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Noureddine Melikechi, un Algérien sur la planète… Mars : «L’Algérie se doit d’être un centre gravitationnel et non pas un trou noir»



Noureddine Melikechi, un Algérien sur la planète… Mars : «L’Algérie se doit d’être un centre gravitationnel et non pas un trou noir»
De Thénia à la planète rouge, vous avez fait du chemin, professeur Melikechi… Pouvez-vous nous parler de votre odyssée qui doit certainement inspirer nos régiments de harraga potentiels ? Vous qui êtes «ambassadeur» de Mars, comment peut-on aller sur la planète rouge quand on est algérien, sans visa, peut-être même sans passeport (sic) ?

Tout d’abord, il est important de préciser que je crois fermement que mon parcours professionnel, tout comme le parcours de nombreux de nos compatriotes, qu’ils soient en Algérie ou ailleurs, n’est intéressant que dans la mesure où il peut servir les jeunes à mieux appréhender leur futur. Il va de soi que c’est une voie, et même une voix parmi d’autres. A mon avis, toute «odyssée» comme vous l’appelez commence par un rêve, notre rêve, pas celui d’autrui.

Que l’on soit à Alger, Oran, Constantine, Tizi, Tam, New York ou ailleurs, on a tous la possibilité et la faculté de rêver. Il est important que le rêve s’inscrive dans une démarche où l’on reconnaît que la valeur et le succès d’une personne ne se mesurent pas par le nom de sa ville natale, ni par son nom de famille, ni par la position qu’elle occupe mais plutôt par sa faculté à contribuer positivement à la société et pourquoi pas à l’Humanité et du bonheur qu’elle ressent.

Ce faisant, on décide par et pour soi-même de ce que l’on veut être ou devenir. A partir de là, on se doit de trouver le moyen pour que ce rêve crée en nous une force active, une force motrice qui nous permette de le poursuivre activement et à terme, peut-être, de le vivre effectivement. Pour cela, il faut croire en soi et travailler intelligemment pour acquérir les connaissances et les compétences requises. Dans le même temps, il faut une détermination à vouloir progresser et une constance dans l’effort en donnant le meilleur de soi-même dans tout ce que l’on entreprend.

L’histoire nous montre que la plupart de celles et ceux qui ont réalisé leurs rêves l’ont fait parce que, d’abord, elles et ils y ont cru fermement. Nous vivons dans un monde qui change de plus en plus vite, un monde où l’on peut collecter des quantités très importantes de données de toutes sortes. Cela était impossible il y a de cela à peine vingt ou trente ans.

Aujourd’hui, l’information circule très rapidement et est disponible au bout de nos doigts. Les sciences et les technologies progressent sans cesse ; il est par conséquent essentiel de s’inscrire dans une dynamique d’apprentissage continu, de garder un esprit ouvert et critique, de savoir se remettre en question, d’agir en maintenant son cap, et à poursuivre son rêve. A propos des «harraga», il s’agit là d’un véritable drame de société, un drame que je déplore et qui m’attriste profondément. Il est la conséquence de multiples causes. C’est un problème complexe que nos sociologues et autres chercheurs en sciences humaines analysent pour tenter de faire la part de choses. Cependant, mon sentiment est que l’on soit algérien ou de quelque nationalité que ce soit, travailler sur un sujet comme celui de la planète rouge est possible pour tous.

A charge pour le postulant de démontrer une grande passion pour le sujet, de faire preuve d’une motivation exceptionnelle et d’être prêt à y mettre l’énergie et la volonté nécessaires. En d’autres termes, pour «aller» sur la planète rouge, le «visa» requis n’est rien d’autre qu’une soif de connaissances conjuguée à une volonté de fer. Le «passeport» n’est autre qu’une curiosité saine et utile, un amour pour la science, étayés par un cursus approprié. J’ajoute que ce serait un grand plaisir et une immense fierté pour moi d’apprendre un jour que par leurs études scientifiques, de jeunes concitoyens et/ou concitoyennes contribuent à l’amélioration de nos connaissances sur la planète rouge ou sur une autre.

