Algérie

« Notre fonds patrimonial est en danger »



« Notre fonds patrimonial est en danger »
Pouvez-vous nous faire un état des lieux du 7e art 'Longtemps propriété exclusive des colons, le cinéma en Algérie est né au maquis. La caméra était appréhendée comme une arme de combat. Les premières images, Attaque des mines de l'Ouenza, Les Infirmières de l'ALN, Les Réfugiés, (1957), L'Algérie en flammes, Sakiet Sidi Youcef, (1961) Djazaïrouna, Les fusils de la liberté, J'ai 8 ans, La voix du peuple, Allons z'enfants pour l'Algérie et Yasmina ont été tournées en pleine guerre de libération par Djamel-Eddine Chanderli, René Vautier, Ahmed Rachedi, Yann et Olga Le Masson, Pierre Chaulet, Pierre Clément, Cécile de Cujis, Karl Gass, Mohamed Lakhdar Hamina, Stevan Labudovic et beaucoup d'autres militants courageux. Après l'indépendance, la Cinémathèque algérienne naissante (1965), créée par Ahmed Hocine, offrait à voir au public des films mondiaux phares. Reconnu et attendu avec curiosité par les professionnels du monde entier, notre cinéma faisait des percées spectaculaires sur les écrans nationaux et étrangers. La descente aux enfers a été lente et progressive. Le pouvoir politique de l'époque a tout fait pour étouffer les énergies créatrices. Cela a commencé, dès le début des années 1970, par le démantèlement systématique des entreprises de production et la fermeture quasi-systématique des salles. Cela s'est poursuivi avec la disparition de l'unique revue de cinéma : Les Deux écrans. Ont suivi, l'hibernation de l'Association nationale des ciné-clubs, la dissolution de l'Union des Arts Audiovisuels et la mort programmée des nombreux festivals consacrés au cinéma. C'est par décret que la cinématographie algérienne a été exécutée, laissant liquidateurs et dépeceurs spécialisés s'acharner sur sa dépouille. Le terrorisme destructeur qui a ensanglanté le pays, a fini par faire disparaître des écrans toute velléité d'images.Avec une ministre cinéaste, y aura-t-il un nouveau souffle 'Premières mailles d'un redémarrage du cinéma : trois mesures énergiques et audacieuses qui, tel des rayons de soleil, annonçaient le printemps cinématographique : relance et réorganisation des festivals, création du Centre national du cinéma et de l'audiovisuel (Cnca) en remplacement du Centre de diffusion cinématographique (CDC) et, enfin, transformation de l'Institut national des arts dramatiques (Inad) en Institut supérieur des métiers des arts et du spectacle (Ismas), visant à valoriser la formation, les compétences et les talents dans les métiers de l'art. On pensait alors que ces premières résolutions qui esquissaient les contours d'une véritable politique audiovisuelle et cinématographique allaient sortir notre cinématographie de l'ornière. Grosse déception ! Malgré le désert culturel, la jeune génération marque ses repères avec des ?uvres exigeantes, diversifiées et cohérentes dans lesquels s'investissent humainement et techniquement les réalisateurs. Les films produits se frayent une place, modeste, mais non négligeable. Ils suscitent l'émotion, ravivent l'imaginaire et sont récompensés dans des festivals internationaux. Le phénix renaîtrait-il de ses cendres ' Difficile de répondre. Quelques éléments réjouissants dans le maigre bilan de l'actualité cinématographique constituent cependant des signes évidents de réveil et laissent penser, avec l'arrivée d'une ministre cinéaste, qu'un souffle nouveau va rallumer la flamme de la création. Le dossier est certes épineux, sa prise en charge suppose au préalable une logistique et des moyens financiers colossaux. Les cinéastes ont besoin d'actes concrets.Les choses bougent, de nouveaux festivals voient le jour, mais toutes ces activités cinématographiques ne drainent que les cinéphiles. Quelles en sont les raisons 'Je rentre de Ain Témouchent plein d'enthousiasme. La Perle de l'Oranie, dite aussi la Florissante vient d'organiser, des Journées cinématographiques consacrées aux films courts, un genre sous-estimé et parfois appréhendé