Algérie

"Nous devons la vérité aux Algériens"



Habituellement pondéré, le docteur Bekkat-Berkani sort de sa "réserve". Il remet en cause, et avec des mots durs, la stratégie adoptée dans la lutte contre le coronavirus."Toutes les régions d'Algérie sont concernées par cet effet rebond de la maladie. La situation est alarmante", a reconnu le Dr Mohamed Bekkat-Berkani, membre du comité de suivi et de lutte contre le coronavirus, lors de son intervention jeudi dernier sur les ondes de la radio Chaîne 3.
"Nous avons constaté les jours passés, voire les semaines dernières, une tendance haussière des cas diagnostiqués particulièrement dans certaines wilayas. Nous avons aussi une augmentation inquiétante du nombre de cas des membres professionnels de santé et beaucoup de décès", a-t-il poursuivi, appelant à trouver des solutions au plus vite pour "freiner la propagation".
Il recommande alors "le confinement ciblé" et appelle "à ne pas hésiter à prendre des mesures extrêmes" parce qu'il y va de la santé publique. Tantôt accusateur, tantôt moralisateur, l'intervenant a soutenu que "l'Algérie est à la croisée des chemins". Il ne manquera pas alors d'évoquer "des dysfonctionnements, notamment en termes d'exécution des recommandations", sans disculper le citoyen en signalant "son indiscipline". Bekkat parlera aussi de "failles dans le transfert d'autorité aux niveaux politico-administratif et sanitaire". À ce propos, il précise que "des directeurs de la santé ou d'hôpital n'arrivent pas à suivre les décisions", notamment pour ce qui est des professionnels. "Les médecins sont au bord du burn-out", lâche-t-il, prévenant contre "une situation de rupture". Le Dr Bekkat a carrément avoué que "le système de santé était déjà dans une situation difficile" et soutient que "la gestion doit être à la hauteur de l'épidémie". Il insiste : "C'est la guerre contre le virus. On doit faire des plans véritables et applicables sur le terrain. Il ne suffit pas de se réunir et de faire des v?ux pieux."
Une critique du travail de la commission qui semble avoir montré ses limites. "Le Comité scientifique a une part de responsabilité. Il aurait gagné à être élargi à des forces représentatives. Nous avons besoin de l'avis des syndicats, des forces organisées, des experts de renom, des sociologues et de psychologues pour voir comment réagit la société", a-t-il soutenu.

Les médecins privés évincés du plan de lutte
"Il est inadmissible qu'on manque d'oxygène et de moyens de protection alors que nous avons passé des mois à dire que nous les avons reçus de Chine et autres. Où sont-ils passés ' Où sont les tests rapides pour avoir une idée sur l'épidémiologie, en particulier chez les professionnels de la santé '" Des interrogations qui se sont enchaînées jusqu'à se demander "pour quelle raison les médecins privés n'ont-ils pas été associés à la stratégie de mise en place '". Bekkat appelle "à revoir toutes les failles" allant de l'individu au matériel, jusqu'aux structures d'accueil des malades. "Nous sommes en train de penser à réquisitionner les hôtels. Cela ne servira à rien. Les hôpitaux suffisent. Il faudrait en revanche qu'il y ait un véritable plan de lutte et de guerre et que tout le monde soit sur le pont." Bekkat persiste et signe.
"Il faut que la cellule, qui a été mise en place pour l'observation de l'épidémie, rende des comptes et qu'elle soit en mesure de donner des directives. Elle est dans l'obligation de résultats, et que chacun assume ses responsabilités." Loin d'être fataliste, le Dr Bekkat espère "redresser la barre de manière énergique et avoir un véritable poste de commandement", tout en insistant sur le devoir de vérité au peuple.
"Nous devons la vérité aux Algériens. L'information doit leur parvenir non pas sous forme de chiffres journaliers tel un décompte macabre qui ne veut rien dire, mais plutôt en leur expliquant le comment du pourquoi, faire passer le message et convaincre quitte à montrer des images choquantes pour que les gens, qui sont dans le déni, puissent mesurer l'ampleur de la pandémie."
Nabila Saïdoun


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