A la NASA, vous participez, depuis plus de dix ans, à l’un des plus importants challenges d’exploration de la planète Mars. L’exploitation des images provenant du rover Curiosity indiquait récemment la présence, dans les sous-sols de la planète, d’un vaste lac d’eau douce. A ce propos, les lecteurs d’El watan sont aussi curieux de connaître les dernières nouvelles provenant de la planète rouge. Que disent les dernières images transmises par la sonde Curiosity ?

Grâce au rover Curiosity, mais pas uniquement, une région de la planète Mars nommée Gale Crater a été caractérisée par l’équipe du Mars Science Laboratory. Ce travail a pris plusieurs formes, utilisant une panoplie d’instruments développés spécifiquement pour cette mission et évidemment un nombre très important d’heures d’analyses de données effectuées par plusieurs centaines de scientifiques de divers horizons et diverses expertises. Ceci a permis de mieux connaître aussi bien la surface de la planète Mars que son environnement immédiat, c’est-à-dire son atmosphère, sa température, et le niveau et la nature des radiations qui y sont émises. Ces études ont non seulement permis de faire de nombreuses découvertes scientifiques et de développer de nouvelles technologies, mais aussi de contribuer à une meilleure préparation des futures missions d’exploration de la planète Mars.

Grâce à Curiosity, nous avons examiné directement et pour la première fois des échantillons récupérés à des profondeurs de quelques centimètres sur la planète Mars. Bien que nous ayons uniquement «gratté» la surface de la planète rouge, ces mesures suggèrent une riche et très longue histoire d’eau en dessous de la surface. De plus, certaines mesures sur des échantillons récupérés sous la surface de Mars et analysés au sein du rover montrent une variation saisonnière de la concentration de méthane et de complexes chimiques organiques. Ces données sont très importantes pour les analyses.

Les études faites grâce au rover Curiosity ont permis de créer une image de la planète Mars qui a approfondi nos connaissances de ce coin de l’univers. Ces résultats suggèrent qu’il est possible que sur Mars il y ait des processus physico-chimiques qui pourraient supporter une forme de vie sous la surface et pourraient avoir eu lieu ou même avoir lieu aujourd’hui. Comme les radiations cosmiques en surface sont trop fortes pour qu’un complexe biologique de quelque nature que ce soit puisse survivre, il est probable que les signatures biologiques, si elles existent, se trouvent enfouies dans le sous-sol de la planète. D’ailleurs, l’étude du sous-sol de la planète est un des principaux objectifs du rover de la NASA qui sera envoyé sur Mars en 2020.

Cette nouvelle aventure sera une étape importante dans la recherche de la vie sur des éléments astronomiques autres que ceux de notre planète bleue. J’ajoute que grâce au rover Curiosity et avec le développement de «l’astronautique», l’espace présentera de plus en plus d’opportunités commerciales. Des compagnies comme SpaceX et d’autres travaillent pour développer des technologies qui pourraient non seulement permettre à l’être humain de faire le voyage vers Mars, mais aussi de s’y installer. L’importance des connaissances du sous-sol de la planète Mars est donc de fait amplifiée. Ce sous-sol est susceptible de devenir un facteur déterminant pour la présence d’humains sur Mars. La question que je me pose parfois est de savoir qu’est-ce qui se fera en premier : est-ce le premier voyage humain sur Mars, ou celui, sans escale, d’Alger à New York ?

«Je ne crois pas qu’il y ait (désormais) des murs qui séparent les sciences», dites-vous. Justement, comme physicien atomique, vous avez travaillé sur la supercam de Curiosity (micro-imageur couleur à distance), un des équipements embarqués dans la sonde marsienne. Dans le domaine de la détection du cancer, l’équipement en question fait une révolution. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Mes travaux de recherche sur la détection de signes précoces de cancers avancent bien, Dieu merci. Il y a une année, une équipe de chercheurs a publié les résultats d’une étude basée sur la méthode atomique que nous avons développée au sein de mon laboratoire. Ces tests ont été effectués sur des êtres humains et montrent clairement la puissance de la méthode. Ceci nous encourage fortement à poursuivre nos efforts. Toutefois, en science il faut savoir douter, se poser les bonnes questions et avancer sur des bases solides. C’est ce que nous essayons de faire tous les jours pour contribuer au combat contre cette maladie ravageuse.