comme mineur, alors qu'il a permis à nombre de cinéastes d'émerger et d'accéder à la notoriété. Sans mondanité, sans tambours ni trompettes, sans faste inutile et sans tapis rouge, l'antique ville phénicienne a merveilleusement célébré le 7e art. La présence à Aïn Témouchent d'une trentaine de jeunes créateurs, artistes, critiques et autres invités, qui ont répondu à l'invitation de l'Association Ennejma Essabia, prouve à l'évidence que le vivier est toujours prometteur et que le genre ne manque ni de créateurs, ni de talents, ni de compétences, ni de savoir-faire et cela malgré l'étroitesse du marché et la sclérose des circuits de diffusion. Je pense que la nouvelle génération est sur la bonne voie. Il faut l'encourager et non l'acculer. Il faut lui donner les moyens de créer et, surtout, la liberté. Nos institutions doivent encourager cette graine de cinéastes et l'aider à produire des films courts et des documentaires. Ces derniers, en tant que regards spécifiques sur le réel, ont prouvé leur efficacité dans les domaines scientifique, historique, anthropologique, ethnographique, social, culturel, éducatif et politique. Moins dépensier que les longs métrages de fiction, ils exigent moins de moyens matériels et humains et ses auteurs subissent moins de contrainte grâce à la maniabilité et la légèreté des caméras et des appareils actuels.La préservation et la revalorisation de notre patrimoine cinématographique sont un autre souci. L'Algérie ne risque-t-elle pas de perdre sa mémoire audiovisuelle 'Il nous faut alerter les responsables pour une prise en charge urgente de nos fonds patrimoniaux audiovisuels et cinématographiques en péril. Ces ?uvres se trouvent dans un état de déliquescence avancé. Le leitmotiv de notre ministre de la Culture ne souffre aucune ambiguïté. Mais les déclarations chaleureuses ne suffisent plus. Le dossier est certes épineux et sa prise en charge nécessite, non seulement une logistique et des moyens financiers colossaux, mais en plus, compte tenu des règles de conservation coûteuse en termes de ressources humaines et financières, la valorisation d'un patrimoine audiovisuel n'est guère envisageable à l'échelle d'un pays. Les Européens ont bien compris cela. Pour faire resurgir les images du passé et leur immense richesse historique et culturelle, ils ont commencé par unir leurs efforts. Sous d'autres cieux, à côté des musées pour la peinture et la sculpture, à côté des théâtres et des conservatoires, existent des médiathèques, des filmothèques, des photothèques et des vidéothèques, lieux de mémoire et éléments essentiels du dispositif de restauration des supports anciens, de conservation et de valorisation du patrimoine audiovisuel et cinématographique. La FIAF (Fédération internationale des archives du film), tout comme l'ACE (Association des cinémathèques européennes, qui regroupe une cinquantaine d'institutions) et l'Unesco, ont maintes fois sonné l'alarme afin que des mesures urgentes soient prises. L'opération nitrate, entamée il y a un peu plus d'une décennie, est considérée comme une première étape dans la voie de la restructuration des produits filmiques. Son objectif : enrayer la dégradation des films sur supports de nitrate de cellulose et limiter les risques d'incendie. Mais, signaler l'urgence de l'exigence de conservation et de la prise en charge des fonds patrimoniaux ne suffit plus. Il faut faire preuve d'imagination et envisager de nouvelles initiatives à même de mettre à l'abri et revivifier toutes nos richesses culturelles en perdition. Au-delà de l'archivage des films et des productions télévisuelles, il y a urgence à déployer des activités de restauration, de recherche, de catalogage, de publications et d'échanges, toutes actions qui nécessitent des équipements adéquats (analogiques et digitaux, nécessaires au transfert des archives sur de nouveaux supports) et un personnel spécialisé dans les domaines du numérique et des techniques multimédias.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)