Algérie

« Nous avons toujours trouvé l'Algérie à nos côtés » Entretien avec M. Maghdi Mohamed Taha, ambassadeur de la République du Soudan en Algérie



« Nous avons toujours trouvé l'Algérie à nos côtés » Entretien avec M. Maghdi Mohamed Taha, ambassadeur de la République du Soudan en Algérie
Excellence, le Soudan revient au devant de l'actualité. Peut-on avoir de plus amples informations sur les relations entre le Sud et le Nord '
D'emblée, je peux vous assurer et rassurer : les choses ne vont pas aussi mal que le rapportent certains médias. Y compris soudanais. Il est vrai que le conflit avec le Soudan du Sud a trop duré. Mais actuellement, la situation est rétablie. Grâce aux efforts fournis par les deux parties, l'aide de l'Union africaine à travers son médiateur, l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki, nos relations ont pris une forme normale. Grâce à l'accord d'Addis-Abeba que les présidents des deux pays se sont engagés à respecter et appliquer dans les délais, nous sommes sur la bonne voie. Depuis le 10 mars, les forces armées des deux pays se sont retirées de la zone démilitarisée, théâtre de nombreux accrochages. Il faut dire que cette question constituait une menace : chaque acte, voulu ou pas, provoquait des échauffourées et parfois des pertes humaines. Sauf imprévu, la reprise des exportations de pétrole du Sud par les oléoducs qui traversent nos terres aura lieu dans une semaine, deux au maximum. Autrement dit, c'est la fin des difficultés financières pour les deux pays.
Vous vous êtes entendus sur le prix que doit payer le Soudan du Sud '
Je ne connais pas le prix exact. C'est, vous en convenez, une opération assez compliquée. Ce que je peux vous dire toutefois est que le prix a été calculé après la consultation de plusieurs experts étrangers et des pays qui ont eu ou connaissent des conditions similaires aux nôtres.
Excellence, peut-on dire qu'avec cet accord, en attendant une entente sur le statut de la zone contestée d'Abyei, le retour à la case départ entre Khartoum et Juba est exclu '
Je vous atteste qu'avec l'accord qui a été mis en place, le retour à la case départ avec le Sud est inconcevable.
Qu'en est-il pour le Nil bleu, le Kordofan '
Parmi les points positifs de l'accord d'Addis-Abeba, la limitation de la zone isolée. Par cette limitation, aucun ne peut accuser l'autre d'héberger son opposition armée. Cela dit, il convient de préciser que le Nil bleu et le Kordofan n'ont aucun lien direct avec le Soudan du Sud. Ces régions figurent dans l'accord de paix global. Nous avons, en tant que gouvernement, ouvert nos bras aux rebelles de ces deux régions. Y compris à ceux qui ne respectent pas ce qui a été prévu dans l'accord signé en Ethiopie. Nous leur demandons de venir dialoguer avec nous. Nous leur expliquons régulièrement qu'il faut mettre fin à ces « conflits », qu'il faut permettre aux populations de profiter de la paix et du développement. Pas plus loin que la semaine passée, le gouvernement les a conviés à des négociations. Nous souhaitons qu'ils soient au rendez-vous.
Où en sont les pourparlers à Doha avec les représentants du MJE '
Les négociations qui ont commencé il y a trois mois à Doha, entre des représentants du Mouvement pour la justice et l'égalité et du gouvernement, sont dans leur phase finale. Dès la signature de cet accord de paix, des représentants de gouvernements vont plancher sur le projet de développement pour le Darfour qui nécessitera 7,2 milliards de dollars sur 6 ans.
La partition du Soudan serait-elle terminée '
La partition du monde arabe, de tout le monde arabe, est planifiée depuis des décennies. C'est une réalité qui existe, que nous devons connaître et combattre. Si on prend l'exemple du Soudan, le germe du Sud a commencé en 1921-22 à l'époque de l'occupation britannique. Pour préparer la population, on interdisait le port de la tenue qui unifiait tous les Soudanais, on limitait le déplacement des habitants du Sud vers le Nord et vice-versa. On ne s'est pas arrêté à ces « interdits ». On a instauré ensuite un déficit culturel entre les habitants du Nord et ceux du Sud. Pour les autres régions ' Je n'en sais pas trop. Sinon ceci que la question du Sud est très différente des autres régions du Soudan et que nous entendons ici et là parler de l'existence d'autres plans pour diviser notre pays en cinq Etats. Je sais que depuis peu, on se focalise sur la question du Darfour, qu'on présente ce conflit comme opposant arabes et non arabes alors qu'il s'agit de différends sur l'eau et la terre. Soyez rassurés : nous ne resterons pas les bras croisés. Nous avons beaucoup appris de l'expérience du Sud.
