Algérie

Nos pères sont partis de dalila Bellil : L'exil ou l'arrachement à soi France-actu : les autres articles



Nos pères sont partis de dalila Bellil : L'exil ou l'arrachement à soi                                    France-actu : les autres articles
C'est un premier roman attachant que nous offre Dalila Bellil. Nos pères sont partis pose un regard, au féminin pluriel, sur les douleurs de l'émigration.
Lyon/ De notre correspondant
Eu début de lecture, on est d'abord surpris par le choix du mode opératoire de l'écriture. Dalila Bellil, dans Nos pères sont partis, publié par les éditions Encre d'Orient, propose l'échange de courriers entre deux cousines. Comme l'auteure, Soltana est partie en France lorsque son père a opéré le regroupement familial, l'autre, Dahbia est restée en Kabylie, y a vécu, s'y est mariée, a traversé les tempêtes de ces dernières années, dont les atrocités déchirantes du terrorisme. Son père, par contre, a émigré en France et y est resté.
Enfants, elles se retrouvaient toutes deux lors des vacances au bled. Puis la séparation s'est faite, jusqu'au jour tardif où par une relation épistolaire, elles se racontent leurs illusions et la réalité de leur vie, lettre après lettre, jusqu'à aller dans l'intimité d'une parole féminine décomplexée. On a ainsi un face-à-face entre deux évolutions, deux mondes, celui du pays et celui de l'exil. Enfin, et surtout, nous a confié l'auteure, «c'est l'expression de deux femmes sujets, et non pas objets». Dalila Bellil donne chair et parole à deux trajectoires de femmes qui disent leurs sentiments et ressentiments en dehors du gynécée. L'idée du roman lui est venue lorsqu'elle a suivi son compagnon en Italie.
La France, elle s'y était habituée depuis son enfance. Là, loin de ses repères, la fille d'exilés apprend ce qu'est le déchirement, loin de ses attaches, de sa famille. «J'ai vécu ce départ comme un arrachement et j'ai réalisé que je ne m'étais jamais posé la question de savoir comment mes parents étaient arrivés en France. Je n'ai jamais conçu que cet exil volontaire, qu'ils avaient tous les deux choisi, avait pu être une expérience traumatisante», nous dit-elle. «Cela m'a amené à m'interroger sur leur histoire, qui est aussi la mienne, puisque je suis née en Algérie et que je les ai suivis. De cet exil, il était temps de m'interroger», d'où le choix de la dualité, deux facettes d'une pièce unique, d'une personne unique.
Le lecteur a le deux en une. Dalila Bellil est Soltana, bien sûr, mais aussi Dahbia : «Dahbia, celle qui est censée être en Algérie, c'est moi, c'est mon prénom d'état civil. Je ne l'ai jamais su, jusqu'à mes seize ans, lorsque j'ai fait mes premiers papiers. Cette Dahbia, une sorte de s'ur que je n'ai pas connue, j'ai voulu lui tendre la main et écouter son histoire, celle qui aurait pu être la mienne. Une façon de tenter de comprendre ce que je serai devenue si mes parents ne s'étaient pas exilés. J'ai voulu l'inventer, la retrouver, lui donner corps».
En travaillant sur ce livre, Dalila Bellil en a retiré la chance de remettre des noms et une âme sur les traditions de son village : «C'est que je souhaite transmettre, notamment à ma fille. J'avais une vision parcellaire de l'Algérie, j'avais du mal avec mon identité algérienne, à accepter mon algérianité. Ce livre m'a apporté une paix. J'ai retissé ce lien perdu dans l'exil. Loin de la chaîne de mon histoire, d'être coupée de cette mémoire perdue, cela a été une chose destructrice, qui m'a empêché d'être complètement moi, et je pense qu'en écrivant ce livre, c'est que j'ai essayé de compléter». C'est réussi !


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