brouhaha indescriptible est perceptible devant les sept guichets de ce nouveau
service. Les trois guichets «uniques» consacrés pour le «fameux» 12 S sont
assiégés par une foule compacte. Le plus exaspérant dans ces lieux est que les
murs de la grande salle, faisant office de service de l'état civil, amplifient
les échos qui retentissent dans tous les sens. Le bruit de fond est
assourdissant et on n'entend parfois rien d'intelligible dans cette caisse de
résonance. Les bourdonnements de la foule sont entrecoupés régulièrement par
des injures et des excès de colère de citoyens. Insultes, injures et parfois
des outrages sont proférés à profusion par des personnes au bord de la crise de
nerfs. La présence de deux policiers en faction à l'intérieur de ce service ne
semble dissuader personne. Par intervalles, des demandeurs, chauffés à blanc
par la routine bureaucratique, violentent les préposés aux guichets. Les
demandeurs nerveux, prompt à proférer des injures et très enclins à se
quereller devant le guichet sont légions dans ces lieux. Un jeune homme
apostrophe la préposée au guichet. La jeune fille derrière le comptoir, au bout
d'un moment, daigne lever la tête pour répondre, jetant un vague regard sur le
petit bout de papier faisant office de bon, elle se contentera de dire : «les
retraits des extraits de naissances 12 S programmés pour le mois de novembre
ont été tous reportés à décembre». Un bouillonnement de rage traverse la foule.
Une grande partie des personnes, qui faisaient la chaîne, détiennent des bons
avec des dates de retrait pour le mois en cours. La jeune préposée au guichet
est harcelée, malmenée voire brutalisée par les demandeurs en colère. La jeune
femme se rebiffe. Elle crie avec toutes ses forces : «ce n'est pas la peine de
rester ici. Nous avons un retard d'un mois pour l'établissement des extraits de
naissance». Ce retard est en fait justifié par le lancement de l'opération de
numérisation des registres originaux de naissances. Les cris de la jeune femme
n'apaisent pas la masse, bien au contraire. Un jeune homme, fou de colère, s'en
prend violement à la préposée au guichet. Il réclame la présence du responsable
du service. «J'attends depuis trois mois mon extrait de naissance 12 S. Je
n'habite pas à Oran et je dois faire à chaque fois un trajet de 200 km pour
venir ici», éclate en colère la jeune personne. Le responsable du guichet des
retraits des «fameux» documents, imperturbable, répond calmement : «ce n'est
pas ma faute si tu ne trouves pas ton extrait de naissance». Deux jeunes,
désÅ“uvrés, interviennent dans ce petit accrochage. «Ils veulent la tchipa mon
ami. Si tu as 4.000 dinars tu l'auras tout de suite ton papier», lance l'un des
deux chômeurs. Et son ami de poursuivre : «je connais quelqu'un qui a payé
5.000 dinars pour ce papier. Il l'a eu sur place». Les «mauvaises» langues se
délient. Un autre jeune chômeur, au bout de la dépression nerveuse, éclate :
«gardez-le votre document de… Je n'ai plus besoin de votre passeport, de toute
façon je n'ai aucune chance de décrocher un visa. Et il se demande pourquoi les
jeunes optent pour la harga ? Je préfère cent mille fois me jeter dans la mer que
de rester ici pour quémander un extrait de naissance». Il se dirige ensuite à
grands pas vers la sortie du service tout en marmonnant des injures. A quelques
mètres de la foule, deux jeunes gens, bien habillés, sont assis tranquillement
sur un banc. L'attitude sereine de ces deux jeunes demandeurs intrigue plus
d'un. Le téléphone sonne. «Allô! Oui! Je suis à la mairie, appelle ta cousine
pour les extraits de naissance», chuchote ce jeune garçon. Quelques minutes
après, une belle femme entre dans le service. Elle se rend directement au
comptoir. Il lui suffit d'un sourire équivoque pour attirer l'attention du
jeune préposé au guichet. «Je viens de la part de…». Le jeune, apparemment
embarrassé, se lève précipitamment pour fuir les regards suspicieux du petit
peuple. Les mentalités ont la peau dure et ce n'est pas un nouveau siège qui
pourra changer quelque chose.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 24/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Sofiane M
Source : www.lequotidien-oran.com