Algérie

Nizar Baraka, ministre marocain chargé des Affaires économiques: «Il faut un bloc maghrébin pour négocier en position de force avec l'Europe»



47 ans, titulaire d'un doctorat en économie, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Affaires économiques et générales depuis 2007, petit-fils d'Allal El Fassi, Nizar Baraka explique dans cet entretien avec Maghreb-Emergent-Le Quotidien d'Oran, pourquoi la constitution d'un «bloc économique» maghrébin est vitale. Il estime que les évolutions en cours dans le monde arabe et particulièrement au Maghreb vont favoriser l'émergence de nouvelles élites plus attentives et plus motivées pour la réalisation de l'intégration du Maghreb.

Vous affirmez qu'un Maghreb uni et intégré économiquement devrait générer 2% de PIB en plus pour la région et qu'il est possible de doubler le revenu du Maghrébin en l'espace de 7 ans… Pouvez-vous nous éclairer ?

Plusieurs études ont été réalisées sur le sujet par des institutions internationales dont la Banque Mondiale. Elles ont démontré, chiffres à l'appui, que si les pays maghrébins réussissent leur intégration cela est de nature à accroître la croissance globale de ces pays et donc de la région de 2% de plus par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. Le revenu par habitant augmenterait de 17% par an. Aussi en l'espace de 7 ans, il est possible de doubler le revenu par habitant dans la région maghrébine. Comment y parvenir ? Par trois mécanismes. Le premier est le renforcement de l'attractivité de l'investissement. En d'autres termes, par la constitution d'un bloc de 100 millions d'habitants et les possibilités diversifiées d'investissement que l'on peut attirer et créer par conséquent des emplois. Bien entendu, cela induit une amélioration des conditions de la consommation interne et génère de la croissance. Le second mécanisme concerne les échanges commerciaux extérieurs. Comme vous le savez, il y a une complémentarité économique entre l'Algérie et le Maroc. Ce que produit l'Algérie manque au Maroc et l'inverse est vrai. Cette complémentarité est donc possible et doit permettre de renforcer les échanges entre les deux pays et entre les pays maghrébins. Le troisième mécanisme a trait à la compétitivité. Si nous pouvons réaliser une intégration économique maghrébine, cela renforcera nos capacités de négociations avec les pays du nord de la Méditerranée. C'est très important surtout en cette période de crise économique et où l'on doit tenir compte des effets de la crise économique européenne sur nos économies. Un autre point essentiel à relever est que le taux de croissance des pays européens est bas en raison de la crise économique. Cela a immanquablement des incidences négatives sur le niveau de croissance et sur les capacités de développement de nos pays. Une des clés pour faire face aux conséquences de la crise sur nos pays est l'ouverture des frontières et l'encouragement des échanges intra-maghrébins, la levée des barrières douanières et le renforcement des investissements maghrébins. On ne peut en attendre que des incidences positives en matière de création de nouveaux emplois et de croissance et bien entendu cela permettra à nos peuples de réaliser un rêve longuement défendu par les générations qui nous ont précédés.

Pourtant chaque partie maghrébine a Å“uvré à avoir des relations privilégiées avec l'Europe au lieu de chercher à négocier en bloc maghrébin…

Je parle d'aujourd'hui, je ne parle pas du passé. J'estime qu'il faut constituer un bloc maghrébin pour négocier en position de force avec l'Union européenne qui oriente son soutien vers l'Europe de l'Est et non au sud vers les pays maghrébins. La question de la compétitivité est importante. Les pays maghrébins peuvent se spécialiser dans des domaines où ils sont compétitifs. Le produit maghrébin peut être plus compétitif. Sans oublier que le Maghreb arabe peut constituer un pont avec les Etats de l'Afrique subsaharienne. Nous pouvons jouer ce rôle de relais entre l'Union européenne et l'Afrique avec plus d'efficacité. Je suis convaincu que le citoyen maghrébin a un fort désir de voir ce rêve se réaliser. C'est encore davantage le cas chez nos jeunes qui réfléchissent à l'avenir. Et l'avenir passe par la constitution d'un bloc régional comme on l'a vu partout ailleurs dans le monde.

Vous voulez dire qu'il est préférable pour la jeunesse maghrébine de penser ou de rêver à «l'horizontale» et que cela est réalisable… Plutôt que de se perdre dans une vision «verticale» irréaliste.

Absolument. Nous savons que nous n'adhérerons pas à l'Union européenne. Le rêve maghrébin, lui, est réalisable, accessible. Il l'est d'autant plus qu'il permet d'améliorer les conditions de vie du citoyen maghrébin, de donner des perspectives d'emploi à nos filles et nos garçons et d'améliorer les possibilités de s'intégrer dans une mondialisation plus humaine que celle que nous connaissons aujourd'hui.

Comment voyez-vous l'impact de la situation en Tunisie et en Libye sur l'Union du Maghreb ?

Ce qui se passe dans la région arabe en général et dans les pays du Maghreb en particulier aura des conséquences importantes sur les relations interarabes. La démocratisation des régimes renforce leur intégration et accroît les opportunités d'améliorer les conditions de vie des peuples. Le «printemps arabe» va, sans aucun doute, secréter de nouvelles élites avec des mentalités nouvelles et des systèmes démocratiques qui seront plus à l'écoute des attentes et des aspirations des peuples. Plus à l'écoute des ambitions des populations qui veulent la suppression des frontières et une Union du Maghreb forte et active au niveau régional et continental. Les valeurs de la démocratie fondée essentiellement sur les libertés ne reconnaissent ni les frontières, ni l'enfermement. Elles se fondent sur les valeurs de liberté, d'ouverture et de coopération pour le bien des populations. La croyance en la nécessité de partager les valeurs de démocratie, de développement et la croyance en un avenir commun ne peuvent qu'être confortées. Promouvoir l'homme maghrébin, assurer la dignité et des conditions de vie dignes pour les citoyens cela ne sera possible que dans le cadre de la constitution d'un bloc maghrébin fort au niveau économique, politique, social et culturel. C'est le choix stratégique auquel nous aspirons.




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