Algérie

«Nous avons un combat à mener»



Mais qu'est-ce qui pourrait bien extraire cette jeune Algérienne, mère de famille, dans son confort d'enseignante universitaire' Ce n'est certainement pas le désir sadique de s'attirer des quolibets et de s'exposer aux attaques souvent virulentes de ceux qui sont foncièrement opposés aux élections législatives du 12 juin prochain. L'apparat et le prestige qu'offre la députation ne sont que l'écume des choses. Au-delà, il y a une vague profonde qui anime Nardjes Flici. «À mes risques et périls, j'ai décidé de me présenter à cette élection car je considère que nous n'avons pas le droit de céder le passage aussi facilement. Non, trois fois non!» s'insurge-t-elle. «Nous avons subi dans notre chair l'expérience islamiste et nous avons bu jusqu'à la lie leur potion. Nous savons de quoi ils sont capables.»Pour mieux justifier sa participation à ces législatives, la candidate de Jil Jadid lance son argument massue: «Je considère que les laisser triompher est une trahison pour le combat de toute une génération.» Mais alors que fait-elle du Hirak, des marches et des revendications de cet extraordinaire Mouvement populaire' N'est-ce pas que participer à ces élections, est aussi une manière de trahir ce mouvement'
«Je suis pour le changement tel que revendiqué par le Hirak, j'ai marché, crié, scandé et revendiqué ce changement, je ne vis pas dans une autre planète, mais bien en Algérie où a régné la gabegie, où les horizons sont bouchés pour les jeunes et les droits les plus élémentaires bafoués.»
Parce qu'il y a un temps pour tout. Après deux années de manifestations, Nardjes regrette la non-structuration du mouvement. «j'ai tenté de le faire dans mon entourage, immédiat, mais il y avait une telle pression, un unanimisme ''dévorant'' qu'il était impossible d'agir.» Ce n'est que partie remise, Nardjes qui a tété la politique au berceau- sa mère étant fondatrice du RND- n'est pas du genre à abandonner l'arène du combat. Elle revient à la charge, pour séduire et convaincre de la justesse de sa démarche. Son idéal étant de transformer l'échec de la structuration du Hirak en réussite électorale et l'amenant ainsi à révéler un espoir insoupçonné au moment où les perspectives semblaient bloquées. C'est ainsi que cette universitaire nous offre une fois de plus la démonstration qu'il y a des ressources inépuisables chez la jeunesse algérienne. De son obstination, de son audace nous retenons la détermination de ne jamais laisser le dernier mot aux islamistes. «Il nous faut de nouvelles institutions. L'Assemblée populaire nationale est le meilleur et l'unique moyen d'impulser ce changement, dans le calme et la sérénité, sans violences et sans effusion de sang», dit-elle. À bien regarder le déroulé des événements depuis l'ouverture démocratique, il faut avouer que la trame n'a été qu'un tissu de malheurs. À chaque fois que nous négocions un virage de l'Histoire, le sang des Algériens coule. Dans ce chapitre, les exemples foisonnent: de l'ouverture démocratique d'octobre 1988, à la décennie noire et les événements de Kabylie de 2001.
Sommes-nous condamnés à cette malédiction' Sommes-nous obligés d'évoluer sur cette trajectoire circulaire où chaque détour est un retour vers le deuil et la douleur' «Non et trois fois non!», crie Nardjes. «Le peuple a démontré son attachement au pacifisme, il appartient maintenant aux intellectuels de faire preuve de génie pour s'éjecter de cette noria de malheurs.» Un blanc et furtif silence succède à cette complainte qui sort des tripes puis elle reprend le flux de ses idées. Réfugiée derrière ses lunettes, son sourire brun et doux trahit sa timidité, celle des grands orgueilleux souffrant de n'être point parfaits, surtout lorsque le faisceau de la curiosité publique allumé les scrute brusquement. Nardjes fait cependant un aveu: «Je n'ai jamais compris comment fonctionne mon pays.» Dénouera-t-elle peut-être cette intrigue une fois élue' Vaste projet politique en Algérie.


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