Algérie

Nos amis les élus



Au-delà du 29 novembre 2007, l'Algérie aura avec certitude une nouvelle composante d'élus membres d'assemblées de wilaya et de communes. Tout continuera à fonctionner le plus simplement du monde. A l'exception cependant qu'il y aura quand même une certaine agitation. Une sorte de brouhaha que tout va changer. Ceci demeure visible après chaque échéance, disons pour justifier les probabilités d'une amélioration que les uns et les autres tenteront de démontrer face à leur population. Bien avant cette date, encore une énième dans la pratique électorale de l'Algérie indépendante, nous verrons et encore une autre fois, une campagne que tout candidat qualifiera d'exceptionnelle. Elle sera bâtie sur des mots, promesses et autres emphases à même de faire, du moins tenter de faire, tomber sous le charme bon nombre de citoyens. La fascination, l'autorité et la tchatche seront, et comment non ! au menu de cette «conquête d'assemblées». Il est toujours possible de bâtir des châteaux de cartes, d'hypnotiser l'assistance et de produire l'inutilité. Ce geste facile, ce caprice supérieur est tout le temps un acte gratuit. Même si une ombre d'intérêt vient pointer son nez, l'artifice ne devrait pas justifier la tromperie ou faire croire à une puissance qui ne sévit que par le mal. Il est toujours possible de tendre, remuer sa langue et de sécréter le faux en salive. Vouloir (taghenentement) séduire son auditoire par l'étalage supposé de muscles, c'est le pousser à vous pousser vers la démonstration. Et la démonstration ne tardera jamais à surgir. La fascination s'écarte au moment où la nudité des faits, fait de l'orateur candidat ou de ses colistiers, un monument de mensonge que la difficulté imprévisible laisse apparaître son impuissance à régler un problème, petit soit-il. Ainsi, la force présentée comme une menace à l'égard de quiconque osant obstruer le chemin de la déliquescence, s'évaporerait aux premiers «accrocs» et se résignerait forcément à s'adapter aux situations normales. Quand on a décidé de se porter candidat véhément vaille que vaille, ne faudrait-il pas d'abord accepter toute observation, malveillante soit-elle, et ensuite se mettre dans la peau d'un homme déjà ou probablement homme public, véritable cible d'attaque et de persiflage ? Penser gouverner seul une ville ou un hémicycle ne sera qu'une chimère. La réalité en fera vite une amertume. Difficile à digérer. Il n'est pas de l'apanage de la parole de travestir la dureté de la vie et des cités. Mais le silence manque parfois de parole et se libère dès que celle-ci lui est retirée. L'ordre naturel des choses sensibles ne peut en effet limiter la parole, qui, même s'y soumettant, le nie en un sens pour l'achever. Si l'on veut dire une chose, il ne faut la traduire. Soit la nature n'a jamais cautionné l'acte de ceux qui bouchent la bouche des autres. L'affaire, en affaire publique les concerne tous. Le détenteur de l'autorité, ministre, sous-ministre ou wali, n'est qu'un microcosme au centre de l'univers, au confluent de l'évolution et de la régression, des courants de la gloire et des chutes. Il ne peut donner, telle la plus belle femme au monde, que ce qu'il a. A chaque puissance, il y a plus puissant, à chaque savant il y a plus savant. La mesure se confine donc dans la modestie et l'aisance spirituelle. Que les candidats, nos futurs chers amis, commencent par chercher les maux qui gangrènent la ville, les douleurs dont souffrent leurs concitadins, et s'efforcent par conséquent à s'éloigner un peu de slogans vides, ou de serments intenables ! Ils auront affaire non pas uniquement à leurs électeurs mais aussi à toute une panoplie hiérarchique de superviseurs, de tutelle et de responsables. Parmi ces responsables, les uns admettent pour une précellence le fait de travailler avec des gens, d'autres la refusent et prennent ces gens pour une monnaie d'aumône. Il reste que le véritable responsable doit dédaigner et fuir «la force» qui aurait à le rendre invincible et inattaquable. Ce serait une erreur de soutenir que la possession de «connaissances» ou de «liens solides» est un état louable en soi. Le faible qui, nourri de patience, est encore supérieur au fort dont la vie déborde d'impatience. Le mandat dans une mairie dans ce cas ne sera qu'une contrepartie d'une soumission collégiale et une omission de soi. Une autre façon de s'oublier, d'oublier ses humeurs, ses tics et ses plis ordinaires. Ainsi, l'élu majeur aura par voie démocratique à s'accoutumer à la pratique d'une certaine autorité. L'autorité de certains