Algérie

«Nos hôpitaux sont hors-la loi»



Dr Nafaa Timsiline est spécialiste en hygiène hospitalière et non moins directeur général de la société spécialisée dans le domaine, Nosoclean. Dans cet entretien, il fait le diagnostic de la situation inhérente à l'hygiène dans les milieux hospitaliers et livre des recommandations pertinentes pour relever le défi d'améliorer ce volet dans nos établissements de santé.L'Expression: Vous avez abordé un sujet très important pendant ces deux journées. Pourriez-vous nous renseigner un peu sur la situation qui prévaut actuellement dans nos hôpitaux à ce sujet justement'
Dr Nafaa Timsiline: Les deux années de Covid19 ont mis à nu les lacunes de notre système de santé. Un «système» à bout de souffle qui manque d'anticipation de vision, et qui ne répond plus aux exigences de la médecine moderne et aux besoins des usagers de l'hôpital. Les professionnels de la santé (PDS) ont tiré la sonnette d'alarme bien avant la pandémie, sur l'état des lieux, le manque de moyens et de ressource humaine qualifiées, le manque de formation, l'absence de normes, l'architecture des hôpitaux, la qualité des soins et la sécurité des patients... Des réformes et des réflexions profondes devaient être engagées à l'époque, mais concrètement sur le terrain la situation hygiénique s'est nettement détériorée. Avec la fonte des budgets de fonctionnement des hôpitaux, quasiment divisés par deux, la situation est devenue intenable.
Quid du rôle du médecin hygiéniste à l'état actuel au sein de nos établissements de santé
Le médecin hygiéniste fait partie intégrante de l'équipe opérationnelle d'hygiène hospitalière (EOHH), qui elle-même fait partie du comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) de l'hôpital. Il est chargé de la mise en place et du suivi des actions de surveillance des Infections associées aux soins (IAS). Il est également responsable de l'élaboration d'un programme d'actions et d'indicateurs de suivi de lutte contre les IAS, il suit et collecte l'information et valide les données. Le médecin hygiéniste joue un rôle central dans la gestion des risques (GDR), afin d'assurer la mise en oeuvre de la lutte contre les évènements indésirables associés aux soins. Il est à rappeler qu'officiellement ce titre n'existe pas dans l'organigramme de nos hôpitaux, c'est le médecin épidémiologiste et/ou le technicien en épidémiologie du service d'épidémiologie et de médecine préventive (SEMEP) qui font office et occupent ce poste.
Quels sont les moyens mis par les pouvoirs publics pour améliorer ce volet dans les hôpitaux'
Les CLIN de nos hôpitaux ne fonctionnent pas. Ils sont à l'arrêt. Ils ne se réunissent que quand il y a mort d'homme. Les textes existent mais l'application ne suit jamais. Prenant l'exemple des DASRI (déchets d'activités de soins à risques infectieux), une loi-cadre existe depuis une décennie, mais tous les hôpitaux sont hors la loi en terme de gestion et d'élimination de ces Dasri qui constituent un danger sanitaire permanent tant pour les PDS que l'environnement et les riverains des hôpitaux. Les comités nationaux d'hygiène et de formation ont été dissous à peu près pour les mêmes raisons, pour laisser place au Comité National des Experts présidé par le professeur Wahiba Amhis, qui a publié les 1ères Directives nationales d'hygiène en décembre 1995, puis récemment le dernier guide des procédures de soins. Mais le problème reste posé, car la chaîne de transmission de l'information ne fonctionne pas. L'utilisateur final PDS n'a pas la bonne technique au bon moment et au plus près des soins! Le problème de la formation continue en hygiène hospitalière dans nos hôpitaux reste posé: une véritable réflexion s'impose.
Nos blouses blanches ont payé un lourd tribut à ce satané Sars-Cov2 et à ses variants et sous-variants, plus de 500 PDS ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions. Post-Covid19; nous nourrissons l'espoir que l'on retiendra l'importance d'investir dans la prévention tant en matière d'expertise que de ressource matérielle de qualité...mais hélas: la prévention demeure toujours le grand oublié des réformes de la santé, il faut une véritable volonté politique.
Quelle est votre approche pour faire avancer ce chapitre'
Etant moi-même formateur dans le domaine de l'hygiène hospitalière, gestion des risques et des vigilances, tout se résume sur ce diagramme d'Hishikawa connu sous le nom règle des 5M qui conditionne le milieu (l'hôpital doit être construit par des professionnels), le matériel (la notion du «moins disant» low cost, doit céder la place au mieux disant), la méthode de travail (les techniques de soins évoluent de jour en jour), la main d'oeuvre et ressource humaine (véritable tendon d'Achille) et al matière (nous sommes tous des patients potentiels, et des consommateurs de soins potentiels).


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