Algérie

NOUVEAU CODE DES MARCHES PUBLICS La «voie» est libre pour les dirigeants des entreprises publiques économiques



Le nouveau code des marchés publics vient de paraître au Journal officiel n°2 du 13 janvier 2013 (mais mis en ligne seulement le 28 janvier 2013). Les modifications apportées au code d'octobre 2010 répondent aux «revendications» des dirigeants des entreprises publiques économiques (EPE), comme l'avaient demandé avant eux, il y a quelques années, les walis de la République. Ce que ces dirigeants considéraient comme «contraintes» ont été levées : en fait pour les EPE, le nouveau code supprime carrément toute réglementation des marchés publics. Mais le «piège» de la justice les attend au tournant…
Le décret présidentiel n°13-03 du 13 janvier 2013 modifiant et complétant le décret présidentiel n°10-236 du 7 octobre 2010 portant réglementation des marchés publics est donc paru au Journal officiel n°2 du 13 janvier 2013. Il a été établi à partir du rapport du ministre des Finances, et fait notamment référence à l'ordonnance n°01-03 du 20 août 2001, modifiée et complétée, relative au développement de l'investissement et à l'ordonnance n° 01-04 du 20 août 2001, complétée, relative à l'organisation, la gestion et la privatisation des entreprises publiques économiques (EPE). Le nouvel article 2 est rédigé comme suit : «Les dispositions du présent décret sont applicables exclusivement aux marchés, objet des dépenses : des administrations publiques ; des institutions nationales autonomes ; des wilayas ; des communes ; des établissements publics à caractère administratif ; des centres de recherche et de développement, des établissements publics spécifiques à caractère scientifique et technologique, des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, des établissements publics à caractère scientifique et technique, des établissements publics à caractère industriel et commercial, lorsque ceux-ci sont chargés de la réalisation d'une opération financée, totalement ou partiellement, sur concours temporaire ou définitif de l'Etat ; désignés ci-après par «service contractant». Fin de citation. Un changement qui élargit davantage le champ du gré à gré : «Les contrats passés entre deux administrations publiques ne sont pas soumis aux dispositions du présent décret.» Et l'article 2 de préciser en outre : «Les établissements publics, autres que les établissements publics à caractère administratif, lorsqu'ils réalisent une opération qui n'est pas financée, totalement ou partiellement, sur concours temporaire ou définitif de l'Etat, sont tenus d'adapter leurs propres procédures à la réglementation des marchés publics et de les faire adopter par leurs organes habilités. Dans ce cas, le ministre de tutelle doit établir et approuver un dispositif de contrôle externe de leurs marchés. » On supprime de fait la réglementation sur les marchés publics, à charge pour les contractants d'adopter leur propre… code : du jamais vu ! Et la cerise sur le gâteau, c'est pour les EPE : «Les entreprises publiques économiques ne sont pas soumises au dispositif de passation des marchés prévu par le présent décret. Toutefois, elles sont tenues d'élaborer et de faire adopter, par leurs organes sociaux, des procédures de passation de marchés, selon leurs spécificités, fondées sur les principes de liberté d'accès à la commande, d'égalité de traitement des candidats et de transparence.»
A quoi serviront les organes de contrôle '
Autre alinéa du nouvel article 2 Par ailleurs, les entreprises publiques économiques demeurent soumises aux contrôles externes prévus par la loi au titre des attributions dévolues aux commissaires aux comptes, à la Cour des comptes et à l'Inspection générale des finances. Les marchés passés dans le cadre de la maîtrise d'ouvrage déléguée sont soumis aux dispositions du présent décret. Le contrôle externe de ces marchés est assuré par la commission des marchés compétente.» L'article 4 de l'ancien code change de numéro, il devient 8 : il traite des conditions d'approbation des marchés attribués : «Les marchés ne sont valables et définitifs qu'après leur approbation par l'autorité compétente, à savoir : le ministre pour les marchés de l'Etat ; le responsable de l'institution nationale autonome le wali pour ceux des wilayas ; le président de l'Assemblée populaire communale pour ceux des communes ; le directeur général ou le directeur pour les établissements publics à caractère administratif ; le directeur