Algérie

Nouar Harzallah, PDG de l'Eepad : «Nous allons créer 1.200 emplois en 2012»



Après plus de deux années d'absence sur son métier de provider ADSL, suite à un conflit commercial avec Algérie Télécom, le premier opérateur privé dans le domaine des TIC va décliner au public les fruits de son activité développement qui n'a pas cessé. Nouveaux produits, production du contenu pour le Net et exportation de la tablette graphique fabriquée à Annaba. Le PDG de Eepad, Nouar Harzallah, revient dans les médias avec un paquet de projets sous le bras. Entretien exclusif.

Où en est le conflit entre l'Eepad et Algérie Télécom ?

Le différend commercial entre Algérie Télécom et Eepad dure depuis 27 mois. Après plusieurs expertises, la justice a tranché le 25 décembre dernier sur le montant final de notre dette envers l'opérateur public à 2,2 milliards DA TTC. Le dossier est en cours de traitement. Il évolue positivement.

Quelles sont les solutions envisageables pour régler définitivement ce contentieux ?

Elles seront décidées d'un commun accord entre Eepad et Algérie Télécom.

L'Etat a décidé de favoriser les entreprises en difficulté. L'Eepad, qui existe depuis 20 ans, est passée par une période difficile, mais n'a pas cessé totalement ses activités, hormis l'accès à Internet. Personne ne peut nier que notre entreprise a apporté de la plus-value dans le domaine des TIC, qu'elle a été pionnière dans l'introduction de certaines nouveautés. Il serait quand même dommage de perdre un acteur majeur, au moment où il faut encourager les ISP à se développer.

Depuis septembre 2009 vous avez fonctionné en équipes réduites. Quel est le nombre d'emplois perdus par l'Eepad ?

En perdant l'accès Internet, nous avons perdu une importante partie de notre chiffre d'affaires. Il était donc inévitable de réduire au maximum nos équipes et d'en garder uniquement celles dédiées au développement. Sur 560 emplois, plus de 400 ont été mis au chômage technique. Quelques-uns ont été récupérés par AT et d'autres par des multinationales pour leurs compétences et leur savoir-faire.

Avec les nouveautés que vous annoncez, comme l'Assilabox et la tablette graphique, on voit que Eepad n'a pas cessé de travailler...

La force de l'Eepad réside dans les compétences techniques de ses équipes de développement. Souvenez-vous, nous avions démarré l'Adsl en 2003, et nous avons toujours donné la priorité au développement du contenu et des services à valeur ajoutée. Parce qu'à mon sens, la vraie bataille aujourd'hui est celle du contenu et non de l'accès à Internet.

Nous avons décidé de continuer le développement de notre offre Assilabox et d'en sortir une nouvelle version qui peut être connectée avec n'importe quel opérateur Internet, ici ou à l'étranger, par une simple interconnexion avec notre plate-forme de services.

Les anciennes offres d'e-learning sont-elles à l'arrêt ?

Non. Elles continuent toujours. En 2010 nous avions lancé le BAC et le BEM en ligne, dans le cadre de l'offre «Tarbiatic», avec respectivement plus de 12.000 et 4.600 accès.

Avez-vous des partenaires dans cette offre de e-learning ?

Nous l'avons réalisé en interne avec nos propres enseignants/consultants. Nous avons numérisé tous les contenus pédagogiques de la 3e AS, et d'ici une année nous allons terminer avec les programmes des deux autres niveaux du cycle secondaire. Il s'agit d'une offre data, audio et vidéo, composée de plusieurs matières, proposée à 500 DA/mois.

Le mois prochain nous allons lancer notre portail d'inscription en ligne, et mettre en vente des cartes prépayées. Nous avons mis en place un réseau de distribution, et nous étudions la possibilité de placer ces cartes au niveau des bureaux de poste.

L'Assilabox sera mise en vente quand et à quel prix ?

Nous avons effectué les tests en mai dernier avec les ingénieurs d'AT sur des équipements MSAN. Les résultats sont excellents. L'offre Assilabox sera proposée à 1.400 DA/mois, y compris la box (boîtier de connexion) et sera commercialisée dans les jours à venir.

Et la tablette «eePAD» ?

Notre tablette eePAD, qui fonctionne sous Android, et sur laquelle nous avons embarqué nos logiciels, peut être connectée à Internet (à travers une ligne Adsl ou une connexion mobile 3G), à un téléviseur (avec un support (boite) lié par un câble HDMI ou fiche svidéo), et dispose d'une télécommande et d'un clavier. Elle comprend les mêmes services proposés sur l'Assilabox.

Le prix de mise sur le marché est de 39.000 DA, le pack complet avec un abonnement mensuel au bouquet de service d'Assilabox mobility.

En voyant le nombre de procès entre Apple et Samsung sur la paternité de la tablette, ne craignez vous pas que l'eePad soit également visé ?

Il n'y aura pas de conflit puisque notre conception est originale. Elle intègre à la fois les services d'Assilabox, en terme de contenu, la téléphonie 3G+ comme module et la boite (support) qui relie le téléviseur à la tablette, le tout géré par une télécommande infrarouge.

