Comme toutes les substances légales, la nostalgie doit se consommer avec modération. Au-delà, elle peut devenir nocive et atteindre même la zone de jugement du cerveau.
Lors d’un café avec deux vieux amis rencontrés par hasard la semaine dernière, la discussion est tombée sur la réouverture de la Cinémathèque d’Alger. A l’évocation de ce lieu mythique, comme des bouffées de chaleur, que de souvenirs nous sont remontés à la mémoire ! Ces trois dinars qui nous donnaient droit aux merveilles du cinéma universel !
Ces deux enjambées qui, de la Fac à la rue Ben M’hidi, nous transportaient dans un autre monde ! Ces séances du week-end où nous avions sous la main les plus grands réalisateurs de la planète pour des débats qui se prolongeaient jusqu’à trois heures du matin ! Ainsi, sont revenus Momo Brahimi dont les envolées lyriques étaient un instant attendu ; cet aveugle qui ne ratait aucune séance et en savait plus sur les films que le plus voyant d’entre nous ; le Novelty sur la place Emir Abdelkader qui était une annexe de la Cinémathèque ; les longues marches nocturnes pour rentrer chez soi, les jambes lourdes et l’esprit chargé d’images et d’idées…
Tout allait bien jusqu’à ce qu’un des deux amis affirme qu’il n’y avait «plus rien aujourd’hui». Les trémolos de sa voix ressemblaient aux notes de la chanson de Léo Ferré, Avec le temps, tout s’en va…
Plus rien ' Oui, plus de vie culturelle, insista-t-il. Cette idée est si typique des quadra et quinquagénaires. Les désillusions, hélas motivées, les charges professionnelles et familiales, l’âge aussi sans doute et la conscience aiguë des gâchis nationaux, ont fini par graver le spleen dans leur âme et obscurcir leur vision déjà assistée par des verres. La plupart d’entre eux ne sortent plus, sauf par nécessité ou pour s’entre-visiter et ressasser la mythologie du bon vieux temps, celle-là même qu’ils reprochaient à leurs parents. Eh bien, ils ont tort car, archives à l’appui, sauf pour les salles de cinéma (drame national), la vie culturelle actuelle est objectivement bien plus diverse et riche que celle des années 1970. Sans conteste, la programmation d’aujourd’hui l’emporte sur l’intensité des souvenirs. Et ils ont tort pour eux aussi car ils ratent de belles choses comme celles relatées ci-contre. Cependant, là où ils ont raison, c’est que de nos jours, l’acte de «consommation» culturel ne se prolonge plus, ou peu. Avant, il y avait un film ou une pièce de temps en temps, mais on en parlait durant un trimestre au moins, on s’accrochait, on s’étripait même, on apprenait, on se passionnait… Et la culture, oui, réside d’abord dans l’échange pré et post-spectacle. Mais avoir raison ici leur donne encore tort car s’ils allaient à ces spectacles et activités, ils pourraient les enrichir et rencontrer les jeunes d’aujourd’hui et peut-être aussi les jeunes qui demeurent encore enfouis en eux...
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 08/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ameziane Farhani
Source : www.elwatan.com