Qui veut vous diviser en cinq, des pays, des ONG, des individus '
Ce sont des Etats connus.
Des pays arabes '
Absolument pas.
Qui alors '
Ces pays sont connus. Ils sont en Occident. La plupart ont des agendas. Pas seulement pour le Soudan mais pour tout le monde arabe. On les a vus en Libye. On les voit aujourd'hui en Syrie, au Sahel. Au Soudan, nous les connaissons. Nous avons une expérience avec le Sud et le Darfour. Nous avons des preuves. Nous avons arrêté des « humanitaires ». Travaillant officiellement pour certaines Organisations, ils exerçaient en réalité pour le compte de services de renseignements et d'espionnage étrangers. Israéliens entre autres. Outre ces « services », il y a des lobbies qui ont besoin de créer des crises pour prospérer. Au Soudan, à chaque fois que nous réglons une crise, ils nous créent une autre.
Comme tout le monde arabe est menacé, que vous avez une expérience dans ce domaine, quels conseils pourriez-vous donner aux autres pays de la région s'ils veulent éviter leur partition '
Chaque pays arabe a ses particularités, ses conditions, ses données. Chacun est conscient des défis qu'il doit relever et des complots auxquels il doit faire face. Je fais confiance aux dirigeants arabes. Je compte aussi sur nos penseurs et nos intellectuels pour qu'ils nous éclairent et mettent en pièces ces « idées-complots ».
Et la Ligue arabe '
Pour ne pas émettre des jugements, je peux dire qu'on a eu droit à des positions assez différentes. Dans certains cas, nous avons bénéficié d'appuis. Dans d'autres, moins ou pas du tout.
Et de l'Algérie '
Nous avons toujours trouvé l'Algérie à nos côtés. Parfois, ça peut vous surprendre, nous l'avons trouvée présente, à nos côtés, avant de lui exprimer nos besoins, nos attentes.
Revenons à la politique interne, excellence. Le vice-président vient de d'adresser des invitations à l'opposition pour qu'elle participe à la rédaction de la nouvelle Constitution. Certains opposants ont décliné déjà cette offre.
Peut-on en savoir plus '
L'invitation lancée par le gouvernement aux partis politiques pour participer à la rédaction de la nouvelle Constitution est sincère. Nous cherchons une participation massive des Soudanais à la rédaction de ce document qui décidera de la forme du régime. Maintenant, les partis sont libres. Ils y a ceux qui font dans la surenchère. Il y a ceux qui posent leurs conditions. Il y a ceux qui font des calculs avant de « rentrer » dans le dialogue. Je les comprends. Mais pour ceux qui ont des positions fixes et fermes et ayant affiché clairement leur refus, je peux dire, soit ils n'ont rien à proposer, à dire, soit ils aiment critiquer pour critiquer. En résumé, tout le monde connaît l'importance du document à rédiger, les mécanismes du dialogue. Libre à ces partis de participer ou de boycotter.
En ces temps de printemps arabes, ne croyez- vous pas que certains partis agissent en fonction d' « agendas » dictés par l'extérieur '
Des « printemps », nous en avons connus. Le Soudan a connu un mouvement populaire en octobre 1964 qui a fait chuter les gouvernements militaires de l'époque. Nous avons vécu en 1985 un mouvement similaire. Il est vrai que récemment, le Soudan a connu quelques « turbulences ». Des citoyens sont sortis dans la rue pour protester contre la hausse des prix et la détérioration des services. Que faire ' Le gouvernement n'arrête pas de répéter : il faut augmenter la production. Si ne nous le faisons pas, nous devons supporter les conséquences. Je sais que les journaux, surtout ceux de l'opposition, ont inversé des faits. Mais c'est ça la démocratie.
Que devient Hassan Tourabi, le leader de la mouvance dite « islamiste » '
Le gouvernement a ouvert, ces dernier temps, ses bras à tous les opposants qu'ils soient à l'intérieur du Soudan ou à l'extérieur. Il y a des contacts à tous les niveaux. Le pouvoir les appelle à s'asseoir autour d'une table pour négocier.
Ne s'engagerait-il pas dans la campagne présidentielle maintenant qu'El Béchir renonce à se présenter en 2015 '
Le président a réellement exprimé son intention de ne pas se présenter aux prochaines présidentielles. C'est probablement pour donner aux jeunes la possibilité d'émerger et permettre une alternance au pouvoir.
L'opposition dit ne pas croire en cette annonce...
Le Congrès national statuera sur cette question au moment opportun.


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