Algérie

Notes de voyage : Copenhague, petite leçon de choses



Copenhague a des murs tristes d'emblée, mais rappelle une histoire bruyante écrite lentement. C'est un choix. Celui d'un pays aux blonds cheveux qui arbore ses églises le long des vieux quartiers envahis par des bicyclettes de noire couleur, sillonnant la ville par amour de la nature, par respect des passants qui passent. Capitale du plus petit pays scandinave qui s'allonge sur 43.094 km², soit 55 fois moins que l'Algérie, ayant opté pour une monarchie constitutionnelle, indépendant depuis plus de... 12 siècles, la ville renferme des trésors imaginables au seul regard de ses enfants. Le Danemark s'est unifié en sa forme actuelle en 980 de notre ère (???), mais son peuple s'y est implanté depuis... des milliers d'années et on le sent dans la concrétisation quotidienne de sa devise nationale « L'aide de Dieu, l'amour du peuple, la grandeur du Danemark ». Il est membre de l'Union européenne depuis 25 années mais n'a pas adopté l'Euro, préférant ses pièces trouées et ses billets à l'effigie des siens. Bien qu'ayant colonisé et pillé certaines parties du monde moderne en se joignant aux expéditions des Vikings, ce petit pays scella l'union scandinave en s'associant à la Norvège et la Suède en 1397, avant de s'en séparer pour permettre la naissance d'Etats au sens puissant du terme et on peut aisément le vérifier en y posant le premier pas sur son sol. Juste au contact du sol et du sourire discret de passage sur les lèvres de ses femmes. Se débattant pour maintenir sa neutralité durant la Deuxième Guerre mondiale, le Danemark a dû y renoncer après l'occupation allemande, sous couvert d'un protectorat, malgré quelques résistances. Son Histoire désormais est liée à celle de l'Europe, par destin commun. On ne peut certes fouler le sol du Danemark sans se remémorer l'épisode des caricatures du Prophète (QSSSL) et que chacun a commenté en son temps selon les limites admises par la liberté de pensée et du sens que l'humanité doit lui donner, selon l'interprétation du rêve de chacun, selon son rêve lorsqu'il en a un. Mais les avis sont partagés comme sont partagés en leur for intérieur les musulmans en exil volontaire, croisés dans la rue en sereine promenade avec leurs enfants, portant foulard pour certaines femmes, barbes et kamis pour certains hommes, fuyant l'autoritarisme de leurs Etats pour les uns, la régression économique pour les autres. Les uns et les autres ne semblent manifester aucune gêne particulière à vivre dans un pays qui demeure malgré tout de droit et qui leur offre le droit à l'épanouissement. Ils sont joignables aussi dans le parc Churchill au bord du port de Copenhague, où sont attirés des touristes par milliers en provenance du monde entier et où trône sur un petit rocher la célèbre sirène de la ville, représentation du personnage du conte de Hans Christian Anderson. C'est une petite statue presque insignifiante de 1,25 m de haut et d'un poids de 175 kg, sculptée par Edward Eriksen se servant de sa femme comme modèle et érigée en août 1913. Un des innombrables cachets de la ville. Mais la sirène de Copenhague a aussi subi des violences qui lui ont fait décapiter la tête, enlever le bras, l'ont décapitée de nouveau, voilée d'une burqa et la municipalité pense à la déplacer pour mieux la protéger. Et comme pour respecter la nature, Copenhague peut être caricaturée en un immense parc verdoyant de 88 km² en bord de mer comptant une densité de plus de 5.700 habitants au km², paraissant comme inhabitée et traversée par un urbanisme où l'architecture baroque de l'Ermitage et de la place Amalienborg résiste dans les limites que lui imposent les portes de la modernité sans violence. En une cohérence qui reflète cette intelligence des bâtisseurs qui savent faire durer leurs oeuvres, qui savent comment transmettre à leurs prochains les preuves de leur amour pour un pays qu'ils leur ont emprunté le temps d'un passage sur terre, sans parler d'héritages. L'héritage n'a nul besoin qu'on en parle lorsque personne ne sait quoi en faire et il vaut mieux juste le préserver en attendant que se décide son sort. C'est ainsi qu'au coeur de la ville et pendant que le Danemark était pourtant encore une monarchie absolue et partant du principe que « lorsque le peuple s'amuse, il ne pense pas à la politique » soufflé à l'oreille du roi Christian VII par Georg Carstensen, furent ouverts à l'extérieur de la ville les fameux « jardins du Tivoli », une attraction hors pair et aux couleurs splendides décorant les bâtiments qui s'y sont implantés. On peut y écouter de la musique classique assis sur une chaise pliante en bois ou un banc, sirotant une boisson ou voyageant dans le monde des idées, dans des partitions à inventer. On peut déambuler à travers les allées propres autour d'un petit lac où s'est arrêté le voyage d'un bateau du temps des conquêtes, pour rejoindre la terre ferme et la construire pierre par pierre. Tout ici rappelle l'ordre et le civisme et l'on comprend pourquoi certaines nations font tourner les roues de l'Histoire pendant que d'autres attendent le vain retour des conquérants. Assis en tailleur, comptant les jours, égrenant leurs solitudes. Mais Copenhague n'est pas que parcs et attractions. C'est aussi des personnes qui se battent pour que l'Etat demeure à leur service, pour que la Science soit présente dans chaque geste, chaque piste cyclable, chaque fleur, chaque matin. Une seule entreprise pharmaceutique emploie dans l'un de ses centres de recherche plus de 1.500 personnes entre chercheurs dans différents domaines et personnel de soutien. C'est aussi une modeste bâtisse au milieu de la verdure, discrètement équipée, qui sert de lieu de rencontres entre politiciens et hommes de science. Rencontres contre nature certes, mais maintenue en lien entre deux mondes antinomiques en apparence, mais qui doivent s'écouter par nécessité, parce que la survie des institutions en dépend. Et l'on s'interroge au terme d'un séjour qui a failli être annulé par l'attitude incertaine d'un agent des frontières aéroportuaires dans cet aéroport d'Alger en éternels travaux, agissant sur ordre du non-Etat, comment faire pour copier ce qui se passe ailleurs sans se salir les mains. Comment libérer les énergies pour que des non-monarchies et des non-républiques puissent un jour trouver un nom dans nos régions soumises à la suspicion, à la corruption, aux détournements des richesses nationales au lieu de s'atteler à construire des nations conquérantes comme ont pu l'être les Vikings autrefois. Comment enfin se débarrasser des complexes de l'enfermement pour s'ouvrir à la civilisation en lui offrant ce que nous avons pu trier de bon chez nous ? Au lieu de compter les jours assis sur nos destins ? Comment faire en sorte qu'un maire soit plus important qu'un ministre ou qu'un général et qu'il ne se soumette ni à l'un ni à l'autre parce que investi du pouvoir du peuple ? Que la poussière disparaisse de nos rues, et que nos enfants soient souriants d'Histoire. C'est cela aussi le Danemark. Un pays qui protège même les arbres morts pour dire que la nature ressemble aux Hommes par ses caprices alors que nous passons maîtres pour arracher les vivants, pour tuer la vivacité de ceux qui pensent.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)