C'était déjà un bon peintre.Il devient un grand peintre. Bien sûr, il serait bien difficile d'établir des normes pour l'expression «grand peintre» qui recouvre pourtant une réalité éprouvée. Disons donc que Noureddine Ferroukhi a de très fortes chances de le devenir. Et comme la chance ne suffit pas au talent, cela signifie qu'il a atteint aujourd'hui une véritable maturité, aussi humaine qu'artistique.Il vient de le démontrer avec cette magnifique exposition, «Brin d'amour», décrochée ce week-end à la galerie El Yasmine de Dély Ibrahim et dont presque toutes les ?uvres ont été vendues le premier jour. Sa dernière exposition personnelle en Algérie remonte à 2004 (galerie Esma) et s'intitulait «Quand on n'a que l'amour». Douze longues années où le plus beau des sentiments est resté attaché à l'humilité (du «quand on n'a que» au «brin»), comme si l'être-artiste préférait réfréner ses élans plutôt que de subir les revers du droit d'aimer dans notre société et sa fragilité universelle.La critique d'art, Evelyne Artaud, affirmait à propos de son ?uvre : «Aimer, aimer, ce qui procède d'un ordre nécessaire au désordre, aimer la vie dans ce qu'elle a de fragile et de léger, de profond et d'intense, de tragique et d'élégant, d'obscène et de pudique.»Douze années donc parmi lesquelles de très dures, marquées par la maladie et, au- delà de la douleur physique, hantées par l'idée de la finitude humaine. Une expérience dont la terrible alchimie s'est transmutée en créativité, non pas dans un chamboulement radical, mais dans une sorte de sublimation évolutive de la démarche antérieure.C'est toujours le style de Ferroukhi, ses univers et ses gestes picturaux, tout ce que l'on connaissait donc de lui. C'est toujours son génie chromatique, magistral dans les bleus et rayonnant sur l'ensemble de la gamme, réinterprétation moderne des couleurs de la miniature, de l'enluminure et des peintures sur bois d'antan. C'est toujours son jeu de subtilités, sa capacité à créer des personnages et des atmosphères où la sensualité le dispute à la sensibilité, où l'on sent un avant et un après, comme dans l'image arrêtée d'un film. Mais tout ce «connu» a pris à l'évidence un tel poids, une telle profondeur, un surcroît d'émotion, une plus-value de sagesse, une amplification des effets. Du Ferroukhi exponentiel.Un Ferroukhi qui, pour la première fois, a révélé ses chagalliens Espoirs grotesques, des feuilles A4 d'un carnet intime pictural où, depuis trente ans, l'écriture se mêle au dessin et l'encre à la peinture et qu'il considérait jusque-là comme exercices confidentiels. L'épreuve du combat pour la vie l'a porté sur des rivages lointains de sa géographie personnelle. Pour Hassiba Khorsi, auteure du texte de son catalogue, «c'est de la résilience, une re-naissance».Lui nous affirme : «En fait, je me suis mis à nu en quelque sorte parce que j'ai touché le fond? Je pense, sans aucune prétention, être arrivé maintenant à formuler les mots en images, avoir abouti à quelque chose, je ne sais pas quoi encore, quelque chose qui est là.» Ce quelque chose est sans doute une poésie de la peinture qui réussit à être de l'art contemporain. Mais profond et ressenti.
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Posté Le : 23/04/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ameziane Farhani
Source : www.elwatan.com