Algérie

«Nous sommes des morts vivants»


«Nous sommes des morts vivants»
Colère - «Si nous avons des droits dans ce pays, qu'on nous les donne. Si nous n'avons aucun droit, qu'ils aspergent ces baraques d'essence et qu'ils les brûlent et nous avec !»
Belkheïr, 21 ans, est né dans le ghetto. Toute sa vie, son horizon se limitait à ces gourbis pulvérulents et leur lot de sinistrose. «Dès que j'ai ouvert les yeux, je n'ai vu que ce cloaque. J'ai dû abandonner mes études.
Comment étudier dans de telles conditions ' Mon père est vieux et je me devais de l'aider. Mais pour trouver du travail, quelle galère ! J'ai fait des stages, déposé des demandes d'emploi. En vain. Nos pères ont trimé toute leur vie pour trouver du travail et ça continue avec notre génération. Je dors parmi les scorpions et les serpents. J'ai été mordu maintes fois dans mon enfance et je continue encore à mon âge à être persécuté par ces sales bestioles.» Voilà d'ailleurs un serpent qui fuse d'un tas de détritus et se faufile vers une baraque, avant d'être stoppé dans sa course par des jets de pierres. Abdelkader, un quinquagénaire en turban et à la moustache drue, tient des propos tout aussi amers. Il végète dans le bidonville depuis 1978 en vivotant dans des chantiers de construction comme «zoufri». Son histoire est tragique. Là où d'autres font valoir le droit du sol par l'extrait de naissance, lui prend à témoin le cimetière. «J'ai enterré ici 11 membres de ma famille !», rage-t-il. «Regardez dans quelle misère nous vivons ! Nous n'avons pas goûté à l'indépendance de notre pays. Nous sommes des morts vivants. Vous imaginez, j'ai 11 enfants morts ici. Et j'ai 8 gosses à nourrir. Rani mal'hagtache. Mon dossier traîne depuis 26 ans. Nous avons passé le pire ramadan de notre existence. Nous n'avons pas d'électricité, nous ne pouvons pas utiliser un réfrigérateur. Nous n'avons pas droit à l'eau fraîche, w'eness chaytine. Nos groupes électrogènes sont constamment grillés.» Dans la foulée, il charge élus et apparatchiks de l'administration : «Nous sommes un troupeau sans berger. Nous n'avons jamais vu la tronche d'un quelconque responsable ici.» Et de poursuivre : «Nous ne sommes pas des Algériens, car si nous étions des Algériens, nous aurions eu notre part de dignité !» Un camion brinquebalant avance et les habitants du bidonville se ruent à sa rencontre. Dans sa benne, une grosse citerne rouillée. Les habitants sont obligés d'acheter l'eau. «Sans ces citernes, nous crèverions de soif. Et quelle eau ! Elle est tout sauf potable, mais nous sommes obligés de la boire», lâche un autre. Abdelkader reprend : «Hassi R'mel est à la fois la commune la plus riche et la commune la plus pauvre d'Algérie», avant de marteler dans une effusion de colère : «Si nous avons des droits dans ce pays, qu'on nous les donne. Si nous n'avons aucun droit, qu'ils aspergent ces baraques d'essence et qu'ils les brûlent et nous avec !»
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