Algérie

«Nous avons des fragilités dans notre Etat»



«Nous avons des fragilités dans notre Etat»
Son intervention dans le débat national est plus qu'opportune tant le climat politique dominant est rempli d'incertitudes. Mais surtout d'inquiétudes.L'ancien chef de gouvernement réformateur, Mouloud Hamrouche, s'est employé à recadrer le débat sur les réelles préoccupations qui guettent le pays et «Les grands défis pour l'Algérie», thème de la conférence qu'il a donnée, hier à Alger, devant les militants du front El Moustakbal.Prenant de la distance avec les événements ? polémiques ? immédiats, Hamrouche, avec une hauteur de vue, attire l'attention? des décideurs sur les problématiques d'ordre géostratégique : l'Etat, son armée, la nation et la société. «L'Algérie est le seul pays au monde dont l'armée est déployée en permanence, depuis des années, sur le terrain et nous ne pouvons que lui rendre hommage. Mais la chose la plus importante, ce n'est pas tant l'ennemi auquel ce soldat fait face. Non, il le vaincra facilement. Le plus important est que ce même soldat sente bien que son dos est protégé.De se dire que derrière lui, il y a une nation qui le soutient, qui le protège par sa cohésion, son harmonie et son adhésion.» En raison de sa filiation historique, mais aussi de la place qu'occupe pour lui l'armée en tant que fondement de l'Etat, Mouloud Hamrouche a pleine conscience de la prépondérance de l'armée dans la préservation de l'idée même de l'Etat et de la nation. Celui qui ne cesse d'appeler l'armée «à garder la discipline et surtout à ne faire allégeance qu'à la patrie» rappelle à juste titre l'état de santé politique du pays. Il n'hésite pas à employer des mots durs car la situation est sérieusement périlleuse à tout point de vue.«Il y a lieu de réparer ce que moi j'appelle non pas des faiblesses, mais des fragilités car, effectivement, nous avons des fragilités dans notre Etat, dans notre société et dans bien d'autres domaines.» L'heure est grave et la «maison commune» est réellement menacée, semble dire Mouloud Hamrouche, plus préoccupé par la pérennité de l'Etat et de la nation que par la question du pouvoir. Frappées d'impuissance, les institutions de l'Etat cèdent une à une devant la montée en puissance des pouvoirs informels, en passe de devenir une oligarchie menaçante. L'armée reste-t-elle le dernier rempart ' Mouloud Hamrouche, au double parcours militaire et politique, rappelle qu'«un Etat, c'est d'abord son armée».Mais une armée au service d'un pays et non pas à celui des hommes, notamment en ces moments où les ambitions ne font plus mystère. Avec sa lucidité légendaire, il rappelle, pour mieux secouer les mémoires défaillantes mais avec une interrogation lourde de sens : «Sommes-nous menacés en tant qu'Etat de subir un destin comme celui de l'ex-Yougoslavie ' Moi, je dirais oui et non. Non, parce que l'Algérie, c'est d'abord son armée.En 1947, pour la première fois depuis le XVe siècle, l'Algérie s'est affirmée en tant que nation à travers d'abord l'Organisation militaire secrète (l'OS), puis l'Armée de libération nationale.» Le rappel historique est hautement nécessaire pour ramener à la raison ceux qui seraient tentés par l'aventurisme en ces temps de doute général, mais également dans un contexte mondial en convulsion dans lequel un Etat fragile ne risque pas seulement l'implosion, mais la disparition.«De nos jours, face aux grandes puissances, les organisations internationales comme l'ONU ou la Ligue arabe sont quasiment inexistantes. La mondialisation a complètement dilué les frontières entre Etats. L'émergence des nationalismes dans le monde fera en sorte que les guerres primeront sur toute autre option dans la résolution des conflits», prévient le chef de file des réformateurs.Depuis quelques années, l'homme ne cache plus ses inquiétudes quant au devenir du pays dans sa configuration actuelle. Les errements des pouvoirs successifs ne font que réunir les conditions objectives pour détruire ce que les pères fondateurs ont bâti dans la douleur. Un capital historique bradé sur l'autel des ambitions étroites de groupes qui se disputent en permanence le pouvoir. Soucieux de l'avenir du pays et des ambitions en tant qu'Etat central, Mouloud Hamrouche assure que les grandes batailles sont celles de la maîtrise des connaissances, du savoir et des technologies. «Ce qui fera de notre pays une puissance régionale et un Etat-pivot n'est pas tant sa superficie ou le nombre de ses habitants, mais le savoir et l'intelligence.Ce sont des armes.» Et pour trancher avec une actualité toxique liée justement à celle de l'école prise en otage dans une bataille idéologique d'arrière-garde, Mouloud Hamrouche recadre le débat non sans colère : «Il faut absolument arrêter le processus de dégradation de notre système éducatif et du savoir. L'intelligence est la clé de la réussite !» Hamrouche ne fait que rappeler des évidences que le gouvernement semble avoir oubliées ou abandonnées. Une gouvernance gagnée plus par l'improvisation et l'absence de vision globale et de long terme. Mais surtout de gestion démocratique et transparente du destin du pays.


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