Algérie

"Nous n'avons rien fait contre les ingérences qui viennent de l'Arabie saoudite et du Qatar"



Pour l'ex-chef du Service de renseignements et de sécurité à la Direction générale de la sécurité extérieure "l'Etat français doit mettre fin aux ingérences de pays comme l'Arabie saoudite et le Qatar qui entretiennent l'islamisme en France."Liberté : Les derniers attentats marquent-ils une recrudescence des opérations terroristes en France '
Alain Chouet : Il ne s'agit pas d'une recrudescence, mais d'une continuité, car les attentats terroristes ne se sont pas arrêtés depuis des mois, voire des années. Nous sommes face à des actions extrémistes violentes inscrites dans la durée et qui se déroulent sur tout le territoire.
La France est particulièrement exposée pour plusieurs raisons dont son engagement militaire à l'étranger et du fait qu'elle soit le premier pays qui accueille les musulmans en Europe. Si l'on tient compte du nombre de musulmans dans le monde, soit 1 milliard 500 millions et si 1 sur 10 000 succombe aux sirènes du jihadisme, nous aurons affaire à 150 000 terroristes.
Il n'est donc pas surprenant que la proportion des jihadistes en France soit plus importante compte tenu du volume de la population musulmane. En revanche, ce qui est surprenant, c'est l'inaction de la France vis-à-vis des sponsors, des instigateurs et des inspirateurs de la violence islamiste.
Les caricatures de Charlie Hebdo sont-elles suffisantes pour expliquer les motivations des auteurs des attentats contre le professeur d'histoire-géographie Samuel Paty et les fidèles de la Basilique de Nice '
Si ce ne sont pas les caricatures, c'est le voile ou la présence française au Sahel... Les islamistes, en particulier les Frères musulmans, trouvent toujours une bonne raison pour justifier leurs actes. Cette fois, les caricatures de Mohammed, auxquelles je n'adhère pas par ailleurs, ont constitué un prétexte en or.
Vous reprochez à la France son inaction, expliquez-vous...
Le problème est le suivant : cela fait 30 ans que nous courons après les petites mains des cercles salafistes. On pourra toujours courir car il y en aura toujours, tant que la matrice du terrorisme islamiste, l'élite et les sponsors financiers existeront. Encore une fois, nous n'avons rien fait pour mettre fin à des ingérences extérieures qui entretiennent l'islamisme en France qui viennent de l'Arabie saoudite et du Qatar.
Cela a été le cas notamment en Algérie où la pénétration islamiste s'est faite dans les années quatre-vingt. À l'occasion, je salue mes camarades des services de sécurité algériens qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes pour endiguer le phénomène du terrorisme. À la DGSE par exemple, nous avons tout mis en ?uvre pour contrer le terrorisme avec les moyens que nous avions.
Nous avons fait ce que nous avons pu pour identifier les personnes potentiellement dangereuses. Mais tout cela reste dérisoire tant que les sponsors de l'idéologie islamiste ne sont pas inquiétés et que celle-ci continue à se diffuser. Comment peut-on dans ces conditions identifier parmi les 6 ou 7 millions de musulmans qui vivent en France ceux qui se préparent à passer à l'acte '
Justement, il semble y avoir une mutation dans la menace terroriste. Les derniers attentats n'ont pas été commandités par des organisations. Ils sont l'?uvre de personnes qui ont plutôt agi seules...
Effectivement, ces actions ne sont pas apparentées à une organisation en particulier comme El-Qaîda et Daech. Elles s'inscrivent dans la démarche globale des Frères musulmans qui veulent rendre les musulmans haïssables au reste du monde pour mieux les dominer et les empêcher d'avoir des tentations démocrates.
Cette stratégie est en vigueur depuis les années 30. Non, elles ne sont pas dérisoires, car de nombreux attentats ont pu être déjoués. Mais à moins qu'on mette un gendarme derrière chaque citoyen, les mailles du filet ne seront jamais assez serrées pour empêcher des actes isolés commis par des individus, qui se sont rempli la tête sur les réseaux sociaux en lisant la littérature islamiste.

Propos recueillis par : SAMIA LOKMANE-KHELILI


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