Algérie

Néo-patriotisme économique ou fronde «d'actionnaire» mécontent '



Il n'existe pas. En tout cas pas dans le public. Lorsque le président Bouteflika est arrivé aux affaires en 1999, il tenait, lui et son trio de fidèles Khelil- Benachenhou-Temmar, un discours  «classique» anti-étatiste. Dans l'ère des années 80-90 et de la matrice «dérégulatrice» du consensus de Washington. Le cap est renversé à  180° par touches successives, depuis juillet 2006 et le renoncement à  la privatisation déguisée des gisements de l'amont pétro-gazier. Mais aucun discours doctrinaire ne soutient cette nouvelle politique approfondie de loi de finances en loi de finances complémentaire. Le président ne parle plus. Ne dit plus rien en dehors des convenances liées à  la fonction. Ses ministres ultra-libéraux sont en disgrâce. Même le professeur Abdelatif Benachenhou, plus subtil et plus « dialectique » dans la famille des golden ministres - il n'a jamais soutenu les outrances anti-secteur public de Temmar des débuts – évite de commenter le nouveau cours de politique économique. Encore moins de lui donner une armature théorique. Le pouvoir politique algérien a pourtant une tradition. Il donne une assise idéologique à  ses choix économiques. Et prend la peine de leur chercher une «légitimité» scientifique. Ainsi pour les industries industrialisantes dans les années  1970,  pour les réformes de marché à  la famille des années 1980, avec «les fameux cahiers de la réforme». Cette fois, le pouvoir politique abandonne les privatisations pour menacer de nationalisation, interdit quasiment l'investissement direct étranger dans de nombreux secteurs, remet les entreprises privées sous la coupe des chefs de bureau à  la direction de commerce de la wilaya, sans qu'aucun discours justificatif construit ne sorte de la bouche d'un responsable ou d'un think tank commissionné.   Ahmed Ouyahia a surtout répété à  la presse qu'il ne changerait pas de cap, face aux pressions internationales consécutives à  la loi de finances complémentaire de 2009 qui instaurait un protectionnisme sans fard. Mais fallait-il attendre plus d'arguments théoriques d'un homme qui a déclaré que le seul critère valable, à  ses yeux, pour établir une politique industrielle était «le plan de charge» des entreprises ' Il y a pourtant un challenge intellectuel intéressant à  démontrer les avantages à  long terme de la «préférence nationale» dans les marchés publics. Rien. Le pouvoir politique n'a plus besoin de convaincre. Ni les opérateurs algériens, ni ses partenaires étrangers, ni encore moins l'opinion nationale. Mais est-il lui-même convaincu de quelque chose ' Le président Bouteflika ne se conduit pas en repenti honteux de l'utra-libéralisme. Il était le premier à  avoir donné l'assaut en juillet 2008, contre les investissements étrangers qui «ne jouaient pas le jeu» et à  charger nommément, Orascom, l'emblème de la réussite étrangère en Algérie. C'est peut-être une erreur de méthode de croire qu'il s'agissait là d'un virage doctrinaire. Ce n'est un secret pour personne, et Belaïd Abdeslam en parle très bien, Abdelaziz Bouteflika ne partageait pas le cours collectiviste de l'époque Boumediène. Il avait été favorable à  une plus grande part du secteur privé et des relations d'affaires plus «décomplexées» avec le monde capitaliste. Il n'a jamais changé sur le fonds. Le virage de 2006-2008 vers le néo-patriotisme serait donc un coup de colère d'actionnaire mal rétribué. L'Etat algérien, en fait le système décisionnel qui tient le pays, s'est subitement rendu compte que les autres tiraient plus de dividendes que lui de la croissance retrouvée. Les autres ' Les investisseurs étrangers, les privés algériens consolidés, les partenaires commerciaux de l'Algérie. En l'absence de toute explication doctrinaire, il faut bien se résoudre à  considérer le néo-patriotisme économique algérien pour ce qu'il est. Un artifice de  macro-redistribution des profits. La question dans le sérail n'est plus «comment générer plus de richesses économiques '», mais «comment en capter plus que les privés nationaux politiquement versatiles, les investisseurs étrangers trop efficaces et les partenaires commerciaux trop concurrentiels '» Une seule personnalité politique tente de trouver du sens vertueux à  ce nouveau cours économique : Louisa Hanoune. Mieux encore valait le silence.


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