Permettez-moi un petit détour pour m’exprimer sur l’approche m’ayant conduit de Mars à la Terre à la détection précoce du cancer. Beaucoup de problèmes ne peuvent être abordés de façon effective que si nous avons la capacité de créer des équipes multidisciplinaires. Ces problèmes sont souvent si complexes que l’on doit faire appel à des personnes de diverses spécialités, aussi bien dans les sciences dites exactes que les autres, comme les sciences humaines ou sociales. Comment travailler aujourd’hui, par exemple, sur la robotique sans se soucier des problèmes économiques, sociaux et éthiques qui pourraient en résulter ?

Comment peut-on travailler sur le développement d’algorithmes qui touchent nos vies privées sans la contribution de professionnels du droit et de la législation ? Pour travailler sur un certain nombre de problématiques, les chercheurs seront de plus en plus appelés à sortir de leurs zones de confort intellectuel et professionnel. Les interactions entre diverses expertises peuvent créer de nouvelles opportunités de recherche et être, parfois, à l’origine de nouvelles approches dont certaines conduisent vers de véritables innovations, dites de rupture.

Ces interactions peuvent également donner naissance à de nouvelles découvertes ou conduire à des changements significatifs de notre façon d’appréhender le monde. Alors, de fait, notre façon d’apprendre et notre façon de collaborer doivent être adaptées et c’est à l’université que revient ce rôle. L’université est ainsi le moteur du progrès pas seulement scientifique et technologique, mais aussi social, économique, culturel, artistique, urbanistique, etc. Elle doit rester cet espace où naissent et s’épanouissent librement les créateurs, innovateurs, penseurs, chercheurs, et où les grands problèmes du pays voire de notre région y sont discutés et analysés. Elle doit être une source inépuisable d’idées et de renouveau et ouverte sur le monde. Les universités qui souffrent de contraintes bureaucratiques, souvent aussi lourdes qu’inefficaces, trouveront de grandes difficultés à contribuer de façon significative au progrès.

Dans une de vos interviews récentes, vous déploriez le fait que la recherche scientifique (en Algérie) soit prisonnière d’une logique bureaucratique. Ce constat rejoint celui fait par beaucoup de scientifiques qui depuis toujours ont plaidé l’autonomie de la recherche (centres et instituts de recherche). Si vous devez faire le parallèle (comparaison n’est pas raison) avec ce qui se fait ailleurs, notamment aux Etats-unis d’Amérique en matière de recherche, que diriez-vous ?

La bureaucratie est l’un des facteurs qui bloquent la recherche en Algérie, mais il est loin d’être le seul. Vous pouvez vous approcher des chercheurs, particulièrement universitaires, scientifiques ou pas, pour vous rendre compte de l’impact dévastateur de la bureaucratie sur la productivité de ces élites. Je ne peux pas faire de parallèle entre ce qui se fait aux USA et en Algérie, même s’il y a énormément à apprendre de ce qui se fait en Amérique dans le domaine de la recherche. Par contre, je vois ce qui se passe dans plusieurs pays, y compris dans certains qui ont moins de moyens que le nôtre mais dont les universités sont bien plus productives que les nôtres.

Ce n’est pas la qualité des chercheurs algériens qui fait défaut, ni leur dévouement. Le poids de la bureaucratie et le manque d’ouverture sur le monde de nos universités et de nos centres de recherche constituent de vrais freins. Il n’y a qu’à voir les divers indicateurs de mesures de la productivité de la recherche établis régulièrement pour s’en rendre compte. L’université algérienne, en tant qu’institution principale de formation de chercheurs et de futurs leaders, doit s’ouvrir beaucoup plus sur le monde et avoir plus d’autonomie car son efficacité et son épanouissement en dépendent.