général ou le directeur pour les établissements publics à caractère industriel et commercial le directeur du centre de recherche et de développement ; le directeur de l'établissement public à caractère scientifique et technique ; le directeur de l'établissement public spécifique à caractère scientifique et technologique ; le directeur de l'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. Chacune de ces autorités peut déléguer ses pouvoirs en la matière à des responsables chargés, en tout état de cause, de la préparation et de l'exécution des marchés, conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.» Fin de citation. L'article 5, devenu article 24, revient sur les investissements étrangers : «Dans le cadre des politiques publiques de développement définies par le gouvernement, les cahiers des charges des appels d'offres internationaux doivent prévoir, pour les soumissionnaires étrangers, l'engagement d'investir en partenariat, lorsqu'il s'agit de projets dont la liste est fixée par décision de l'autorité de l'institution nationale de souveraineté de l'Etat, de l'institution nationale autonome ou du ministre concerné, pour leurs projets et ceux des établissements qui en relèvent… le cahier des charges doit prévoir des garanties financières du marché. Si le service contractant constate que l'investissement n'est pas réalisé conformément au planning et à la méthodologie contenus dans le cahier des charges, par la faute du partenaire cocontractant étranger, il doit le mettre en demeure, dans les conditions définies par le code, d'y remédier, dans un délai fixé dans la mise en demeure, faute de quoi des pénalités financières… lui sont appliquées ainsi que son inscription sur la liste des opérateurs économiques interdits de soumissionner aux marchés publics... En outre, le service contractant peut, s'il le juge nécessaire, résilier le marché, aux torts exclusifs du partenaire cocontractant étranger, après accord, selon le cas, de l'autorité de l'institution nationale de souveraineté de l'Etat, de l'institution nationale autonome ou du ministre concerné. ` Les modalités d'application des dispositions du présent article sont précisées par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre chargé de l'investissement ». Fin de citation.
L'offre unique est consacrée !
Le nouvel article 44, anciennement article 6, est celui de tous les dangers : «Si après avoir relancé la procédure, par appel d'offres ou par gré à gré après consultation, il n'est réceptionné ou pré-qualifié techniquement qu'une seule offre, le service contractant peut, dans ce cas, continuer la procédure d'évaluation de l'offre unique.» Comme les offres dites «uniques» sont déjà légion, le risque de n'avoir que des offres uniques, par l'intermédiaire de mille subterfuges, sera de plus en plus élevé : plus de mise en concurrence, les pratiques favorables aux «copains, et aux coquins» vont encore avoir de beaux jours devant elles. Et comme les organes de contrôle, internes et externes, sont en hibernation depuis des lustres, la corruption va exploser davantage, déjà qu'elle est à un niveau trop élevé. Quant au recours, autre cadeau fait aux contractant, alors qu'il eut mieux fait de prévoir des organes indépendants pour les prendre en charge, le nouveau code est dans la permissivité tous azimuts : l'article 7, anciennement article 5, prévoit : «Les recours pour les marchés relevant de la compétence de la commission des marchés des établissements publics, centres de recherche et de développement… sont introduits selon le seuil de compétence de la commission des marchés concernée et la vocation géographique de l'établissement public, auprès des commissions des marchés des communes, de wilaya, ministérielle, sectorielle ou nationale. Les recours pour les marchés passés dans le cadre de la maîtrise d'ouvrage déléguée, cités à l'article 2 ci-dessus, relèvent de la compétence de la commission des marchés compétente.» Fin de citation. Les modifications apportées au code des marchés publics, la 5e depuis 2001, suppriment pratiquement toute réglementation : la «voie» est libre pour les contractants. A quoi bon lancer encore des avis d'appel d'offres, faire travailler des commissions, engager des dépenses de fonctionnement. Si au moins les effets théoriques attendus — livrer des projets de qualité dans les délais fixés — pouvaient être au rendez-vous. Ce ne sera malheureusement pas le cas….


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