Algérie

«Notre foot, c'est du marchandage, du bricolage et du rafistolage»



Abdallah Elaâm était le gardien titulaire du CRB, détenteur de la Coupe d'Algérie en 1978 grâce à une victoire aux tirs au but. Il faut dire qu'il avait largement contribué à ce succès grâce à des passes exceptionnelles, en demi-finale face au MCO où il avait arrêté trois pénalties, puis en finale contre l'USMA en s'opposant à deux tirs.?Retour sur le passé passionnant d'un ancien portier bondissant.Le Soir d'Algérie : Enfant de Hussein-Dey, vous avez pourtant effectué toute votre carrière au CRB, pourquoi '
Abdallah Elaâm : Parce que c'est Abdelkader Zerrar (Ndlr : ancien milieu du grand CRB des années 60) qui est venu me chercher alors que je n'étais qu'un gamin. A l'époque, il y avait le sport scolaire et Zerrar prospectait au niveau des établissements.?Il m'a repéré et c'est ainsi que j'ai débuté au CRB dans la catégorie des minimes jusqu'en seniors.
En quelle année avez-vous débuté en seniors '
J'ai débuté en 1976, une année qui marquait la fin d'un cycle de cette grande équipe du CRB des années 60.
Et qui était le gardien de but auquel vous avez succédé '
C'était Mohamed Abrouk.?J'avais à peine 20 ans et je succédais à ce grand gardien après un grave accident.
Mais quel accident '
Avec les juniors, on avait affronté l'ASCO d'Oran et le bus qui nous transportait a dérapé et j'ai été blessé gravement. Mais je m'en suis remis, et j'ai traîné des points de suture à mes débuts en seniors.
Qui vous a fait débuter en seniors '
C'était Achour, l'ancien ailier gauche du grand CRB.
Vous avez donc débuté en 1976, juste avant la réforme, puis vous avez bien connu cette époque de la réforme.?A-t-elle été vraiment bénéfique pour notre football '
La réforme a été bénéfique pour le football algérien.?On peut dire que c'était une forme de professionnalisme.?Les joueurs ne pensaient qu'à s'entraîner et à évoluer sans aucun souci financier. D'ailleurs, aujourd'hui, nous assistons à un retour vers la réforme avec ces entreprises nationales qui soutiennent financièrement le football.?Mais, je dirais que la réforme a été très positive. Non seulement, on bénéficiait d'un salaire régulier et selon notre niveau d'études, on pouvait avoir une formation pour assurer l'après-football.
C'était en 1978, lors du parcours du CRB en Coupe d'Algérie que l'on vous découvre vraiment grâce à vos parades exceptionnelles face au MCO lors de la série des tirs au but '
Oui, lors de cette demi-finale j'ai arrêté trois penalties.
Et ensuite, en finale contre l'USMA, vous vous opposez également à deux tirs au but et vous permettez au CRB de remporter la coupe.?Cinquième coupe. A l'époque, il n'y avait pas de vidéo pour superviser la manière de tirer les pénalties par les adversaires, mais comment vous faisiez pour réussir à les contrer '
C'était le fruit d'un travail.?Moi, je dirais que tout se travaille. D'ailleurs je m'étais entraîné avec Abderrahmane Ibrir, l'ex-gardien de Toulouse et de l'EN. En ce temps-là, il n'y avait pas d'entraîneurs spécifiques des gardiens comme aujourd'hui, et on travaillait contre le mur par exemple, sur les balles hautes et à terre. Aujourd'hui, il y a du progrès sur les méthodes d'entraînement.
Dans cette équipe du CRB détentrice de la Coupe en 1978, il n'y avait pas de grands joueurs.
Il y avait Kouici, Djamel Tlemçani ainsi que le regretté Belmiloudi.?Il y avait de bons joueurs avec Dahmani à droite. Chekroun et Laribi constituaient la charnière centrale.
Vous n'avez pas eu la chance d'évoluer avec Hacène Lalmas la légende belouizdadie...
Non, mais quand j'étais cadet, il m'a offert ses souliers de football d'autant plus que je chaussais du 45 comme lui.
D'ailleurs, un jour, les dirigeants m'ont demandé de restituer les chaussures et quand Lalmas l'a appris, il a piqué une violente colère. Par contre, j'ai eu la chance d'avoir comme co-coéquipiers Rachid Messahel et Djillali Selmi.
Selmi devait vous faire des misères à l'entraînement avec ses dribbles.?D'autant plus qu'on le surnommait le Brésilien '
Selmi, c'était la technique à l'état pur. Ses dribbles étaient déroutants et il portait bien son surnom de Brésilien.
Pour en revenir à cette finale gagnée, est-il vrai que votre coach Ahmed Arab voulait aller aux tirs au but sachant que vous étiez un spécialiste de parade des pénalties '
Nous n'étions pas favoris pour cette finale.?Moi, j'étais hyper-motivé parce que je n'occupais pas régulièrement la cage belouizdadie vu que j'étais militaire.?Toutefois, j'avais eu cette fameuse autorisation de participer dans une association civile et j'ai pu ainsi jouer cette finale.
