Ni aveugle, ni sourd

On peut suivre Mahmoud Abbas: il faut bien négocier pourparvenir à une solution au conflit avec Israël. On ne peut cependant pas faireles sourds quand la ministre des Affaires étrangères israélienne décrète que lasécurité d'Israël passe avant la création d'un Etat palestinien. C'est ce quirend le projet de réunion internationale d'Annapolis aux Etats-Unis un remakede Camp David en plus dangereux.Car, s'il faut écouter les Israéliens, qui, avec constance,colonisent les territoires palestiniens, rendant impossible dans les faits laconstitution d'un Etat, il n'est pas question de revenir à 1967. Il n'est pasquestion d'appliquer les résolutions des Nations unies sur le retrait desterritoires occupés et le retour des réfugiés palestiniens. Chaque jour, l'Etathébreu crée un fait accompli sur le terrain que les Palestiniens sont sommésd'accepter au nom de la prise «en compte de la réalité», selon une formule duprésident américain.Les termes de la «solution», selon Tel-Aviv, ne sont passecrets: on formule des exigences aux Palestiniens (combattre le Hamas,renoncer à la résistance) pour une contrepartie tellement inconsistante qu'elleen devient nulle. Mahmoud Abbas n'a pas la légitimité d'un Yasser Arafat, etpourtant on sait ce qu'il a fallu au leader palestinien de courage et depugnacité pour ne pas céder aux pressions dans l'enfermement de Camp David. Ilen a payé le prix fort et une propagande occidentale ignoble le présente commecelui qui a gâché une «chance pour la paix». Mahmoud Abbas, qui ne fait pas l'unanimité au sein dupeuple palestinien, aura-t-il la capacité de dire non à des solutions qui necorrespondent pas à l'attente légitime, confortée par de nombreuses résolutionsonusiennes, des Palestiniens ? Mais surtout, aura-t-il le courage de dénoncerles simulacres et d'en tirer les conséquences et d'admettre que la seule forcedes Palestiniens est leur union ? Car Annapolis a toute les chances de n'être qu'un simulacredestiné à montrer que les Etats-Unis agissent pour mettre fin aux souffrancesdes Palestiniens. C'est un simulacre, car le concept extensible de «sécuritéd'Israël» et la colonisation sont les obstacles à la solution.Des universitaires américains sont aujourd'hui dans lepurgatoire pour avoir osé démontrer que la politique extérieure des Etats-Unisau Moyen-Orient est totalement sous l'emprise des lobbies israéliens. Etpourtant, ils énonçaient des évidences maintes fois confirmées par les faits.C'est ce qui laisse très dubitatif sur les intentions des Etasuniens. S'ilsfont mine de s'activer - tout en signifiant à Mahmoud Abbas qu'il ne doit pasavoir des espérances élevées -, cela n'est pas sans lien avec les projetsguerriers contre l'Iran. Il s'agit bien d'offrir de fausses espérances auxPalestiniens et aux opinions arabes pour atténuer les colères inévitables quiviendront en cas d'agression contre l'Iran.M. Mahmoud Abbas ne peut sans doute pas décliner d'aller àAnnapolis. Mais il ne doit pas se leurrer sur les intentions d'Israël et desEtats-Unis. Il ne doit faire ni l'aveugle, ni le sourd.