Elle doit être cet espace où les jeunes non seulement apprennent à examiner, à analyser, mais aussi à explorer ce qui se fait dans d’autres disciplines que les «leurs» et de prendre conscience du rôle critique de la communication orale et écrite, le raisonnement critique, la contribution positive de la diversité au bien-être social, la responsabilité sociale et l’éthique, et j’en passe. En amont de l’université, l’école a elle aussi un rôle très important à jouer. Elle se doit, entre-autres, de faire en sorte que l’élève aime l’école, apprenne à vivre en société, à réfléchir, à créer, à poser des questions, à manipuler des chiffres, à aimer la culture et les arts, et à graduellement renforcer son amour de l’apprentissage et de l’acquisition des connaissances et du savoir.

Réservoir (inépuisable) de jeunes (70% de la population a moins de 30 ans), l’Algérie est comme condamnée à voir fuir son capital énergie et ses compétences sans que l’Etat n’agisse pour atténuer les effets des programmes d’immigration (Canada, USA, France) assimilés très souvent à des opérations d’écrémage et/ou pillage des ressources humaines. La «fuite des cerveaux», l’Algérie en parle depuis plus de 40 ans. Discours circonstanciels, sevrés de bonnes intentions mais auxquels les actes manquent cruellement.

Comment cette problématique devrait, selon vous, être appréhendée par les pouvoirs publics ?

Le diagnostic a été fait à maintes reprises, en revanche, je ne pense pas qu’il y ait une solution miracle à la fuite des cerveaux, mais il faut aborder la question essentielle : que faire ? A mon avis, il faut d’abord définir une approche pour aborder ce problème de façon rationnelle. Il y a des mesures à prendre et d’autres à éviter. Je vais essayer de résumer ma pensée aussi succinctement que possible.

Il faudrait qu’on ait la sagesse de poser les bonnes questions, le courage d’inclure effectivement les concernés et celles et ceux qui connaissent le sujet, l’intelligence d’analyser la situation de manière objective, la lucidité de tirer les leçons qui s’imposent, le courage d’identifier et d’implémenter des solutions structurelles et pas uniquement conjoncturelles, la compétence et la détermination de mener les actions qui s’imposent, la clairvoyance d’anticiper et de corriger de sorte que ce problème ne ressurgisse plus avec l’ampleur qu’on lui connaît de nos jours, et la liste pourrait être plus longue.

Peut-être qu’alors on aura une plus grande probabilité de réussite de la mise en place d’une dynamique nouvelle où les jeunes et/ou les élites ne se sentent plus exclus, et/ou ne s’excluent plus eux-mêmes en adoptant une attitude démissionnaire (Khaliha ala Rabi), mais en se sentant impliqués et responsabilisés dans leur propre développement. Par contre, les solutions simplistes, de facilité, de façade ou de roublardise ne font que compliquer et aggraver la situation. A l’ère du digital et des sociétés hyper connectées, on ne peut pas rater cette transition et celles à venir. Evidemment, il y a des risques à prendre, des investissements à faire, une fois des stratégies développées.

Ensuite, que vous disent les images des boat people provenant de pays comme le nôtre (phénomène des harraga) et que vous inspire la position de l’Algérie, désorbitée par ses élites et happée par les trous noirs ?

Avant toute chose, je présente mes sincères condoléances aux familles et proches de ceux et celles qui ont perdu la vie en quittant leur pays, guidés par l’espoir d’une vie meilleure outremer. Pour les décédés, Allah yerhamhoum. Pour ceux et celles qui ont embarqué ou supposés l’avoir fait et dont le sort est incertain, j’espère et prie pour que leurs familles aient rapidement de leurs nouvelles. Les images auxquelles vous faites référence montrent des jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, quitter le pays qui les a vu naître, pays de leurs familles, à bord de petites embarcations de fortune. Ces compatriotes le font, conscients des risques qu’ils encourent, dont celui de perdre la vie. Ils le font en sachant ce qu’ils laissent derrière eux, mais en espérant qu’au-delà de la mer ils pourront avoir un meilleur futur.