Notre schéma technique a été déposé à l'international par un cabinet. L'eePad roule sous Android, la plateforme de Google, dont nous testons actuellement la version 4, où les applications flash d'Adobe ou Java fonctionnent correctement.

En plus, nous avons maintenu notre nom eepad sur la tablette puisque nous existons depuis plus de 20 ans et déjà déposé à l'INAPI.

Combien de licences internationales avez-vous acheté pour mettre au point la tablette ?

Uniquement les licences de la plateforme Google. Il n'y a pas d'achat de logiciels puisqu'ils ont été mis au point par les ingénieurs de l'Eepad.

La tablette est une carte graphique avec un chipset NVIDIA dual-core CPU, doté d'une RAM de 1 Go extensible à 2 Go, et d'un accès WiFi et d'une Webcam.

L'avez-vous testée avec la 3G ?

Oui, nous l'avons testée en Tunisie et en Europe. Les résultats ont été concluants. La preuve nous avons pu signer en Tunisie un contrat avec le Groupe Tuniso-Suisse, Adivan High Tech, qui a des contrats avec Tunisie Télécom et d'autres opérateurs en Afrique, pour la fourniture de notre «eePad». Ce qui prouve que l'Eepad peut se positionner à l'international et devenir une entreprise exportatrice de produits et services dans les TIC. Ce n'est pas uniquement le hard qui les intéressent mais beaucoup plus le contenu et l'intégration de plusieurs modules à la fois.

Notre stratégie est basée sur le concept «hard, soft, services» (HSS). Avec de la mobilité et de la synchronisation, nous arriverons à un produit du futur.

Il était question il y a deux ans de l'ouverture de capital de l'Eepad à des investisseurs privés algériens ou étrangers. Le projet tient-il encore ?

J'ai toujours refusé l'ouverture de capital de l'Eepad à des étrangers. Par contre, il y a eu des propositions d'investisseurs algériens. Malheureusement ça n'a pas abouti, parce que c'était beaucoup plus de la spéculation. Il s'agissait plus pour ces investisseurs d'acheter l'Eepad pour la revendre ou la transformer pour une autre activité.

L'Eepad donnait-elle l'image d'une entreprise «agonisante» qu'on pouvait acquérir pour une bouchée de pain ?

Tout à fait. Nous avons passé des moments très difficiles. Tout le monde croyait que l'Eepad allait mourir, et certains ont voulu profiter de cette situation. Grâce à Dieu, à la foi, la patience, le courage de l'équipe et aux conseils amicaux de certains, nous avons pu éviter de mettre la clé sous le paillasson.

Eepad est sortie de cette crise. Non seulement le différend avec AT est en voie de règlement, mais l'entreprise revient sur les scènes des TIC avec de nouveaux produits innovants accessibles à un large public à des prix très compétitifs.

L'engagement des pouvoirs publics d'aider les entreprises en difficulté y est aussi pour beaucoup.

Avez-vous des dettes fiscales et bancaires ?

Comme toutes les entreprises. Notre dette fiscale est minime.

Pour ce qui est de nos dettes envers les banques, sachez que dans notre période de développement, depuis le lancement de l'Adsl en 2003, nous avons contracté plusieurs prêts bancaires. L'Eepad a un investi plus de 6 milliards DA en cinq ans pour acquérir et mettre en place l'infrastructure technologique liée aux offres de services mises sur le marché mais également à la fabrication de ses produits.

Nous avons une vision, un business plan étalé sur plusieurs années, une feuille de route et nous allons respecter nos engagements.

Comment ont réagi vos créanciers à l'annonce du conflit avec AT ?

Il est normal que les banquiers s'inquiètent du devenir d'un client qui a perdu plus de 70% de son chiffre d'affaires (à savoir l'offre Internet de l'Eepad).

Mais grâce au dialogue, la diversité de nos produits, la confiance et la patience de ces créanciers croient en la compétence de l'entreprise en matière de technologie.

Etes-vous prêt en tant qu'opérateur qui cumule une expérience de 20 ans, pour aider des jeunes diplômés à investir le champ de l'entreprenariat dans les TIC ?

Nous lançons justement une campagne de recrutements de jeunes diplômés pour les engager dans le développement du contenu. Nous comptons arriver à 1.200 emplois d'ici fin 2012, soit environ 1000 nouveaux postes d'ingénieurs, techniciens, développeurs, et commerciaux. Ce qui est énorme en si peu de temps.

Nous avons également un projet avec les jeunes de l'ANSEJ pour le lancement de «relais de services» basés sur la production de contenu. Nous espérons arriver à 10-15 entreprises par wilaya.

Sous-traitez vous avec des jeunes déjà installés dans leurs entreprises ?

Nous avons toujours privilégié cette solution quand c'est nécessaire. Dans le projet «Tarbiatic», la numérisation des programmes du cycle secondaire et de 4e année moyenne a été confiée à une dizaine de jeunes entreprises.

Nous l'avions également fait dans le cadre des interventions des techniciens de maintenance au niveau des foyers pour l'accès Adsl. Nous avions aussi confié cette mission à des jeunes des quartiers pour faciliter l'intervention et lever le dérangement.




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