Comment expliquez-vous le fait de n'avoir jamais été convoqué en sélection nationale '
J'ai été victime du régionalisme.?Khalef et Mekhloufi, qui étaient en charge de l'EN, avaient plutôt tendance à ne retenir que les gardiens issus de leur région.
Il y avait tout de même une forte concurrence chez les gardiens '
Oui et je pense que j'étais un bon concurrent.?D'abord je mesure 1m80, ce qui était parfait pour un gardien pour lequel la taille compte.?Ensuite, j'ai évolué au sein du CRB, un grand club. Enfin, tout le monde était étonné que l'on ne m'ait pas donné ma chance en sélection.?Mais, hélas pour moi, il y avait des irrégularités.
Quelles irrégularités '
A titre d'exemple, au temps de Khalef comme sélectionneur, il y avait un sélectionneur qui avait imposé un de ses co-équipiers en équipe nationale.
De 1983 à 1986, vous avez porté le maillot de l'USM Harrach. Vous étiez présent lorsque Belloumi a été gravement blessé par un défenseur harrachi '
Oui, mais il faut rétablir la vérité.?Belloumi s'est blessé tout seul et il l'a reconnu lui-même lors du match retour en déclarant que sa blessure faisait partie des risques du métier.
Quel est le meilleur gardien de but algérien, selon vous '
Je dirais Raïs M'bolhi qui a été formé en France. Chez nous, les gardiens ont des troubles de coordination et ils sont victimes de méthodes d'entraînement mal adaptées.
Le CRB d'aujourd'hui est en pleine réorganisation avec l'arrivée de Madar.?Avez-vous été contacté pour intégrer le corps technique '
Non, et le CRB me doit de l'argent depuis l'ère de Kerbadj.?Je faisais partie du staff technique au niveau des joueurs avec lesquels on avait remporté deux championnats. D'ailleurs, Djerrar, qu'est maintenant titulaire avec les seniors, était un de nos éléments.
Vous étiez entraîneur des gardiens '
Oui, tout à fait.
Djerrar et d'autres juniors de l'époque sont aujourd'hui en seniors et vont disputer une finale contre la JSMB. Etes-vous surpris par leur réussite '
Non, parce que ce sont des jeunes qui ont une terrible «grinta». Ils ont bien été pris en main par Amrani qui est le seul à avoir ramené un plus.?Ils sont volontaires et solidaires et c'est ce qui fait leur force.
Et Saïd Allik est aussi un bon gestionnaire '
C'est non seulement un bon gestionnaire mais aussi un ancien joueur de foot.?Ce n'est pas un ancien judoka on karateka qui se retrouve à gérer une équipe.
Pour vous le football doit revenir aux footballeurs '
Déjà en mai 1968, lors des événements en France, il y avait une banderole accrochée sur le fronton du siège de la Fédération française de football où l'on pouvait lire «Le football aux footballeurs».?Cette initiative avait été prise par un comité présidé par Raymond Kopa, l'ancienne gloire du foot français des années 50
wet 60.
Et l'on doit appliquer cette devise à notre football '
Oui, et vous pouvez faire le constat.?Il y a des clubs algériens qui sont gérés par des vendeurs de faïence ou d'anciens appariteurs de salles de cinéma ou des amateurs de «karantita», mais en aucun cas par d'anciens joueurs.?Pour moi, la situation d'aujourd'hui se résume au fait que notre foot c'est du marchandage, du bricolage et du rafistolage.
Après avoir raccroché les crampons vous avez exercé en tant qu'entraîneur des gardiens de foot '
Oui, et je dois vous préciser que je suis aussi éducateur sportif. En tout cas, en tant qu'entraîneur des gardiens, je suis fier d'avoir formé d'excellents portiers comme Hanniched, Ould-Mata, Nouri et Kermiche. Aujourd'hui, j'ai préféré me retirer et prendre ma retraite parce que je ne pouvais pas travailler avec des «dinosaures». Mon éducation ne me permettait plus de continuer car je ne suis pas un corrompu.
Quels sont les entraîneurs qui vous ont marqué au cours de votre carrière '
Je dirais que j'ai été marqué par le duo Heddane-Bacha lorsque j'évoluais avec les juniors du CRB.
L'actualité vous propose un certain CRB-JSMB en finale de la Coupe d'Algérie. Comment voyez-vous ce match '
Mon c?ur penche vers le CRB auquel je souhaite la victoire finale.?Mais c'est une rencontre où les Belouizdadis auront l'avantage d'avoir encore le rythme de la compétition alors que les Béjaouis n'ont pas de matchs officiels vu que le Championnat de Ligue 2 s'est achevé avant le Ramadhan.
Et cela pourrait être décisif '
Oui, dans une certaine mesure, mais il ne faut pas oublier que c'est une finale et si pour moi le CRB est favori, cela ne veut pas dire qu'il va vaincre.?Il y a un adversaire qui n'est pas arrivé là par hasard, bien au contraire, j'espère que le Chabab remportera sa huitième Coupe d'Algérie.
Propos recueillis par Hassan Boukacem


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