Ce n’est pas facile de prendre une telle décision. Ces images démontrent l’ampleur d’une tragédie humaine rarement vue dans l’histoire des pays en paix. C’est un constat amer qui fait très mal. Ces images nous interpellent tous. Nous avons des chercheurs et universitaires en sciences humaines et sociales capables de faire des études avec la rigueur qui est la leur et qui est nécessaire et d’émettre des avis qui pourraient nourrir la réflexion. Quant au citoyen que je suis, en l’absence d’études auxquelles je pourrais me référer, je ne peux donner qu’un avis général, avec les réserves qui s’imposent.

Force est de constater que ces images sont le reflet d’un cri de douleur, cri qui d’ailleurs est amplifié par des chants de jeunes supporters dans nos stades de football. Le nier ou l’ignorer ne ferait que plus de mal au pays et aux concernés. Il y a certes un flux du Sud vers le Nord qui s’explique en partie par le besoin en ressources humaines des pays industrialisés, mais ce flux est amplifié par les conditions de vie en Algérie et sa proximité à l’Europe.

Cela dit, n’ayons pas peur de commencer par s’interroger sur notre part de responsabilité avant de diriger nos regards vers les pays de destination de nos compatriotes. L’état dans lequel se trouve notre pays est un facteur prépondérant dans cette équation. On ne prend pas le risque de perdre sa vie pour quitter son pays si on y est respecté, s’il y a des moyens de s’épanouir, et si on a conscience qu’il existe des opportunités réelles, indépendantes du bon vouloir des uns et des autres, de vivre dignement du fruit de son travail et de son talent. Tant que nos jeunes ne sont pas effectivement inclus et impliqués dans la vie du pays, tant qu’ils se sentent marginalisés, cette tragédie ne fera alors que prendre encore plus d’ampleur ou tout au moins perdurer. Ce n’est pas en limitant le champ d’expression et des libertés que l’on arrivera à résoudre ce drame. Il est urgent que l’on prenne conscience qu’aussi bien le futur que le présent appartiennent aux jeunes.

Plus spécifiquement, à propos du départ de nos élites, à mon avis la source principale est leur exclusion sous des formes diverses et variées. A titre d’exemple, même si celui-ci relève du conjoncturel, matraquer des étudiants et des étudiantes a comme effet, certes, d’arrêter une contestation, mais envoie fatalement un message : un manque de respect envers ces têtes et futurs cadres de la nation. Marginaliser toute une frange de la société, la diaspora, par le biais d’une loi aussi injuste qu’irresponsable, aussi aventureuse que néfaste pour le pays, n’aide pas, non plus, à créer une synergie entre les enfants de ce pays.

Même vue uniquement sous l’angle aigu de son apport potentiel au pays, la diaspora demeure un réservoir inestimable de talents et de compétences. Au lieu d’inclure toutes les forces vives, où qu’elles soient, on catégorise, on discrimine et on finit par exclure. Exclus, harraga sur embarcations de fortune ou diplômés quittant le pays un visa en poche, ces personnes se tournent vers d’autres cieux. Aux quatre coins de la planète, de nombreux pays sont prêts à accueillir une bonne partie de cette jeunesse et ce vivier de talents. Ces pays savent que bien pensée et dans bien des cas et à terme, l’immigration apporte aux pays d’accueil une diversité, une vitalité, des expériences, de nouveaux rêves et des nouvelles perspectives de progrès. La solution n’est certes pas facile à trouver, mais elle demande surtout de la sagesse et du courage.

Dernière question : la République de Chine vient d’envoyer une mission pour explorer la face cachée de la Lune. Est-il possible (pour l’ASAL ou autres) d’envoyer une mission habitable sur la planète Mercure, carbonisée par sa proximité charnelle avec le soleil ? Le cas échéant, peut-on y caser (pour un séjour de bronzette) tous ceux et celles ayant fait de l’Algérie cette planète invivable ?

En lançant son programme spatial qui inclut l’exploration de la Lune, la Chine a envoyé un message fort. Il concerne ses ambitions scientifiques et technologiques et son désir de contribuer à des découvertes qui nous aideront à mieux connaître notre environnement spatial. Pour la première fois de son histoire, la Chine a fait «atterrir» avec succès un véhicule spatial sur la face cachée de la Lune.

