Algérie

'NESS MECHRIA" DU THEÂTRE REGIONAL DE TIZI OUZOU Funestes retrouvailles



'NESS MECHRIA
On dit que les amours déçues sont souvent les plus cruelles, et ce n'est certes pas ce spectacle présenté à la salle Mustapha-Kateb du théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, qui allait nous prouver le contraire. Bien au contraire !
La compétition de la septième édition du Festival national du théâtre professionnel d'Alger s'est poursuivie, dimanche soir, avec la représentation de la pièce Ness Mechria. Un spectacle aux accents tragiques, avec une héroïne presque cornélienne, mis en scène par Lakhdar Mansouri, écrit par Bouziane Ben Achour, et produit en 2012 par le théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi Ouzou. Ness Mechria, c'est une histoire d'amour perdu, de rêves brisés, d'individus meurtris et totalement désemparés. C'est aussi une histoire de retrouvailles. Les retrouvailles de deux amoureux exposés à la censure de la société. Mechria et Medien étaient jeunes et épris l'un de l'autre dans le passé, mais la vie les a séparés. Ils se retrouvent un soir de pleine lune dans les sous-sols d'une ville dont on ne perçoit que le sifflement du train, qui passe de temps à autre, pour leur rappeler que le temps passe, court, mais que leurs souvenirs sont restés intacts. Medien a lâchement abandonné Mechria, après l'avoir mise enceinte. Dix ans plus tard, ou même plus, Medien retourne voir Mechria, mais bien de l'eau a coulé sous les ponts. Elle n'est plus celle qu'il a connue, aimée et abandonnée. Elle est plus forte, certes, mais plus méfiante, moins rêveuse, plus réaliste, et très dure envers elle-même. Medien va voir Mechria -une femme qui vit en marge de la société parce qu'elle a refusé la convention sociale- avec un déguisement, car il prétend qu'il est aveugle. Cette situation crée un quiproquo (dans sa définition moderne avec une dimension tragique) et installe le spectateur dans une illusion. Mechria finit par le reconnaître et les souvenirs commencent petit à petit à remonter à la surface. Les reproches fusent, et Mechria exorcise toute la haine qu'elle a gardée enfouie en elle depuis trop longtemps. Le conflit devient insoluble, et les tentatives de Medien de reconquérir le c'ur de sa belle sont vaines et se heurtent au refus de Mechria qui se refuse le droit de rêver, parce que la vie ne lui a pas fait de cadeau. Jusque-là, le spectacle semble réussi, mais le texte de Bouziane Ben Achour est loin d'être parfait, d'autant qu'il y avait souvent beaucoup trop de pathos. Bien qu'écrit dans une belle langue, le texte Ness Mechria, qui oscille entre la tragédie et le drame, était sans grande surprise, sans luminosité, parfois fade, et souvent débouchant sur une situation attendue, prévisible. La mise en scène de Lakhdar Mansouri a donné une dimension symbolique au texte de Bouziane Ben Achour. Le metteur en scène a préféré faire réfléchir son spectateur en lui proposant une grille de lecture assez large, avec plusieurs symboles : la lune, le train, la couleur rouge. L'espace scénique était partagé en trois compartiments horizontaux : le premier niveau représente le présent des personnages, un hors scène à l'arrière de la scène représentant le passé des protagonistes, et au milieu, un espace de couleur rouge, représentant la décennie noire. Sur ces trois espaces, quatre comédiens ont évolués. Les deux acteurs principaux : Mohamed Ibedri incarnant Medien et Fatéma Hasnaoui incarnant Mechria, ont offert une véritable performance. Fatéma Hasnaoui s'est surpassée en personnifiant le personnage de Mechria, une héroïne cornélienne parfois, et tragique le plus souvent. Elle a réussi à multiplier les propositions dans son jeu tout en restant femme et féminine, ce qui était loin d'être évident. Dans Ness Mechria, on parvient à saisir le drame des personnages, mais on perd bien souvent le fil, et ce, en raison de certaines difficultés au niveau de la structure dramatique du texte. Cependant, si on devait extrapoler, l'originalité de cette pièce réside dans le fait que ses créateurs ont décidé de nous raconter une histoire d'amour. Une histoire d'amour toute simple. Ce qui parfois pose problème dans la perception, parce qu'il y a un décalage entre l'attente et la proposition, parce que souvent, on s'attend à ce que le théâtre brise des tabous, politise son propos et nous offre des solutions. Ce qui est loin d'être le cas dans Ness Mechria, une pièce qui nous rappelle tout simplement que les voies de l'amour (dans son sens le plus large) sont encore... toujours impénétrables.
S K


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