élus, devenant responsables, ne devait pas avoir de facette que dans la tchatche et la parlotte. Par contre, pour d'autres, elle ne pourra être que dans l'acte, la finalité et l'aboutissement. Entre les deux groupes d'individus, l'écart demeure insignifiant eu égard à l'autorité qui par la tchatche arrive toutefois à fasciner plus d'un ! C'était là, un semblant d'avertissement à nos futurs élus, que la partie dépasse la victoire du 29 novembre. Tout l'enjeu reste dans l'avenir. C'est une fois élus, enthousiasmés et enivrés que les élus se doivent de déchanter. L'ennui commencera et avec la solitude et la ferme conviction cette fois, si pouvoir améliorer les choses est une chose aisée ou non. Le maire dans ce moment, après que les verres se vident, les toasts se délavent et les hourras se taisent, ne verra que sa nudité. Il ne pourra plus se dérober de la terreur qui le guette à chaque tournant de rue malpropre, à chaque nid-de-poule, à chaque crevaison de chaussée, à chaque dos d'âne accentuel, à chaque poteau grillé et à chaque... et à chaque... La mission pour nos chers amis est ardue. Faute d'agir dans le terme réel, ils auront plus à gagner en évitant de se dire : et les autres comment ont-ils pu gérer ça ? C'est injustement cette fausse application d'une pratique ou cette moribonde sensation qui malheureusement stimulent les uns et les autres. L'échec ainsi est justifié par celui des autres quand la réussite reste obligée d'être semblable aux hypothétiques autres. Sur un plan beaucoup plus pragmatique, ces élections seront dans leur majorité au profit des partis de l'alliance présidentielle. Le FLN dans sa composante de spécialistes en matière de carrière électoraliste arrivera bel et bien à dépasser les embûches et la grogne qui surgissent chaque fois qu'une liste est égratignée, modifiée ou renversée. C'est un parti où la rébellion soulevée à l'immédiat de tout rendez-vous électif s'avère une source de dissidence, de redressement ou de convergence. Les militants sont aussi des sujets dans une société supportant douloureusement une éternelle mutation. Ils subissent et agissent. Le FLN est de plus en plus enclin à une indiscipline de troupes par rapport au RND. Par contre, dans ce conglomérat d'individus, la discipline passe pour être une constante interne. Nos amis qui y sont dedans se déclament gouvernables et dévoués à une ligne partisane. Ils ne disent pas par ailleurs quelles sont les limites qui marquent les contours de cette ligne. Le poids du secrétaire général Ouyahia, intervenant dans tous les coins et recoins de toutes les listes de tous les hameaux, villages et dechras de tout le pays, est tel qu'il est arrivé à incruster dans le désir de tout candidat, le désir de plaire d'abord à ses co-militants, puis le reste c'est au parti de le faire. En somme, les deux prestigieux partis, incontestables appareils de levage des uns et de lâchage des autres, persistent à perforer leurs listes respectives par de l'intrusion. En effet, des candidats n'ayant aucun «avoir militantiste» se voient, certainement au bonheur des gens qui les ont avalisés, conformes au profil du voeu citoyen, chapeautés sinon contenus dans des listes d'ultime quart d'heure. Qu'à cela ne tienne. Paradoxe ou fatalité, cette fois-ci tous les «intrus» de tous partis confondus semblent recevoir d'avance une apparente bénédiction populaire. Encore que rien ne prédit l'amélioration de l'état de nos communes si ce n'est que rêver d'un léger mieux et d'une bonne écoute. Au FLN, la contestation n'est qu'une contestation de noms. Elle peut être toutefois synonyme de bonne santé du parti. Elle raffine la conscience de l'intérêt de défendre un choix et ne s'adresse qu'aux responsables politiques à l'échelon généralement national. Au RND, moins visible qu'ailleurs, elle entérine le cliché prévalant d'un parti fourre-tout. Soit cette contestation de noms n'a pas à déroger au principe de la primauté du stratégique sur le politique. Ainsi, les RNDistes seraient plus sérieux que tous les autres. Pour la troisième partie de l'alliance, l'on n'a jamais pensé qu'elle en faisait partie comme parti. Son dada, l'excellence de l'entrisme, elle ne fait partie que lorsque la mise est à un niveau gouvernemental ou parlementaire. C'est un décor démocratique, croit-on, mais en finalité un décor qui s'avérerait un beau jour aventureux et périlleux. Car la démocratie n'a pas uniquement que des vertus, elle peut, nous l'avions écrit récemment, produire de l'infamie voire des déjections et des excréments.


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