Ceci est une grande réussite technique, un symbole fort, et est, à juste titre, une fierté pour les Chinois. Le véhicule spatial chinois a à son bord, en plus des équipements de communication, des instruments qui permettent de faire des études géologiques et biologiques pour déterminer si certaines plantes peuvent germer et pousser sur cette partie de la Lune. Si les résultats de cette mission prouvent que la partie de la Lune explorée est viable, celle-ci pourrait alors devenir le lieu d’une station de ravitaillement pour des missions qui partiraient plus loin dans l’espace.

En ce qui concerne la partie de la question concernant l’ASAL (Agence spatiale algérienne) et le séjour de bronzette sur Mercure, je préfère ici dire que je suis fier que des chercheurs et ingénieurs algériens aient réussi à construire plusieurs satellites (la série Alsat) et de les avoir placés avec succès sur orbite. Ceci est une véritable prouesse d’ingénierie et une étape historique qui pourrait ouvrir des possibilités immenses pour le développement économique basé sur la science et la technologie en Algérie. Ce progrès, s’il est bien encadré, aura des contributions certaines sur le développement de l’économie de notre pays. A mon humble avis, pour que cela puisse se faire de manière efficace et durable, il est important d’avoir une vision, de développer une stratégie sur le long terme qui inclut le secteur économique et d’avoir comme un des objectifs, celui d’être parmi les pays occupant les devants de la scène scientifique et technologique spatiale internationale. L’ASAL comme institution est relativement jeune et son travail montre qu’elle est sur une belle trajectoire de réussite. Elle mérite toute notre attention.

Je pense qu’il serait utile de réfléchir à développer en Algérie un centre de recherche et de développement de l’imagerie. Un tel centre s’occuperait notamment du traitement des images reçues par les satellites de l’ASAL et aura pour but de faire de la Recherche et Développement avec pour finalités des applications dans des domaines aussi variés que la médecine, l’agriculture, la recherche minière, la prospection d’hydrocarbures et de ressources hydriques, la désertification, la variabilité du climat et son effet sur l’environnement en Afrique du Nord, la pollution et même à explorer le monde du très petit comme les nanomatériaux.

Ce centre permettrait par exemple à optimiser le temps d’analyse des données récupérées par l’ASAL et par d’autres technologies, et le cas échéant de les transformer en informations quantifiables et valorisées qui aideraient à identifier les actions stratégiques et bénéfiques pour le pays. Je saisis cette occasion pour évoquer un autre domaine de la science, principalement pour féliciter le professeur Mohamed Sahnouni et son équipe pour leur travail sur le site de Aïn Boucherit.

L’Algérie a là une opportunité unique de faire de cette région (et d’autres) un laboratoire scientifique mondialement connu, où chercheurs de divers horizons, de plusieurs pays pourraient collaborer pour faire avancer le savoir et nos connaissances sur l’histoire de l’Humanité. Je reviens à la seconde partie de votre question. Il nous faut tirer les leçons du passé et apprendre de nos échecs : plus d’exclusion ! Nous avons un très beau pays, les potentiels tant naturels qu’humains sont là. Il faut mettre la priorité sur l’inclusion du peuple dans un système politique qui soit véritablement démocratique. Sans verser dans l’utopie ni vouloir me convertir en donneur de leçons, soyons honnêtes et justes envers nous-mêmes et envers autrui, travaillons avec bienveillance pour notre pays, respectons-nous mutuellement, ayons des règles justes et claires et respectons-les.

Reconnaissons que notre diversité est une force et non une faiblesse à masquer, ayons le courage de nous remettre en question et de revisiter même les plus orthodoxes de nos convictions tout en sauvegardant nos valeurs et traditions ancestrales. Les besoins du pays sont nombreux, transformons-les en opportunités. Notre pays deviendra alors au centre de nos projets, principalement au centre des projets de nos jeunes. Notre pays deviendra également non pas un trou noir, mais un centre gravitationnel vers lequel sont attirés les étrangers à la recherche d’une vie meilleure, où leurs rêves pourraient s’accomplir. C’est mon rêve pour mon pays.


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