Algérie

Nourredine Hadjeb: «Produire des légumes secs plutôt que les subventionner à l'import»



Le groupe Hadjeb, ce sont cinq filiales qui couvrent toutes les activités du négoce et de la distribution sur une grande partie du territoire algérien. Son mentor, Nourredine Hadjeb, veut remonter vers son amont et produire en Algérie les légumes secs qu'il importe. Son expérience à succès devrait inciter à l'écouter aussi lorsqu'il appelle à un plan de développement urgent pour son terroir en Kabylie.

Bien assis derrière son bureau, Nourredine Hadjeb semble stressé. Des coups de fil et des visites interminables. Mais lâcher quelques sourires de jovialité n'est pas chose difficile pour lui. Pour lui, la vie est bien plus qu'une entreprise. Avant de commencer dans l'investissement, M. Hadjeb a d'abord été étudiant. Bac math en 1984, il bénéficie d'une bourse en URSS pour en revenir avec un master en Construction des métaux. Pas de boulot dans le domaine. Enseigne alors Résistance des matériaux à l'université de Tizi Ouzou. Et monte, entre-temps, un petit commerce de détail de produits alimentaires pour occuper ses jeunes frères alors en chômage. La chance lui sourit. Il démissionne alors de l'université après 8 ans de service et se lance dans le monde «flou» du commerce. D'une expérience à une autre, en passant notamment par la distribution et le super-gros des produits alimentaires, il parvient entre 2007 et 2009 à monter les 5 filiales qui constituent aujourd'hui le groupe Hadjeb : Blanco Impex, Dylia Négoce, Hadjeb Auto, Rive Sud Conditionnement et Tansport Hadjeb. Machine en marche avec, comme locomotive, sérieux, rigueur et pragmatisme. Aujourd'hui, ce groupe gravite essentiellement autour Dylia Négoce, spécialisée dans l'import de produits manufacturés (champignon, thon, etc.) et de Rive Sud Conditionnement (RSC), filiale spécialisée dans le conditionnement des produits alimentaires de première nécessité. «Nous disposons, à présent, d'un réseau national de distribution. Au niveau du centre, nous distribuons nos produits avec nos propres moyens de transport. Pour les autres régions, nous avons des dépositaires». Les produits conditionnés sont-ils locaux ? «Malheureusement, il n'a y a pas de légumes secs dans notre pays. Cette culture a complètement disparu. Nous importons tout de l'étranger, particulièrement le Canada, le Mexique et la Chine.»

NE PAS SUCCOMBER A LA FATALITE DE L'IMPORTATION

Mais le groupe Hadjeb ne semble pas prêt à céder devant «la fatalité de l'import». «Nous voulons investir dans l'agriculture afin d'alimenter notre entreprise, notamment dans le poix chiche et la lentille en Kabylie.» Ce qui, par ailleurs, pose problème, «c'est le foncier agricole qui fait terriblement défaut dans la région». «Nous avons sollicité le ministère de l'Agriculture et ça n'a rien donné. Nous essayons d'avancer tout seuls. Mais, une initiative privée et isolée, aussi importante soit-elle, ne peut rien changer. L'Etat algérien donne les terres à ceux qui ne travaillent pas et en prive ceux qui travaillent. Au lieu de subventionner les produits importés, comme le lait et le blé, il doit aider les producteurs nationaux. Le lait est subventionné à 70% pour être vite revendu aux frontières. Pourquoi le Gouvernement n'utilise pas cet argent pour aider les producteurs de lait nationaux, chose qui va par ailleurs encourager ces derniers à investir davantage et à créer de l'emploi ?» «Le souci capital du Gouvernement algérien est d'acheter la paix sociale. Il a osé subventionner, suite aux événements de janvier 2011, même les légumes secs qui sont pourtant importés à des prix exorbitants au lieu d'encourager les agriculteurs nationaux à investir dans le domaine.»

EN FINIR AVEC LA FRAUDE FISCALE

«Il faut un assainissement urgent du commerce en Algérie», prévient Nourredine Hadjeb. La sentence fait l'unanimité. «Big boys» du régime, les gros commerçants ayant investi le terrain depuis le premier jour du libéralisme algérien, étaient au dessus de tout, y compris la loi. C'est la loi de «laisser les chose pourrir tant que j'en profite». Aussi ont-ils, avec le temps, instauré des «mÅ“urs fiscales parfaitement légères» dans le pays. La fraude est devenue systématique, voire systémique. Aujourd'hui, tout le monde s'en plaint. Tire la sonnette d'alarme. «Vous imaginez ! La majorité de nos clients refuse qu'on leur fasse des factures. C'est aberrant.» Quelle est la solution ? Pour en finir avec la fraude fiscale, Nourredine Hadjeb ne se mord pas les ongles. La solution est très simple : créer un impôt forfaitaire que tout commerçant doit payer lors de l'ouverture de son registre selon le type de commerce qu'il fait et du lieu où il se situe. «C'est la seule façon qui peut nous permettre d'en finir avec la fraude fiscale.»

 La situation économique de la région inspire des responsabilités sociales au boss des Aït Douala. Les investisseurs fuient le marasme de la Kabylie. «Moi je ne partirai pas». Il ne s'agit pas seulement de gagner de l'argent. Il est aussi question de «terre» et de «sang». «Il faut travailler. Si on ne fait pas bénéficier la région d'un plan de développement exceptionnel, il faut s'attendre au pire. Tous les pires. Les gens vivent dans le désastre. Nous, de notre part, nous faisons de notre mieux pour améliorer la situation de la région. Mais ce n'est pas à un ou plusieurs investisseurs, aussi grands et performants soient-ils, de mettre en marche une économie. Il faut que l'Etat ait une politique économique claire et cohérente.» Ceci, malheureusement, «fait défaut». Mais Nourredine Hadjeb ne s'en formalise pas. Pour lui, «l'optimisme est dans l'action».




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